« Il serait foncièrement injuste et indigne vis-à-vis du droit international que la CPI soit utilisée comme instrument de vengeance du camp Ouattara. »

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(Notre Afrik, n°36 – Septembre 2013) – Président de l’Assemblée nationale, sous le règne de Laurent Gbagbo, Mamadou Koulibaly est aujourd’hui le président de Liberté et Démocratie pour la République (LIDER), le parti qu’il a créé, il y a deux ans. Dans cet entretien-vérité, cet homme politique connu pour son franc-parler et son discours très tranché, dresse sans concession un bilan des deux années d’exercice du pouvoir du président Alassane Ouattara. Bien entendu, il n’élude pas son divorce brusque d’avec ses anciens amis du Front populaire ivoirien (Fpi), la crise postélectorale de 2010-2011, ni ce qu’il pense de l’actuelle Assemblée et son président Guillaume Soro. De même, il évoque ses relations actuelles avec Laurent Gbagbo et surtout donne froidement les raisons de la chute de l’ex-président ivoirien, dont il était l’un des durs parmi les durs du régime.

Notre AfriK: Comment se porte Liberté et Démocratie pour la République, votre parti, créé en juillet 2011, trois mois seulement après la chute du pouvoir Front populaire ivoirien (FPI) dont vous avez été l’un des membres influents ?

Mamadou Koulibaly : LIDER se porte bien, malgré son jeune âge, et a eu deux ans en juillet dernier. Ce sont deux années consacrées à la mise en place des structures et à l’implantation du parti. Nous sommes en train de parcourir le territoire entier pour nous présenter aux Ivoiriens, aux populations, pour leur faire comprendre notre vision de la Côte d’Ivoire réconciliée, de la Côte d’Ivoire qui sort de la belligérance, de la Côte d’Ivoire qui va à la liberté. Pas la liberté seulement pour les hommes politiques, mais la liberté pour toutes les populations. Deux ans de challenges que nous essayons de relever. Nous étions moins d’une dizaine à la création. Aujourd’hui, nous sommes près de 100 000 personnes dans le pays. On n’en est pas encore à 1 million de militants ou de sympathisants, mais combien de partis en Côte d’Ivoire peuvent prétendre vendre un million de cartes chaque année ?

Vous avez toujours été un membre influent du Front populaire ivoirien. Pourquoi avez-vous quitté soudainement ce parti pour créer le vôtre ? Y avez-vous toujours pensé en vous rasant, pour reprendre une expression de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy?

Non, pas du tout. Je n’ai jamais pensé que j’aurais à créer un parti un jour. J’y aurais pensé que j’aurais fait comme beaucoup d’autres, amassé un trésor de guerre pendant ces 10 ans d’exercice du pouvoir. J’ai été ministre du Budget, ministre de l’Economie et des Finances. J’aurais pu mettre quelques milliards de francs cfa de côté et aujourd’hui, j’aurais eu un parti beaucoup plus riche qu’il ne l’est en ce moment. Mon départ paraît soudain à ceux qui n’ont pas vu comment nous avons évolué ces dix dernières années. J’ai été mis à la porte à la suite de la crise postélectorale. Il s’est trouvé, à cette période douloureuse de l’histoire de notre pays, des courants ou des gens qui, dans mon ancien parti, en regardant mon nom et mes origines se sont dit : « Dans tous les cas, ce sont ses frères qui sont au pouvoir, et il est impensable qu’il n’arrive pas à faire libérer nos frères et nos parents qui sont entre leurs mains. » On m’a dit que j’étais un indésirable, un infiltré et on m’a jeté dehors. C’est pourquoi mon départ du FPI surprend encore aujourd’hui beaucoup de gens.

