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(Notre Voie, 22 octobre 2013) – La visite du chef de l’Etat ivoirien au Liberia samedi dernier n’a pas apaisé les réfugiés ivoiriens qui y sont depuis la guerre postélectorale de 2010-2011. Bien au contraire.

«Depuis que l’annonce de l’arrivée du président ivoirien est faite au Liberia, les réfugiés ivoiriens ne peuvent pas sortir de leurs camps de Solotown et de Ptp. Les militaires libériens ont bouclé les camps en les entourant. Personne n’y entre et n’y en sort. Même les réfugiés ne peuvent pas aller au marché », rapportent des Libériens interrogés vendredi à Zwedru. Cette ville, chef-lieu de région s’apprêtait à accueillir Alassane Ouattara, chef de l’Etat ivoirien, en compagnie de son homologue libérienne, Helen Johnson Sirleaf. Leur rencontre est liée au conclave des chefs traditionnels des deux pays frères portant notamment sur la prévention des conflits armés. Mais aussi sur le retour des réfugiés ivoiriens présents au Liberia depuis l’éclatement de la guerre post-électorale de 2010-2011. Qui les a contraints à l’exil à cause des exactions des forces militaires pro-Ouattara.

Des réfugiés ivoiriens rencontrés à Zwedru, capitale des Wê du Liberia, comté du Grand Gedeh, ce vendredi, à 12h48 Gmt, confirment l’information relative à l’assignation à résidence des pensionnaires des camps de réfugiés. «On dit que c’est le chef de l’Etat ivoirien qui a instruit son homologue libérienne Sirleaf de prendre ces dispositions. Parce qu’il craint que les réfugiés le huent», expliquent-ils.

Les réfugiés ivoiriens en colère

La présence du chef de l’Etat ivoirien au Liberia, ce samedi 19 octobre 2013, a bien une histoire. Officiellement, il s’agit de réactiver la coopération bilatérale entre les deux peuples frères. De sorte à œuvrer fondamentalement à la prévention des conflits armés. Les deux pays ayant une même histoire en matière de crises similaires, selon l’illustre visiteur lui-même. En fait, Alassane Ouattara subit des pressions internationales ces dernières semaines, l’invitant à créer les conditions du retour des réfugiés ivoiriens dans leur pays. Surtout qu’ils ont été dépossédés de leurs terres pendant leur absence. C’est pourquoi les chefs traditionnels des deux pays, d’ethnie wê pour la plupart, ont planché, durant deux jours, avant le rendez-vous de Zwedru, sur l’épineux problème.

Au terme du conclave préparatoire de la rencontre de Sirleaf et Ouattara.

«Les réfugiés ivoiriens ont exigé 300 mille francs CFA par personne pour leur retour au bercail, au lieu de 75 mille FCFA payés par le Hcr à chaque réfugié. La reconstruction des habitations des réfugiés ivoiriens détruites, la validation des diplômes obtenus par les élèves ivoiriens au Liberia et le déguerpissement des Burkinabè occupant illicitement les terres après la guerre», expliquent les acteurs des commissions mises en place par rapport au rendez-vous de Zwedru. Seulement voilà ! Si quelques réfugiés triés sur le volet dans leurs camps ont pris part à ces travaux en commission, ils n’auront pas droit à la parole pendant la cérémonie solennelle, en présence des chefs d’Etat, au sein du Palais de la jeunesse de Zwedru de l’ex-chef de l’Etat Samuel Kanyon Doé. Dans les camps de réfugiés, cette situation accentue leur consternation. «Ouattara n’est pas venu pour nous au Liberia. Sinon il nous aurait associés pleinement à l’événement et nous aurait donné la parole. Non seulement il nous a empêché de sortir de nos camps durant une semaine, sans visite, mais il nous a privés de parole. C’est une exclusion inacceptable », dénoncent des réfugiés interrogés dans leurs camps. «Si tu t’entêtes à sortir de ton camp, on saisit ta moto ou on t’emprisonne», se veulent-ils précis.

Ouattara se met les élus wê à dos

Le chef de l’Etat ivoirien n’a pas seulement maille à partir avec ses compatriotes réfugiés au Liberia. Dans le camp des cadres et des élus wê qui ont battu le rappel de leurs troupes à ce rendez-vous libérien, c’est la désolation. Pareillement. Les cadres et les élus de l’Ouest ont déferlé à Zwedru par vagues. Premièrement, il y a ceux qui sont arrivés dans la capitale du Comté du Grand Gedeh deux jours avant l’événement. Ils sont composés notamment de la ministre Anne Ouloto, de la député Oulaï Zaguy Madeleine et de Maho Glofiéi. La veille de la rencontre des deux chefs d’Etat, Zwedru enregistre le gros lot des élus et cadres des régions du Cavally et du Guemon, conduits par le président du conseil de la région du Cavally, Dagobert Banzio. Le dernier cité ne comprend pas que lui qui a été envoyé par Ouattara «aux heures chaudes de la crise au Liberia pour soutenir les réfugiés soit empêché d’avoir accès aux camps de réfugiés». Surtout qu’il a inscrit, selon lui, le retour des réfugiés ivoiriens au Liberia à la politique du conseil régional qu’il préside. En tout cas, une sourde colère grondait en ces cadres et élus qui ont effectué massivement le déplacement du Liberia. «Tout se passe comme si les réfugiés sont toujours craints», s’indigne-t-on au sein des élus.

Ouattara craint des troubles et un attentat contre sa personne

Au sein des 4 commissions qui ont travaillé à la rencontre des chefs d’Etat, des langues se délient. «Les autorités libériennes estiment que les réfugiés ivoiriens, qui en majorité sont des pro-Gbagbo, vont provoquer des troubles pour humilier Ouattara, en le huant par exemple. C’est pourquoi des mesures d’interdiction de sortie des camps sont prises contre eux», révèle un membre influent d’une des commissions. Quand certaines sources proches des autorités du pays hôte évoquent carrément la planification d’un attentat des réfugiés contre la personne de Ouattara.

Félix Téha Dessrait

desrait@yahoo.fr

Envoyé spécial au Liberia