Le President Laurent Gbagbo entoure de Amouzou et Tape Doh

Le Président Laurent Gbagbo entouré de Amouzou et Tapé Doh

Par RFI
Les accusés ont été condamnés à des peines de prisons pour des malversations massives commises entre 2002 et 2008. L’un d’entre eux a écopé de 5 ans de prison. Les autres devront purger 20 ans en cellule. C’est le premier épilogue d’un procès qui a duré un an et demi. Une affaire de détournements de fonds portant sur des centaines de milliards de francs CFA.
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A gauche, les grains de café mélés à des restes de parche; à droite, le café prêt à l’export.
RFI / Matthieu Millecamps

Les peines prononcées sont à la mesure de l’ampleur des détournements qu’a connu la filière café-cacao pendant 5 ans lors de la dernière décennie. Outre les 20 ans de prison pour 13 prévenus, 5 d’entre eux devront aussi payer solidairement 67 milliards de francs CFA à titre de dommages et intérêts, notamment Henri Amouzou, ancien Président du FDPCC, l’une des structures de la filière, aujourd’hui dissoutes.

Son avocat, le bâtonnier Luc Adjé, se dit soulagé : « C’est un soulagement parce que nous arrivons au terme de ce procès. Mais aussi car  le tribunal a remis sa décision et a remis des éléments d’indices pour la poursuite du procès. »

Treize prévenus ont été relaxés. Pour certains, le tribunal a estimé qu’il y a prescription. Un « procès hors norme » qui a duré 18 mois.  Libérés provisoirement en 2010 après près de 3 ans de détention, les anciens barons de la filière café-cacao ont comparu libres. Ceux qui ont été condamnés, mercredi 6 novembre, à des peines de prison restent en libertés. Leurs avocats ont 20 jours pour faire appel.

Un procès dont les enjeux dépassent les seuls prévenus

Le feuilleton n’est peut-être pas encore terminé pour les 14 ex-dirigeants de la filière café-cacao condamnés à des peines de prison. Pour la trentaine de prévenus, la chute avait été brutale avec leur arrestation et leur détention en 2008 qui aura duré presque 3 ans avant de bénéficier d’une liberté provisoire.  Ils ont été les symboles des dérives de la libéralisation de la filière.

Mais même si les condamnés sont pour certains des anciens dirigeants des différentes structures de gestion qui avaient vu le jour, les connaisseurs du dossier estiment que ce ne sont que des lampistes et que les véritables bénéficiaires des détournements, anciens et actuels ministres notamment, de tous les bords politiques, n’ont pas été touchés. Certains avocats de la défense se sont d’ailleurs étonnés au cours du procès que des témoins entendus lors de l’instruction n’aient pas été cités à comparaître.

Le bâtonnier Luc Adjé a même parlé de « procès déséquilibré et inéquitable ». Le Président du Tribunal, Hamed Coulibaly Souleymane, lui avait alors promis un « procès juste et équitable ». Avant de faire appel de la condamnation de certains de ses clients, Luc Adjé estime que ce sera à la Cour d’appel de prendre la décision ou non de faire comparaître les responsables politiques qui ont eu un lien avec la filière café-cacao entre 2002 et 2008.


■ REACTIONS

Pour Amoakon Boa, le président du Syndicat national du café-Cacao de Côte d’Ivoire, ce verdict est une déception. Selon lui, les vrais coupables sont les responsables politiques de l’époque : « C’est frustrant et je suis tellement en colère contre l’Etat, parce que nous n’étions pas d’accord avec eux. Ceux qui sont détenus, ce sont des planteurs. On n’a pas demandé à l’Etat de les mettre en prison. En fait l’argent détourné, ce n’est pas eux. Nos frères, les paysans qu’ils ont arrêtés, accusés, ne peuvent pas faire sortir de l’argent. Donc aujourd’hui on condamne les paysans pour faire un pillage, pour récupérer le cacao. Le cacao n’est plus dans la main des planteurs. Ca a été un faux procès. C’est pas suffisant s’ils voulaient faire justice, il fallait arrêter les ministres qui sont complices ».

L’avis de N’da Amon, le président du Syndicat libre des producteurs de café-cacao de Côte d’Ivoire est plus mitigé. Ce verdict marque un signal dans la lutte contre l’impunité, mais les commanditaires des détournements eux courent toujours : « C’est un message fort pour que les uns et les autres sachent qu’aujourd’hui l’impunité n’est plus à l’ordre du jour et on ne peut pas, quand même, disposer de l’argent des profits indignement. Mais il faut dire que ce sont des boucs émissaires. Je sais qu’il y a des gens tapis dans l’ombre. Il y a des gens puissants, protégés, des intouchables. Il y avait de l’argent qui a servi pour des meetings politiques, il y avait de l’argent qui est sorti pour animer les partis politiques, les achats d’armes. C’est par là que l’argent est passé ! Donc vous voyez que subitement les pauvres, ils paient les pots cassés. Donc il faut aller jusqu’au bout pour que vraiment les vrais coupables soient condamnés effectivement ».