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L’aventure des Éléphantes de Côte d’Ivoire à la 7e édition de la Coupe du Monde des Dames a pris fin, le lundi 15 juin 2015. Les Ivoiriennes rentrent au bercail, après seulement trois matches. La montagne était trop grande et elles n’ont pu la franchir. Elles se sont cassées les dents sur l’Allemagne (0-10), la Thaïlande (2-3) et la Norvège (1- 3). Malgré leur volonté et surtout l’envie de faire honneur à la Côte d’Ivoire et à son drapeau, les filles de Touré Clémentine semblaient à court d’arguments pour rivaliser avec leurs adversaires, mieux pré- parées et plus aguerries pour les joutes internationales. Mais à l’évidence, avant de s’envoler pour le Canada, toutes les conditions semblaient réunies pour une telle sortie. Maintenant, il faut tirer les leçons de cet échec, programmé à l’avance.

Une préparation bâclée

Déjà, le samedi 6 décembre 2014, au terme du tirage au sort qui s’est effectué à Ottawa, on savait que les Ivoiriennes allaient dans le dur lors de cette 7e édition de la Coupe du monde de football féminin. Puisque pour leur première, à ce niveau de la compétition, les filles de Touré Clémentine ont hérité de l’Allemagne, double vainqueur de la compétition en 2003 et 2007, de la Norvège, victorieuse en 1995 et la Thaïlande qui était elle aussi à sa première phase finale. Mais auréolées de leur troisième place lors de la dernière Can des dames en Namibie en 2014, les Ivoiriennes entendaient tout mettre en œuvre pour essayer de déjouer les pronostics. Malheureusement, à l’arrivée et au bout de trois matches, elles ont fait l’amer expérience des novices à ces grands rendez-vous mondiaux. Les Ivoiriennes ont encaissé 16 buts et en ont inscrit trois en trois sorties. Soit, dix en ouverture contre l’Allemagne, trois contre la Thaïlande et trois contre la Norvège. Un douloureux apprentissage donc pour les Éléphantes qui ont pu mesurer à travers cette compétition l’écart qui les sépare du très haut niveau. Un résultat qui est aussi la conséquence d’une préparation bâclée. Malheureusement. L’état de Côte d’Ivoire qui, à travers le ministère de la promotion de la jeunesse, des sports et loisirs d’alors, devrait financer la préparation (regroupement et matches amicaux) n’a rien fait dans ce sens. Comme lors des éliminatoires et les phases finales de la Can 2014 où elle a pré-financé à hauteur de 433 millions de Fcfa, en attendant toujours de se faire rembourser, la Fédération ivoirienne de football (Fif) a essayé de sauver la mise. Mais les moyens étant très limitées, Touré Clémentine et ses filles ont dû se contenter de regroupements à la maison. Les différents stages se sont faits entre le Centre technique national de football de Bingerville et Yamoussoukro, avec des moyens très limités. Là où elles avaient besoin de faire plusieurs tournées, en Afrique, en Europe, dans les Amériques,… pour se frotter à d’autres réalités du football féminin afin de mieux s’aguerrir pour attaquer cette campagne. La Communication soumise au ministère de tutelle depuis 2014 n’a jamais eu de suite. En pleine gué- guerre avec la Fif, la tutelle n’a certainement pas jugée utile d’accompagner le dossier pour qu’il ait un meilleur sort. Résultat des courses, les filles ont été des laissées-pour-compte. Aucun regroupement à l’extérieur et presque aucun match amical. Le seul face au Cameroun à l’orée de la compétition est tellement insignifiant pour être souligné. Peut-être en ce moment-là, les priorités étaient ailleurs. ” Il ne faut pas rêver dans les compétitions comme la Coupe du monde. Quand on ne se prépare pas à la hauteur de la compétition, c’est clair qu’on paye cash. On ne pouvait s’attendre à mieux. La sélection ivoirienne n’a pas eu une préparation conséquente. Le programme proposé par la Fédération n’a pu être exécuté faute d’argent. Les moyens de la Fif ne suffisaient pas pour dérouler tout le programme”, explique la présidente de la commission de football féminin, Berthe Adou. Mais il serait faux de penser que le ministère d’Alain Lobognon est le seul responsable de cette aventure ”ambiguë” de la bande à Touré Clémentine au Canada. La Fif a sa part du gâteau. Et pour cause? On attendait d’elle qu’elle ait la même démarche que lorsque les choses se sont trouvées bloquées pour les hommes avant la Can 2015. C’est-à-dire qu’elle saisisse la plus haute autorité de ce pays pour que les moyens soient dégagés à temps. Mais cela n’a pas été fait. Certes elle a tenté de sauver la situation en dégageant une centaine de millions pour permettre les regroupements qui se sont faits çà et là, mais ils n’ont pas suffi à bâtir une vraie machine de guerre. L’encadrement technique également n’a pas su donner de la voix, lorsque les choses semblaient bloquer pour faire décanter la situation. Il est resté là, prostré dans son coin, attendant que le bon Dieu descende sur terre pour les sauver des eaux. Aujourd’hui, ce parcours doit interpeller tout le monde : la Fif et l’État de Côte d’Ivoire. Car il est bon de savoir que même s’il est toujours bon d’être aux grands rendez-vous, il est surtout bon de bien les préparer. Car une bonne préparation apporte toujours des bons résultats. Et comme si cela ne suffisait pas, les primes impayées de la Can 2014 (qui devaient être payées par l’État) sont venues perturber ces filles à quelques jours de leur départ pour le Canada. Certes, il aurait été illusoire de penser que les Ivoiriennes pouvaient aller disputer le titre mondial, mais après ces trois matches, il y a un petit brin de regret. Après coup, on pense que Tiamalé Ange et ses coéquipières pouvaient véritablement jouer les trouble-fête pour la deuxième place qualificative de leur groupe. Mais hélas !

