(Notre Voie, 21 mai 2013) – La délégation du Fpi a rendu visite, pour la première fois depuis deux ans, à son président Affi NGuessan, prisonnier politique à Bouna. Ce fut un grand moment d’émotion.

 Affi n;guessan

Située à plus de 600 kilomètres d’Abidjan, Bouna est la dernière ville importante du Nord-Est de la Côte d’Ivoire à la lisière de la frontière avec le Ghana voisin. Ce samedi 18 mai 2013, il est 10h30 quand notre équipe arrive dans la ville.

Nous sommes dans un maquis-restaurant. 11 heures, un homme assis à une table avec ses amis et dont le regard était constamment tourné vers nous, nous offre à boire et se retire. Nous nous approchons alors de ceux qui étaient encore en place pour leur demander de lui transmettre nos remerciements. C’est alors que l’un d’entre eux se dévoile : « Je vous connais personnellement. Vous êtes journaliste à Notre Voie. Je suis le neveu du ministre Alphonse Douati. Celui qui vous a offert à boire est de Sérihio dans la région du fromager. Je suis le voisin de la nièce du président Affi venue spécialement s’installer ici pour lui faire à manger. Ici à Bouna, toute la population est majoritairement Fpi. Et tout le monde sait qu’aujourd’hui le président Miaka arrive pour voir le président Affi. Mais personne n’ose approcher pour des raisons évidentes de sécurité. Car ici, dozos et frci sévissent. Prenez donc courage et sachez que le peuple est avec vous ». Les propos de cet homme nous permettent alors de comprendre la lourdeur de l’atmosphère qui règne dans la ville. 13 heures, nous nous approchons de la prison civile. La voie qui passe devant celle-ci est barrée. Cependant, les hommes en armes qui la gardent nous autorisent à passer à pieds. Nous nous installons à l’ombre des arbres qui sont en face de la prison à côté des forces de l’ordre qui fraternisent avec nous. Quelques instants après, Séry Gboagnon, secrétaire national chargé de la justice, des libertés et des droits de l’Homme au Fpi sort de la prison en compagnie du régisseur. Il avait devancé la délégation de son parti. Il donne les premières consignes : « Ni camera, ni appareil photo, ni dictaphone, rien de tout cela n’est autorisé à entrer dans la prison. Il y a une liste de 25 personnes qui sont autorisées à échanger avec le président Affi et le ministre Lida. Telles sont les dispositions prises avec l’administration pénitentiaire et monsieur le procureur de la république ».

14 heures, le cortège du président Miaka fait son entrée dans la ville de Bouna. Il est escorté par la gendarmerie et la police qui assurent la sécurité du président du Fpi et la délégation qui l’accompagne. La délégation est accueillie par le procureur de la république, Lognon Aubin : « Nous avons reçus des instructions de la part du ministre de la justice qui a demandé de faire en sorte que votre visite se passe très bien dans l’ordre et la discipline », rassure-t-il le président Miaka qui l’en remercie.

14H05, le gros portail de la prison s’ouvre et on fait l’appel pour permettre aux 25 personnes de passer en tête. On appelle une, deux, trois, quatre, cinq personnes et Marie Odette Lorougnon n’entend toujours pas son nom : « Qui a dressé cette liste, réagit-elle avec un air grave et se met devant d’autorité ». « Votre nom est bien inscrit la nationale. Ne vous en faites pas », lui rétorque-t-on. Avec un large sourire dans un visage qui rayonne à nouveau, elle dit : « Vous auriez dû m’appeler plus tôt ». L’incident clos, on peut entrer dans la discipline. On croyait une fois le portail franchit voir les illustres prisonniers du régime Ouattara. Que non ! Le gros portail ne donne en fait accès qu’à la grande cour de la prison. La prison elle-même se trouvant cachée par les bureaux de l’administration. Nous devons donc prendre notre mal en patience. Et c’est à ce niveau que le vrai tri se fait sous l’œil vigilant de monsieur le procureur de la république et le régisseur. Les 25 membres de la direction du Fpi ayant leurs noms sur la liste sont conduits dans le bureau du régisseur où une salle d’attente a été aménagée pour l’entretien avec le président Affi et le ministre Lida. Tout le reste attend dans la cour.

14h20, le portail de la vraie prison s’ouvre et apparaissent enfin le président Affi habillé dans une chemise manche Longue Brodée et le ministre Lida Kouassi dans une chemise pagne manche courte. Tous les deux ont bonne mine. Ils sont accueillis par des cris de joie pleine d’émotion : « président, président, président…. », crie la foule. Mais très vite, le calme revient et les deux illustres prisonniers sont conduits dans la salle prévue pour recevoir leurs visiteurs. « Ce fut d’abord les visiteurs ordinaires. C’est-à-dire les membres de leur famille, les militants, amis et connaissances qui ont effectués le déplacement. En file indienne, ils ont eu juste le temps de saluer les deux illustres prisonniers pour ressortir aussitôt».

