Cissé Bacongo accusé, Francis Wodié cité

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Hier jeudi 5 février, le procès des pro-Gbagbo devant la Cour d’assises a connu une ambiance particulière avec l’audition de Jean Jacques Béchio. L’ancien ministre a servi à l’assistance son franc-parler légendaire qui fait dire à certain qu’il parle mal. Il a donné la vraie raison de son arrestation.

«On dit que je parle mal. Non! Je ne parle pas mal, je dis la vérité. Je ne peux pas appeler un lièvre un chat. Je suis ici parce que j’ai parlé à la télévision, et ça n’a pas fait plaisir à certaines personnes », a-t-il déclaré. Il était entendu sur sa présence dans le camp Gbagbo, lors de la crise post-électorale. Avec lui, trois autres dignitaires de l’ex-pouvoir ont comparu devant la Cour d’assises. Il s’agit du ministre Armand Ouégnin, de Séka Obodji Christophe, ex-directeur du Centre régional des œuvres universitaires (Crou), et de Dassé Dagourou Martin, ex-directeur du siège du Fpi. Ils ont fait de profondes révélations, citant Francis Vangah Wodié et accusant le ministre Cissé Bacongo. Comme la veille avec le ministre Gnamien Yao, on a assisté au procès sur le contentieux électoral. Cette fois, ce sont les deux ministres qui sont montés au créneau. Tous sont poursuivis pour atteinte à la sûreté de l’État, insurrection, rébellion, xénophobie, rébellion, etc. Jean Jacques s’étonne qu’il soit arrêté, bastonné et emprisonné pour avoir choisi Gbagbo. «Wodié m’a enseigné que la Constitution et le Conseil constitutionnel sont au dessus de toutes nos lois et Institutions. Donc, je respecte la Constitution et le Conseil constitutionnel, jusqu’à preuve du contraire», a-t-il fait savoir. Jean Jacques Béchio s’est élevé contre la violation des lois du pays. «J’ai été ministre de l’Enseignement et j’ai dit aux gens, ”si tu ne respectes pas la loi, dehors”. Je reste respectueux de la loi». Les charges de rébellion, d’insurrection qui sont portées contre eux, Béchio les a rejetées. «Je ne suis pas un rebelle. Houphouët nous a toujours enseignés le dialogue et non à prendre les armes et faire la guerre…», a-t-il rappelé. Le bombardement de la résidence de Gbagbo et son arrestation, l’ex-ministre en a parlé, avec amertume. «L’armée française bombarde la résidence du président Gbagbo comme si c’était des rats qui y étaient. Elle et les Frci nous arrêtent et on nous met nus», s’est-il indigné. Malgré tout ce qu’il a enduré, même si le psychiatre qui l’a examiné affirme qu’il est «narcissique», l’homme qui se réclame disciple d’Houphouët est catégorique: «Béchio est en possession et a toujours été en possession de ses facultés mentales».

Quant à Armand Ouégnin, il a été invité à s’expliquer sur sa présence dans le gouvernement d’Aké N’gbo. «En tant que citoyen ivoirien, respectueux des lois de mon pays, j’ai accepté d’intégrer le gouvernement de Gbagbo, parce que c’est lui que le Conseil constitutionnel a déclaré vainqueur de l’élection présidentielle de 2010 et investi président de la République. Il m’a appelé pour que je mette en œuvre l’Assurane maladie universelle (Amu)», a-t-il répondu. L’accusation contre l’actuel ministre de l’Emploi, Cissé Bacongo, est venue de Séka Obodji Christophe. Ex-directeur du Crou, il a indiqué que son arrestation le 1er mai 2011 a été commanditée par l’actuel ministre de la Fonction publique. «Les Frci qui m’ont arrêté ont dit que c’est Cissé Bacongo qui le leur a demandé », a accusé Obodji, qui dit savoir les raisons. «Il y avait de vieux contentieux entre lui et moi», a-t-il reconnu. Au nombre de ceux-ci, une facture de près d’un milliard qu’il a refusé de payer parce que les preuves des achats ne lui ont pas été fournies. Tout comme Dassé Dagourou Jean Martin, ils ont dénoncé les conditions de détention dans les premiers jours qui ont suivi leur arrestation. «A la Pergola, on m’a jeté dans une chambre sans lumière pendant dix jours sans que je ne puisse prendre mes médicaments. Je suis hypertendu. J’ai demandé qu’on me permette d’aller à l’Institut de cardiologie où je suis suivi. Jamais, on m’y a autorisé», a déclaré Dassé Martin. Les quatre prévenus ont relevé que, pendant leur instruction, ils n’ont jamais été confrontés sur les faits qui leur sont reprochés. Un autre fait qui a retenu l’attention de la Cour est la conclusion des rapports des psychiatres qui ont examiné les accusés. Il ressort de ces rapports que Béchio est «narcissique », Ouégnin Armand est «paranoïaque», Séka Obodji est «paranoïaque sans valeur pathologique ». Quant à Dassé Martin, il est déclaré «personnalité obsessionnelle avec des valeurs qui ne sont pas pathologiques ». Ils en ont été étonnés. Armand Ouégnin a été appelé à la barre, après lecture d’un rapport, pour expliquer à la Cour ces termes médicaux qui ont fait rire toute l’assistance.

César DJEDJE MEL

Source: L’Inter, vendredi 6 février 2015