Elles ont semé la graine de l’espoir

Autrefois locomotive du football féminin en Afrique, la Côte d’Ivoire qui a laissé les pays comme le Nigeria, le Ghana, le Cameroun, la Guinée Équatoriale ou encore l’Afrique du Sud, prendre une avance, a certainement profité de cette sortie pour semer la graine de l’espoir. Car nonobstant les 16 buts encaissés, les Ivoiriennes, l’une des équipes la plus jeune du tournoi, ont montré d’excellentes choses. Nahi Estelle, Ida Rebecca, N’guessan Koko, Tia Inès, Diakité Binta, Cissé Nadège, Djelika Coulibaly, Akafou Rita, Djohoré Cynthia, Essoh Nadège…ont beaucoup appris. “Nous étions soudées avant de venir et nous repartons avec un esprit collectif encore plus fort. Ce n’était jamais amusant de rechercher le ballon dans nos filets mais nous avons grandi ensemble dans la difficulté”, affirme Djélika Coulibaly. Des propos que partagent Coulibaly Fatou.”Je suis devenue plus grande en me frottant aux grandes. Je suis fière d’avoir fait partie de ce groupe et reconnaissante pour la chance qui m’a été offerte”, dit-elle. Quant à Touré Clémentine ”émue par la prestation” de ses filles, elle dit ne pas avoir de ”regret”. Elle note surtout que les filles ”ont fait du progrès dans cette compétition”, avant d’ajouter : ”Je suis satisfaite malgré l’élimination.” Même si elle souhaitait ”présenter une belle image de la Côte d’Ivoire” ; un engagement qu’elle n’a pas pu honorer. Il y a beaucoup de choses qui doivent être corrigées”. Touré Clémentine ne croit pas si bien le dire. Car son équipe a été effectivement pénalisée par l’absence de matches amicaux. ”Nous avons perdu nos matches mais cela ne veut pas dire que la Côte d’Ivoire ne mérite pas sa place à ce Mondial. Si l’équipe a obtenu une place pour le Mondial, c’est parce qu’elle s’est bien préparée pour aborder la CAN en Namibie. Cela n’a pas été le cas pour la Coupe du monde. Je garde ma douleur tout en souhaitant que les choses changent. L’équipe a besoin d’être entretenue. Les joueuses ont également besoin de s’exprimer par des matches amicaux. Cela va contribuer à valoriser le football féminin en Côte d’Ivoire», conclut Touré Clémentine, au terme du troisième match de son équipe. Pour Berthe Adou, ”cette Coupe du monde a été une expérience enrichissante pour la sélection ivoirienne. Nos joueuses ont découvert la compétition de haut niveau.” Pour le futur, ”la Dame de fer de la Fif” appelle à la solidarité : ”C’est grâce à la préparation en Afrique du Sud (durant un mois) entièrement pré-financée par la Fif que la Côte d’Ivoire a pu obtenir sa première qualification pour la Coupe du monde. La sélection nationale ne doit pas être que l’affaire de la Fédération. Elle doit être l’affaire de tous. Le football moderne a ses exigences qu’il faut tout simplement respecter. Nous avons payé cash. L’à- peu-près donne des résultats comme ceux que nous subissons ici au Canada”. Le Mondial est certes terminé pour les Ivoiriennes, mais les enjeux pour le futur ne manquent pas. Il ne faut donc pas brûler cette génération de joueuses qui a montré d’excellentes choses au Canada. Elles méritent un meilleur encadrement en leur permettant de se frotter à d’autres équipes pour s’aguerrir. Espérons tout simplement que cette expérience serve de leçon à tous, au moment d’aborder les éliminatoires des Jeux Olympiques, dans un mois, face au Zimbabwe. ”Les moyens doivent être dégagés à temps, sinon cela ne servira à rien”, estime Berthe Adou.

Guillaume AHOUTOU

Source : Soir Info 6211 du jeudi 18 juin 2015