ADRESSE AUX LECTEURS

bernardZadi

Cher ami, belle amie

Les quatrains du dégoût sont de petits régals traités au miel naturel et pur de nos sylves africaines. Je les ai les conçus simples et légers. Vous les goûterez avec joie et vous les dégusterez, j’en suis certain, avec le même délice que Dieu lui-même et les génies avec lui, l’hydromel que nous leur servons, nous autres poète, quand nous tient le spleen, certain soirs de dégoût, pour qu’ils visitent notre âme et la refassent en prévention des cruautés qui errent par des contrées, comme des fauves que ne dissuade aucune peur et qui agressent quand ils veulent, qui ils veulent.

J’étais en train de m’oublier, voyez-vous ? Je voulais vous parler de ceux et celles qui servent de modèles aux portraits des hommes et des femmes que nous livrons a la soif de votre curiosité.

Eh bien ! un modèle n’est qu’un modèle ! Un mannequin est un mannequin et un exemple. Rien qu’un exemple. Le mannequin porte un bel habit et marche élégamment sur le podium ruisselant de lumières blanches, jaunes ou rouges, nourri d’acc1amations et noyé sous les regards admiratifs du public. Et pourtant, le message du mannequin est tout simple puisqu’il se réduit à ceci : « mesdames, messieurs, voilà comment vous serez (élégants, beaux), si vous achetez les pièces de cette collection que je suis en train de vous présenter ».

Cher ami, belle amie, lorsque vous porterez ce bel ensemble qu’étrennait l’autre soir le mannequin, est-ce que vous apprécierez que vos amis, rien qu’à cause de l’habit, vous prennent pour ce mannequin ? Mais que non! il y a le mannequin et il y a vous, même si le mannequin est digne d’admiration. Tout ce que vous avez en commun, c’est l’habit et rien de plus. N’est-il pas vrai l’habit ne fait pas le moine ? Et cet autre qui, nuitamment, s’est emparé de du sage Abarnakat, de sa tunique à liséré rouge qu’il exhibe maintenant, est-il vraiment le sage Abarnakat?

Bien sûr que non, même si le sage Abarnakat en est inquiet au point de s’exclamer avant d’éclater en sanglots : « Celui-là qui, près de sa couche, a bien attaché cet âne que je croyais mien et qui porte une tunique a liséré rouge, c’est bien Abarnakat ! Mais … qui suis-je donc, moi ? »

Cher ami, belle amie, vous allez lire ces quatrains. Bien des visages défileront devant vous. Ce ne sont que des ombres chinoises. Traversez-les ! Alors seulement, vous aurez une chance de rencontrer les quelques milliers d’êtres de chair et de sang dont la silhouette se projette sur la toile du mirage. Et encore! …

Mes modèles me viennent de Cote d’Ivoire et d’Afrique ; mais ils sont aussi des citoyens d’Europe, d’Asie, d’Amérique … parce que l’Homme est un et que, de toute façon, « il n’y a rien de bon dans le cœur de l ‘homme » qui n’est lourd que des bassesses infinies par lesquelles il finit de vous dégoûter et pire, par vous dégoûter de la vie elle-même.

Et pourtant, cher ami, belle amie, l’on ne peut ni ne doit désespérer de la vie parce qu’a tout prendre – eh oui ! – elle vaut la peine d’être vécue.

J’ai longtemps cru en l’Homme, en sa perfectibilité, il n’y a pas si longtemps que j’ai mis fin à cette plaisante naïveté.

Là-dessus, mes conclusions ont été si abruptes qu’aujourd’hui, je souris quand j’entends parler d’un concept comme celui d’ « humanisme », que je rigole (mais franchement), quand je me remémore une ineptie du genre « l’Homme naît bon, c’est la société qui le corrompt » ou encore, « l’Occident est la patrie des droits de l’Homme et des Libertés », Je dis que tout cela est aussi ridicule que cette fameuse idée de l’Afrique qui serait terre d ‘hospitalité. Non! L’homme ne vaut pas grand-chose; la bestialité prédomine en chacun de nous et ce que nous avons le plus maîtrisé… développé en ce monde, c’est l’art de la déconstruction du reniement de l’homme et donc de soi. Le cynisme aussi. Surtout le cynisme. Et l’art de tuer.

Et pourtant, cher ami, belle amie, l’on peut ni ne doit désespérer de la vie. Elle vaut la peine d’être vécue parce que chaque être en ce monde, chaque chose, chaque phénomène est un chef-d’œuvre, un prodige, un spectacle unique, un spécimen immense de par sa capacité d’investir tout notre être et de le mobiliser émotionnellement si nous avons vraiment des yeux et que nous savons regarder ; si nous avons véritablement des oreilles et que nous savons écouter ; si nous avons un odorat, des mains, une langue et que nous savons nous en servir ; si nous avons surtout une âme ouverte à la beauté, à la vérité et à la bonté.

Voilà donc pourquoi, cher ami, belle amie, malgré les gales, les lèpres et les pians, malgré la teigne, le dernier livre de ce florilège s’intitule « Harmonie ». Un appel du cœur, croyez-moi! Car il faut bien que triomphent la connaissance et l’espérance. Et elles triompheront !

Novembre 2001

Bottey ZADI ZAOUROU

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zadi-zaourouSUPRÊME DÉGOÛT

Je sentis sur mon dos ma nuque sur mon front

La bave humide d’un groin de pourceau

Réveil en sursaut et main qui se cabre en rejet

Dites…, n’y avait-il pour me narguer rien mieux que des groins de cochons ?

Bottey ZADI ZAOUROU 

In Les Quatrains du Dégoût, CEDA-NEI 2008, Abidjan