claude 

Le mercredi 12 août 2015, la commune de Yopougon s’est ré- veillée sous le choc. Les habitants de cette cité toujours animée venaient d’apprendre la nouvelle de l’assassinat au petit matin, de Claude Larissa Abogny. Une jeune fille tuée par des ”microbes”, du nom de cette pègre de jeunes adolescents qui sévissent à Abidjan depuis quelque temps. Comme une traînée de poudre, cette horreur a fait le tour de la capitale économique ivoirienne, illustrée par les images choquantes de la victime gisant dans une marre de sang. Les Abidjanais n’ont pas encore fini de commenter les images de ce crime odieux qu’un autre fait est signalé, le lendemain jeudi, à Marcory. En pleine journée, en début d’après-midi, un ressortissant français est pris en otage par des agresseurs, qui lui ont logé une balle dans la bouche avant de l’enfermer dans le coffre de sa propre voiture. L’homme, grièvement blessé, sera abandonné dans le coin d’une rue où il a été retrouvé et conduit d’urgence dans une clinique de la place où il continue de recevoir des soins. Son véhicule et son téléphone portable ayant été emporté par ses agresseurs, qui se sont évanouis dans la nature. Quelques jours auparavant, un ressortissant libanais se faisait trucider, lui également, dans la commune de Yopougon. Tailladé par des individus sans foi ni loi qui l’ont pris pour cible. Dans la foulée, les vols à main armée ne sont pas en reste. L’on se souvient du braquage spectaculaire d’un véhicule de convoi de fonds de la loterie nationale de Côte d’Ivoire, qui s’est soldé par la disparition de 19 millions de F Cfa, emportés par les malfrats. Les faits, on peut en égrener en palette. Il ne se passe plus de jour sans que l’on ait des nouvelles d’une agression dans un endroit de la ville d’Abidjan. Les vols se multiplient, les crimes aussi, faisant plusieurs victimes dans la cité. Autant de d’éléments qui démontrent une remontée en puissance de la grande criminalité dans la capitale économique ivoirienne. De plus en plus, la psychose gagne les habitants de la ville d’Abidjan pourtant réputée être l’une des plus grandes agglomérations de la sous-région, où les populations vivent sans arrêt, 24h/24. Mais aujourd’hui, c’est avec précaution que les Abidjanais mettent les pieds dehors. Certains n’osent même plus s’éloigner de leur lieu d’habitation. De crainte de tomber au mauvais endroit et au mauvais moment, sur l’une de ces bandes armées qui écument la ville de manière impitoyable.

Où est passé le Ccdo?

Ce n’est pas nouveau, les agressions et les remontées de la criminalité dans la ville d’Abidjan. Mais, depuis quelques années, conscient de ce fait, les autorités ivoiriennes ont pris des dispositions pour endiguer ce phénomène. Vue la dimension que prend la capitale économique de la Côte d’Ivoire, dont la démographie avoisine cinq millions d’habitants aujourd’hui. Ainsi, sous l’ex-régime, il y a eu le Centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos), qui a permis de faire baisser sensiblement le niveau de criminalité et redonner de la tranquillité aux Abidjanais. Dès son arrivée au pouvoir, et au lendemain de la crise post-électorale qui a posé un réel problème de sécurité dans la ville d’Abidjan, le président Ouattara a créé une force similaire baptisée le Cendre de coordination des décisions opérationnelles (Ccdo) pour traquer les grands criminels pullulant dans la cité. Cette force, confiée au commissaire Youssouf Kouyaté, a réussi à remettre de l’ordre dans la ville d’Abidjan. La simple vue des véhicules estampillés Ccdo, parcourant les artères de la capitale ou stationnés à des endroits stratégiques de nuit comme de jour, suffisait pour dissuader les malfrats. Mais, depuis un bon moment, ça ne semble plus être le cas. De moins en moins, on aperçoit ces troupes. Une aubaine pour les bandits, qui en profitent pour imposer leur lois. Multipliant vols et crimes au grand dam de la population, qui s’interroge sur ce que font les forces de l’ordre. De tous les faits susmentionnés, en effet, les criminels ont agi et se sont tirés impunément sans qu’il n’y ait une autre force pour les inquiéter. Une situation qui accroît la psychose dans la ville d’Abidjan et même dans des contrées de l’intérieur, qui ne sont pas épargnées non plus par cette montée de la criminalité. En témoigne l’agression armée à Korhogo, du garde du corps du député Alphonse Soro et plusieurs autres faits notables, tel la séquestration des prêtres de Ouragahio par des bandits lourdement armés, etc.

Félix D.BONY

 

Repère 

La montée en puissance de l’insécurité dans la ville d’Abidjan et dans plusieurs localités du territoire ivoirien se fait sentir depuis quelques semaines. Si l’on s’en réfère à la capitale économique ivoirienne, les mois de juillet et le début de ce mois d’août ont été les plus éloquents en matière d’agressions armées, avec mort d’homme parfois. Une réalité qui coïncide un peu avec la fin des opérations de désarmement, de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants (Ddr) de la crise ivoirienne. Cette opération a pris fin avec l’injonction donnée par le chef de l’État de déloger de tous les sites occupés, au plus tard le 30 juin dernier, les ex-combattants qui y étaient cantonnés espérant intégrer l’armée. En moins de 45 jours, c’est plus d’une dizaine de milliers d’ex-recrues lors de la crise post-électorale qui ont quitté ces sites dans diverses localités du pays pour rejoindre soit leurs familles, soit des sites de resocialisation (pour ceux ayant été pris en compte par l’Autorité de désarmement et de démobilisation) pour s’accommoder à une nouvelle vie. Sont-ce tous ces ex-combattants qui ont réussi leur reconversion? Ou y en a-t-il qui ont choisi le chemin facile, celui de la pègre, pour s’en sortir ? Sans forcément les indexer, cette voie pourrait être un repère face à la résurgence de la criminalité dans la cité, qui intervient quasiment au lendemain du déguerpissement de ces jeunes, dont certains avaient déjà un passif dans la pègre avant la crise.

F.D.B

Source : L’Inter N°5152 du Mercredi 19 Août 2015