Les révélations sur une nuit tragique
Le 25 décembre 2014, la fête de Noël a pris la physionomie d’un cauchemar chez la famille Fall à Cocody. Son fils Malick est tombé sous les balles d’un magistrat. Un délit réprimé par la loi, cette même loi que le juge Placide Kouassi est chargé de faire appliquer. S’agit-il d’un assassinat ou d’un cas de légitime défense ? C’est pour mieux démêler l’imbroglio que le quotidien «Le Sursaut» a tenté de reconstituer les faits.
24 décembre, veille de Noël. Le magistrat Placide Kouassi reçoit la visite de son ami K. Patrice, agent de police, qui lui offre pour l’occasion deux poulets. Naturellement, les deux amis vont passer la soirée de la Saint Sylvestre ensemble. C’est d’ailleurs en compagnie de celui-ci que le magistrat fera des courses dans le Supermarché du quartier. Après avoir remis les achats à sa femme, avec recommandation de confectionner un mets de réveillon autour de minuit, le magistrat et son ami décident de faire un tour dehors pour déstresser. Le rendez-vous de minuit devant leur permettre de partager le repas avec le voisin ne tiendra pas. Placide Kouassi et K. Patrice ayant passé plus de temps à rendre visite à des amis que prévu. A présent, l’heure tourne autour de 3 h, moment choisi par le magistrat pour regagner le microcosme familial. A quelques encablures de son immeuble, celui-ci tombe sur une scène qu’il cerne difficilement. Sa fille Esther Andréa et son petit frère Innocent, encore dehors, sont aperçus au carrefour menant de la grande voie à la cité du Lycée Technique. Interpellés vivement sur leur présence en ces lieux à cette heure de la nuit, Esther Andréa et Innocent font savoir qu’à leur retour de l’église, ils avaient été pris à partie par un ‘’tonton habillé en jaune’’.
LA MENACE PAR LAQUELLE LE DRAME EST ARRIVÉ
Dès lors, le magistrat les enjoints de monter à bord du véhicule de type 4X4 qu’il conduisait pour la maison. «Le magistrat est descendu du véhicule. Il a demandé à son petit frère et sa fille de lui expliquer clairement les faits. Mieux, de lui indiquer celui qui se plaignait d’eux. C’est à cet instant précis qu’un individu s’est détaché d’un groupe en causerie pour lui dire que son petit frère était impoli pour avoir ‘’manqué de convenance’’ à quelqu’un», confie un témoin de la scène. Puis interviennent, curieusement, deux autres individus sortis d’un maquis qui jouxtait la rue auxquels le magistrat et son ami policier ne se sont pas adressés. Très rapidement, ces derniers bandent les muscles pour porter des coups à Innocent, le jeune frère du juge. Il est reproché à ce dernier d’être à l’origine de cette brouille. Le policier a tenté de s’interposer, mais tel un essaim d’abeilles, d’autres jeunes assis dans le maquis sont venus grossir l’effectif déjà sur place. Et c’est peu dire que le jeune frère du magistrat est la cible de plusieurs violents coups. Quant au policier, il est entrainé dans la haie vive où il était terrassé. De sa position, il recevait également plusieurs coups. En ce moment précis, qu’est-ce devenu le magistrat ? Quelle a été son attitude ? Personne ne le sait. Sauf que celui qui se révèle, plus tard, être Fall Malick va le projeter à son tour au sol. «Le magistrat a chuté lourdement tel qu’en témoignent les impacts de graviers dans sa paume. Malick est revenu à la charge alors que le juge tentait péniblement de se relever. Il lui a porté un violent coup de pied à la face, le laissant un instant cloué sur place», témoigne une indiscrétion. Ajoutant que Placide a fini par décliner son identité comme étant un magistrat et que les enfants dont les quidams se plaignaient étaient les siens. Mais, cette présentation a sonné comme une déclaration de guerre. «Placide n’a pas eu d’écoute. Sous la menace, il a dû fuir pour la maison en abandonnant son ami policier dans la main des jeunes gens. Quant à sa fille, il lui a demandé d’aller chercher de l’aide chez un ami qui devait appeler les forces de l’ordre», confie toujours notre source qui précise que, ne parvenant pas à avoir du secours, le magistrat s’est emparé de son fusil de type calibre 12 pour tirer un coup de feu de sommation depuis son garage. Ce qui a contraint les agresseurs à fuir un instant et permettre, certainement, à l’ami policier de se défaire de leurs griffes et de regagner le Carrefour de la vie, puis le commissariat du 8ème arrondissement. On croyait l’incident clos. Que non ! Alors que Placide Kouassi gagnait les escaliers, précise un autre témoin, la bande revient à la charge. «Ces jeunes voulaient en finir avec lui au motif qu’il n’avait plus de munitions», a-t-il ajouté. Précisant que le magistrat est resté dans le garage ; car ayant constaté que sa femme et sa servante à qui il a demandé de rester enfermées dans la maison étaient descendues de l’immeuble avec sa fille de 3 ans. Dès lors, ce dernier ne pouvait pas se sauver sans mettre la vie de celles-ci en danger.
DES ZONES D’OMBRE
Que s’est-il passé en ce moment précis entre la bande et l’homme de loi ? Malick a-t-il tenté de désarmer Placide Kouassi ? Là encore, il y a de vastes zones d’ombre que seule une enquête peut aider à élucider. Mais une chose demeure certaine, un bruit assourdissant a déchiré le voile opaque de la nuit. Le coup mortel est parti. Au bout un jeune homme de 32 ans s’est écroulé et une bonne partie de la bande disloquée. Mais, selon des témoins d’autres jeunes plus téméraires sont restés et ont pris le magistrat en chasse dans les escaliers avant de se résoudre à jeter des projectiles dans la maison. De nouveau, ces derniers ont appelé au geste final, car leur cible n’aurait plus de balles. Ayant réussi à sortir la douille de l’arme, le juge a enchambré et la pression devenant intenable, en l’absence de secours, il a encore fait feu. Un troisième tire qui a eu l’avantage de tenir ces jeunes à bonne distance jusqu’à l’arrivée des forces de l’ordre dont une partie a conduit le magistrat à la Police Judiciaire du Plateau. Derrière, son véhicule de type 4×4 a été vandalisé avant d’être incendié. Au violon de la Police criminelle, Placide Kouassi qui n’a de cesse de brandir la légitime défense affirme qu’il n’a pas eu ‘’l’intention’’ de tuer. C’est possible. Mais pour les deux enfants de Malick devenus orphelins, cela ne change rien. Leur vie est brisée.
G. DE GNAMIEN
Source: Le Sursaut, mardi 30 décembre 2014