Dr. Aïcha Yatabary : « Vous savez que je suis écrivain. Alors, aujourd’hui, je vais vous raconter une histoire. »

Dr-Aïcha-Yatabary

Dr. Aïcha Yatabary
Médecin et Écrivain
Présidente du mouvement Femmes Santé Solidarité Internationale

Désirée est Bhété et Péphanwory (qui signifie « leurs forces se sont effondrées », « il est invincible ») est Sénoufo ; Péphanwory est l’équivalent de Kigbafory (« leurs manigances n’ont pas abouti »). Péphanwory est Sénoufo Niarafolo ; ils forment un couple. Ils sont mariés depuis des décennies, depuis l’époque du « père » de la nation, Houphouët boigny, s’étant rencontrés à l’Université. Un amour qui dépasse les frontières régionales du nord et de l’ouest de la Côte d’Ivoire les a liés dès qu’ils ont croisé le regard l’un de l’autre. Péphanwory, est de Ferkéssédougou, Désirée est de Soubré. Soro (qui signifie « brave », toujours en langue sénoufo, tout comme le patronyme Coulibaly), tel est le nom de famille de Péphanwory, est un homme Siéne Ra (sénoufo) au sens plein du terme: courageux, vigoureux et doté d’un corps tout en saillies, en muscles. Il aurait fait un très bon cultivateur à Ferkéssédougou s’il n’avait élu domicile à Abidjan afin d’y poursuivre ses études supérieures en sciences de l’éducation. D’ailleurs, Péphanwory rêvait de retourner à la terre, de pratiquer comme activité l’agriculture, dans ses vieux jours. C’était un homme de principes pour qui certaines valeurs étaient primordiales : la famille, la communauté, la solidarité, le travail, le respect des aînés, le respect de la parole donnée, la recherche et la transmission de la connaissance, le courage. Siénéras : vos ancêtres, les chasseurs d’entre eux, n’ont-ils pas traqué les panthères et les lions, pour permettre votre installation sur les terres de vos origines ? C’est après cela que vous êtes devenus des Siénéras, des cultivateurs. Existe-t-il un homme de cette ethnie qui n’est pas passé par le Poro ? Le Poro d’où les vrais hommes sortent, cet endroit là-même d’où nul ne sort incirconcis. Ne lui a-t-on pas enseigné, à Péphanwory, dans cette société secrète, l’ouverture d’esprit, l’honneur et la dignité ? On lui a enseigné l’endurance, la discrétion, comme l’oiseau Ségèn.
Etre endurant est une qualité, en pays sénoufo. Parler peu est une qualité. La puissance vient quand on acquiert la maîtrise de soi et quand celle-ci est associée à l’action. Mais l’action doit être dévouée à la communauté car ce peuple n’est pas un peuple individualiste. Le vrai Sénoufo est un homme qui a appris le sacrifice de soi pour l’intérêt général. Un vrai Sénoufo ne tue pas son frère Sénoufo. Un vrai Sénoufo pardonne à son frère Sénoufo. Il a du respect pour la vie humaine. C’est ce que leur ont appris les mânes des ancêtres.
La patience et l’endurance ont raison de toutes les épreuves. A ce titre, les cinq plus anciens animaux, selon la mythologie sénoufo, sont : le calao (ségèn) le caméléon, la tortue, le serpent et le crocodile. Ne sont-ils pas tous caractérisés par leur patience ? Un Sénoufo est un homme patient. Il sait que la patience a raison de la force. Regardez une matière aussi solide que le goudron bitumé. La fine pluie de quelques jours a raison de lui. Le Sénoufo qui a appris la patience, sait que la douceur a raison de la brutalité. Regardez un élément aussi effrayant que le feu : l’eau n’en vient-elle pas à bout ?

(À suivre…).