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Valen Guédé
Valen_guede@yahoo.fr

Il y a des doigtés en or venant de la source des musiques traditionnelles qu’il tient ferme entre ses pieds. Son écriture est vaste, ses portes ouvertes à toutes les nuances. C’est la marque des grands artistes. Qui découvrent toujours sur les trottoirs des traditions certains de ses pans. Avec leurs semences à l’état pur. Il sort du terreau de l’art ce que tout le monde ne perçoit pas. Il tire cette force exceptionnelle de sa pratique de tous les instruments. Il y extrait la substance qu’il n’est pas donné à tout le monde de découvrir. L’impensable est à portée de son imagination qui ne recule pas face aux difficultés du cosmos. Il domine tous les espaces qu’il occupe. Chorégraphie, écriture musicale et chants se marient harmonieusement. Son art inspire respect et admiration. Sa force réside dans les arcanes de la tradition qu’il maîtrise à merveille. Dans son approche de l’orchestration, il confie à chaque instrument un rôle en rapport avec son architecture. La tenue de son discours lyrique s’apparente à celle du Tohourou. Une mélopée sans relief, mais qui module sous le sceau d’une structure proverbiale. Qui caractérise le corpus des chants traditionnels. Que nul ne peut décoder sans être un initié. Ses chansons portent autant qu’elles sont une signification s’inscrivant dans la sphère discursive des traditions. Il porte au bout de sa langue les déliquescences des us et coutume qu’il ne cesse de réveiller pour les rendre parlantes. Héritage mérité du père, lui-même maître de la parole proférée dont la dextérité au chant fait éclore le jour. Sans qu’il n’ait quitté l’espace scénique, il annonce son retour. Qui a une histoire comme toute mort dans nos traditions a une cause. Forcément ! Le sorcier incarné par le gros hibou perché sur une branche qui s’attaque à tout le monde nuitamment. Prêtons oreille à l’artiste qui parle de ses deux jambes fracassées lorsqu’il a été défenestré du quatrième étage d’un immeuble:

L’on ne doit pas tuer Gnaorwè
Jamais, jamais, l’on ne doit tuer Zéblé Gnaowrè Glwéwa
Celui qui sait dire la parole
Moi Zéblé Gnaorwè Glwéwa, Liadé Digbeu, je suis enfin de retour, arrivé
Au moment où nous allions chanter
Afin que s’exhibent les femmes
Qui est-ce donc ?
A n’importe quel moment, où que se trouve le soleil
Ils surgissent çà et là en se tapant les poitrines
Tout en menaçant qu’ils sont la panthère
Maître des animaux de la forêt et de surcroît qui gouvernerait à leurs destinées
Ô ! Panthère, dès que tu t’engouffreras dans la forêt
Sache que sur ton chemin tu auras à en découdre avec le monstre et destructeur éléphant
Ils ont tenté de m’arracher les jambes, ces sorciers
Et me voilà sur pied
Il ne suffit pas de chanter
Mais il faut danser…

Liadé Digbeu alias Dickaël Liadé sans chercher loin, découvre les sorciers. Les porteurs patentés de cercueils qui se savent sorciers, mais immobilisent le cercueil devant la case d’autrui pour l’incriminer. D’où il faut procéder à l’épreuve du Gôpô. Espèce de sève blanche extraite d’une feuille d’arbre qui seule, a pouvoir d’incriminer ou innocenter le supposé sorcier. Pourquoi tout ceci dans un milieu où la solidarité doit être le trait d’unité entre les membres de la même communauté ? Dickaël Liadé reste les pieds encrés dans la tradition dont la cosmogonie garde jalousement ses repères. Il n’y a pas de fumée sans feu, a-t-on coutume de dire. Même si l’on s’entête à demeurer dans les marais de la tradition, est-ce pour autant qu’il faut faire planer sur la cité le spectre de la peur du Gôpô ? L’on se pose souvent la question qui est de savoir : Est-ce que la sorcellerie a cours dans le monde des arts et de la culture ? Certains artistes eux-mêmes ne se cachent point. Ils l’affirment: En chœur. Mais selon certains, la sorcellerie dont il est question, est avant tout une arme protectrice de la communauté et de soi-même. Car, traînent au travers des sentiers qui mènent à la voie de la voix, des forces maléfiques qu’il faut dégager de la voie. L’artiste Dickaël Liadé n’est pas Gnaorwé pour plaire. Son histoire vécue ressemble trait pour trait à celle de Zéblé Gnaorwè Glwéwa. La mythologie Bété enfonce le clou. Gnorwé est bel homme, imposant et de surcroît brave guerrier. Tout cela a amené femmes et hommes à marier leurs filles à ce Bagnon. Par jalousie, il fut tué. Il est dépecé en minuscules morceaux et jetés dans le ventre de la forêt pour qu’il quitte définitivement les esprits. Erreur. Voilà qu’il ressuscite sous la forme d’une panthère à la vengeance ravageuse. Tout individu qui se rend dans la forêt et voit cette panthère-là, meurt sur le champ. Dickaël Liadé a eu les Jambes fracassées et le voilà sur pied. Sans chercher à dénicher des sorciers coûte que coûte, il n’oublie pas pour autant sa propre histoire semblable à celle de Gnaorwé. Dans la peau de ce dernier, il danse désormais son rythme Vava en survolant la sphère musicale. L’artiste, n’est-il pas porteur des paraboles pour le bien être spirituel de la communauté ? Auditrices et Auditeurs de Fréquence 2, une fois au Carrefour Weekend, ne réveillez pas les vieux démons des cimetières. Observez la prudence qui sied sur l’Autre Face de la Mélodie.

Valen Guédé

Valen_guede@yahoo.fr

Source: Page Facebook Valen Guédé