Quand arrive le tour de la direction du FPI, l’émotion monte d’un cran. Le président Miaka qui se jette dans les bras du président Affi écrase discrètement une larme qui trahit toute la sérénité qui l’habitait malgré tout. Quand au ministre Dano Djédjé, la nationale Marie Odette Lorougnon et l’honorable Touré Masseni, ils n’ont pu se retenir. Ils ont littéralement fondu en larmes. Et le président Affi de les consoler : « Ne pleurez pas, nous sommes-là et bien là. Nous sommes forts et nous tenons. C’est pour vous qui êtes dehors que nous nous inquiétons ». Difficile de décrire avec exactitude ce genre de moment. Ce que l’on peut retenir cependant, c’est que l’émotion était à son comble. La joie de revoir le président Affi et le ministre Lida pour la première fois depuis deux ans, s’entremêlait à la douleur de les voir engloutis sans raison dans le sous-sol de la Côte d’Ivoire. Voilà ce qu’en dit Marie Odette Lorougnon : « Mes larmes étaient à la fois des larmes de joie et des larmes de douleur. La joie de retrouver mon président et le ministre Lida deux ans après et de les voir surtout bien portant ayant une bonne mine. Douleur de voir des hommes d’Etat, qui auraient pu apporter beaucoup à notre pays par ces temps difficiles en prison pour rien pendant que la Côte d’ivoire est gouvernée par des gens qui n’ont pas été préparés à ça. Conséquence le pays va à vau l’eau et dans l’abime».

Passé les moments d’intense émotion, le président intérimaire du Fpi Miaka et ses collaborateurs se sont entretenus à huit clos avec le président du FPI, le Premier ministre Affi et le ministre Lida Kouassi secrétaire général adjoint du dit-parti.

Selon des indiscrétions, le président Miaka a donné les nouvelles du pays aux illustres prisonniers du régime Ouattara. Il leur a fait le point des activités du parti et toutes les actions qui ont été menées. Il leur a expliqué les changements qui ont été nécessités par la crise et les grandes décisions que le parti a été amené à prendre. Notamment, le boycot des élections législatives et locales.

Les félicitations d’Affi à Miaka

En réponse, le président Affi a, selon les mêmes indiscrétions, d’abord tenu à féliciter le président Miaka et son équipe qui ont tout mis en oeuvre pour remettre le Fpi sur orbite. Il a associé à ces remerciements les femmes du Fpi avec à leur tête Marie Odette Lorougnon et les jeunes du FPI conduits par Koua Justin. Il a également félicité, selon nos sources, la direction intérimaire de son parti pour le boycot des élections législatives et des élections locales. Et s’est félicité de la suspension des militants indisciplinés. Il aurait indiqué ceci: « C’est ensemble que nous serons sauvés et c’est ensemble que nous vaincrons. Celui qui croit qu’il sera sauvé seul, il se met le doigt dans l’oeil ».

Les consignes d’Affi à Miaka

Selon toujours nos sources, le président Affi a encouragé le parti à garder le cap en demeurant solidaire du président Gbagbo qui aurait-il dit ne mérite pas le sort qui lui est fait. En ce sens que l’audience de confirmation ou d’infirmation des charges a clairement montré qu’il est victime d’une conspiration internationale. C’est pourquoi le président Affi aurait indiqué que le parti doit continuer d’exiger sa libération.

Le président Affi aurait également, selon notre interlocuteur, demandé à la direction intérimaire de son parti de rester aussi solidaire de tous les prisonniers politiques et de demander avec insistance leur libération.

Le président Affi n’a pas oublié les exilés. Il a aussi demandé au parti de leur rester solidaire en exigeant également leur retour en Côte d’Ivoire.

Ces trois points nécessitent de la part des tenants du pouvoir la prise d’une loi d’amnistie aurait clairement indiqué le président Affi.

La même solidarité doit être manifestée par le Fpi à l’endroit du peuple ivoirien qui souffre depuis que Ouattara a été installé au pouvoir aurait aussi recommandé le président du Fpi.

Enfin selon notre source, le président Affi a recommandé à son parti de demeurer solidaire de la diaspora ivoirienne qui se bat pour un environnement saint dans leur pays.

Selon nos sources, le président Affi aurait surtout demandé à la direction intérimaire de ne jamais se départir de la voie du dialogue et de la négociation avec le pouvoir conformément à la transition pacifique à la démocratie qui est la ligne du Fpi. Cette négociation doit, aurait-il indiqué, permettre nécessairement de trouver un consensus sur les questions centrales que sont, le foncier rural, la nationalité, les reformes sur la sécurité et la défense nationale, celles des questions électorales, notamment la Cei, le découpage électoral et la révision des listes électorales.

Enfin tout en félicitant la direction intérimaire pour l’appel lancé à l’endroit du PDCI, le président Affi aurait demandé à son parti de traduire rapidement dans les faits cet appel. Car dira-t-il les questions centrales suscitées doivent rassembler tous les enfants de la Côte d’Ivoire dans le respect de leurs différences.

Avant de se séparer avec leurs hôtes, le président Affi et le ministre Lida leur ont demandé de transmettre leurs salutations à tous les ivoiriens qui prient, chaque jour, pour eux et de leur dire qu’ils tiennent grâce à leurs prières. Ils leur ont également demandé de transmettre leurs salutations aux autres prisonniers qu’ils vont visiter et de leur dire la même chose. Notamment à Simone Gbagbo, Ils ont dit que tant qu’elle tiendra, eux tiendront jusqu’au bout. Il a enfin donné toute sa bénédiction à la direction intérimaire.

En réponse, le président Miaka qui aurait dit avoir déjà reçu les mêmes recommandations de la part du président Sangaré transmettra le message au parti qui appliquera à la lettre toutes ces recommandations.

16H30, fin de la visite du FPI à son président Affi NGuessan à la prison de Bouna.

La direction du Fpi a également salué les jeunes ivoiriens qui ont été arrêtés au Libéria et incarcérés dans la même prison. Elle leur a offert des vêtements d’une valeur estimée à 200 000 FCFA.

Boga Sivori

bogasivo@Yahoo.fr

Envoyé spécial à Bouna.