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(Hebdomadaire Marianne) – L’hebdomadaire français Marianne a publié ce mois-ci, un texte sur la décision des juges de la CPI de renvoyer le procureur à sa copie dans l’affaire qui l’oppose au Président Laurent Gbagbo. Pour le confrère qui cite des spécialistes dont un membre du Barreau pénal international, le procureur a un travail d’Hercule à faire. 

Créée sous l’impulsion de l’ONU en 2002, la CPI compte 122 Etats membres sur les 193 de l’institution onusienne. Le plus gros contingent est fourni par l’Afrique, devant l’Amérique latine et les Caraïbes. Les Etats-Unis, la Chine, la Russie ou encore Israël et la plupart des pays arabes n’ont pas ratifié le statut de Rome qui établissait son autorité. Son premier verdict date de 2002 et concernait un simple chef de milice congolais.

La procureure [Fatou Bensouda] parviendra-t-elle à étayer son dossier [dossier d’accusation contre le Président Gbagbo] d’ici à novembre prochain, nouvelle date butoir ? Maitre Emmanuel Altit, l’avocat de l’ancien président ivoirien, ne voit pas comment. Et pour cause, lui s’est assez efficacement employé à réduire l’instruction de la procureure à un mauvais habillage juridique, « du narratif politique ayant permis de diaboliser le président Gbagbo pour légitimer la prise de pouvoir par Alassane Ouattara ».

Plus embarrassant pour la crédibilité de la CPI, même dans les ONG favorables à la tenue d’un procès, les méthodes de travail de Fatou Bensouda, comme d’ailleurs celles de son prédécesseur, soulèvent de sérieux doutes. « Dans le cas Gbagbo, comme pour d’autres affaires, ils doivent urgemment améliorer leurs techniques d’enquête », assure Leslie Haskell, conseillère juridique d’Human Right Watch, organisation très investie dans la crise ivoirienne. « Les divers rapports permettent certes de conceptualiser le dossier d’accusation, peuvent donner des pistes, mais ne remplacent pas la collecte de preuves sur le terrain et les témoignages directs » [poursuit Leslie Haskell].

Mission impossible ? Pour nombre de spécialistes du droit international, dès le départ le ver était dans le fruit en raison de la nature même du chef d’accusation retenu contre Laurent Gbagbo, poursuivi comme « coauteur indirect ». Le secrétaire du Barreau pénal international l’admet, « Oui, cela a été fait un peu à la louche. Faute de pouvoir établir clairement sa responsabilité dans les centaines d’actes délictueux, on le déclare responsable de tout. C’est assez pathétique. En vérité, depuis sa création, la CPI manque d’une véritable doctrine pénale qui lui permettrait d’être plus efficace ». Les partisans de Laurent Gbagbo, eux, ne s’embarrassent pas de telles subtilités juridiques et disposent il est vrai d’un argument de poids: l’absence du camp Ouattara dans le box des accusés à la Haye, alors même qu’ONG des droits de l’homme et représentants de l’ONU pointent aussi son implication dans les massacres, notamment dans l’ouest de la Côte d’Ivoire.

« A de nombreuses reprises, nous avons alerté le bureau du procureur sur cette situation qui ne favorise pas la sérénité des débats », reconnaît Leslie Haskell. Des mandats d’arrêts, déjà rédigés mais toujours sous scellés, viseraient, dit-on, certains ex-comzones, les rebelles du Nord engagés aux côtés d’Alassane Ouattara. Voire même leur ancien patron, Guillaume Soro, ex-premier ministre de Ouattara et désormais président de l’Assemblée nationale ivoirienne.

Reste que, pour l’heure, les tueurs de Duékoué (1000 morts selon Caritas Internationalis, majoritairement d’une ethnie pro-Gbagbo), et leurs éventuels commanditaires n’ont pas été inquiétés.

Par Alain Léauthier

NB : La titraille est du quotidien Notre Voie