Témoignage recueilli par LIDER News
Je suis Jean-Marie Sess, je suis devenu sourd à l’âge de 6 ans, j’étais en cours élémentaire 1.
J’ai fréquenté à l’Ecis en 2000 et j’ai eu mon examen d’entrée en 6ème en 2005. Après, je me suis inscrit en classe de 6ème à l’Institut Léopard Sedar Senghor Yopougon Wassakara. Cette école n’est pas une école pour les sourds, mais pour les entendants. Là-bas, les personnes sourdes recopient les cours chez leurs voisins entendants. Ensuite, je suis parti au collège Mitterrand pour la classe de 4ème, et c’est là-bas que j’ai eu mon Bepc.
A la suite de l’obtention de mon brevet, je suis orienté par l’Etat vers l’Institut supérieur Aimé Césaire, en classe de 2nde G2, option comptabilité.
Ce fut difficile. J’ai beaucoup pleuré parce que je n’arrivais pas à suivre les cours, qui n’étaient pas faits pour un handicapé auditif. J’étais découragé, mais quelqu’un m’a conseillé de beaucoup bosser.
J’ai fait des efforts, mais c’était très dur, car il m’aurait fallu quelqu’un pour me traduire les cours en langage des signes. Mais rien ! Je suis resté comme ça jusqu’en terminale et j’ai échoué au baccalauréat en 2012. J’ai quitté l’école car là-bas, personne ne me regardait. J’étais seul, je n’arrivais pas à causer avec mes camarades, sauf mon voisin.
Je suis allé aux toits rouges, dans une école appelée Institut national supérieur des technologies appliquées. J’ai fait beaucoup d’efforts pour suivre les cours et me rapprocher des professeurs.
Mais c’était difficile pour moi de suivre les cours littérature. Par contre, en mathématiques et comptabilité, j’avais toujours la moyenne. C’est là-bas que j’ai eu mon bac G2 avec mention assez bien. J’ai même été 1er de ma classe ! J’en avais les larmes aux yeux parce que j’ai trop souffert, et surtout je réfléchissais beaucoup pour trouver les solutions aux problèmes, car c’est n’est pas si facile pour des sourds dans une école sans traducteur.
J’ai essayé de continuer mes études à Aist Plateau, en Bts option finance comptabilité. De nouveau, j’étais le seul sourd dans ma classe. Un jour, je me suis caché pour pleurer et j’ai essayé de voir la directrice pour lui demander pardon pour qu’elle me trouve un traducteur, car si mes parents ont cherché l’argent pour me mettre à l’école, c’est pour comprendre les cours et trouver du travail demain. Mais personne n’a trouvé de solution à mes problèmes. Par la suite, j’ai vu que je ne suis pas le seul dans cette situation, alors j’ai essayé de surmonter les obstacles et je me suis concentré. Dans ma classe de 42 élèves, j’étais toujours 1er ; j’étais très fort en comptabilité et maths, j’expliquais souvent les cours à mes amis et j’ai validé mon Bts du premier coup.
Beaucoup des sourds comme moi ont arrêté au niveau Cepe, car il n’a y a pas d’écoles spécialisées pour eux. J’ai très mal au cœur : avec les impôts, on construit l’hôpital, l’école et la route. Ils ont construit des milliers d’écoles pour les personnes entendantes ! Pourquoi pas aussi au moins 2 pour les sourds??
Après le Bts, pour avoir un stage, je rencontre le même parcours de souffrance. Des structures m’ont convoqué pour un entretien, mais dès que je viens et qu’ils se rendent compte que je suis sourd, on me renvoie chez moi. Que dois-je faire avec les diplômes que j’ai obtenus ? Pourquoi tant de discrimination et d’injustice ? En quoi le fait que je suis malentendant fait de moi un mauvais comptable, un mauvais employé, un mauvais stagiaire ?
J’ai décidé de m’engager à LIDER, avec Mamadou Koulibaly. Je suis fier de mon choix, et je vais apporter ma contribution pour qu’il soit tenu compte des problèmes des handicapés dans le projet de société de LIDER.
Note de la rédaction : Si vous avez été touché par ce témoignage , impressionné par la ténacité de Sess, si vous voulez lui donner sa chance et l’embaucher pour un stage, contactez LIDER News au (+225) 22 00 33 33