Vous aviez quand même la direction du FPI suite à la crise post-électorale…

J’étais le président intérimaire du parti. Donc il n’y avait pas de raison que je délaisse un parti déjà constitué, qui avait plus de 20 ans d’existence, pour aller en créer un nouveau. Je pense être suffisamment intelligent pour savoir que tout recommencer à zéro dans une ambiance difficile comme celle-là m’aurait coûté cher. J’ai été obligé de le faire, d’une part parce que j’ai été jeté dehors, et d’autre part parce que les Ivoiriens avaient besoin, entre les belligérants des deux côtés, d’une voix qui appelle à la raison et à la réconciliation, une voix qui mette la Côte d’Ivoire au-dessus des partis politiques et des destinées des individus. C’est cette voix que LIDER a mise à la disposition des Ivoiriens.

Certains de vos anciens camarades affirment que vous êtes parti parce qu’ils ont refusé de vous donner le contrôle du parti, pour avoir reconnu le nouveau pouvoir. Que leur répondez-vous ?

Je pense que la meilleure façon de leur répondre, c’est qu’ils puissent organiser une grande conférence publique, où eux sont d’un côté et moi de l’autre. Et puis, on fait comme dans la Grèce antique au procès de Socrate, ils m’accusent et je me défends, parce que répondre en leur absence, c’est rentrer dans leur jeu. Aujourd’hui, ma priorité ce n’est pas vraiment de regarder l’histoire passée, pour savoir qui a fait quoi ? Qui a gagné ? Qui a perdu ? Qui a dit ? Qui n’a pas dit ? C’est un problème que j’ai déjà réglé. J’ai soldé ce passé. Aujourd’hui, mon souci, c’est comment faire pour que l’Afrique aille de l’avant. Les destinées individuelles au contrôle des partis pour accéder au pouvoir, c’est important, mais la transformation de l’Afrique est beaucoup plus importante encore pour moi que devenir Président, ministre. Changer l’Afrique, rompre avec les traditions appauvrissantes de nos peuples et des institutions africaines, changer la façon de percevoir et de vivre en société en Afrique est, pour moi, nettement plus important.

Avec le recul, comment analysez-vous la défaite de Laurent Gbagbo à la présidentielle de 2010 et la chute de son régime ?

Oh, on a commis des erreurs. On n’a pas pris toutes les dispositions pour gagner. On a négligé des choses importantes. On s’est focalisé sur des choses peu importantes.

Lesquelles ?

Je pense qu’on aurait dû faire un meilleur recensement électoral. On aurait dû ne jamais accepter la Sagem comme opérateur de l’identification et de l’enregistrement des électeurs. On aurait dû ne jamais accepter une commission électorale avec les forces armées des Forces Nouvelles (l’armée de l’ex-rébellion FN, Ndlr) en son sein. On n’aurait jamais dû accepter d’aller aux élections sans désarmement préalable des rebelles. Je pense qu’on aurait dû être plus solidaires entre nous-mêmes et ne pas ouvrir de guerres internes de succession à Laurent Gbagbo, qui était notre candidat. Mais ça, c’est du passé.

La crise postélectorale a fait officiellement 3 000 morts. Comment peut-on expliquer une telle violence dans un pays comme la Côte d’Ivoire ? Ou alors cette crise a-t-elle des causes plus lointaines ?

C’est une crise qui a opposé les partisans politiques. La Côte d’Ivoire compte 22 ou 23 millions d’habitants et a presque le même profil de population que le Ghana. Et le Ghana est allé à son élection présidentielle avec une liste de près 14 millions d’électeurs. En Côte d’Ivoire, nous avions une liste d’environ 6 millions d’électeurs, dont à peu près 5 millions seulement ont pu voter. Chaque parti a inscrit ses militants, et tous ceux qui n’étaient militants d’aucun bord, qui pouvaient dire « moi je ne suis ni pro-ceci, ni pro-cela, je veux voter » ont été terrorisés et sont restés chez eux. Donc, ce sont les militants qui se sont affrontés avant les élections, le jour des élections et après les élections. D’où la violence. Ce n’était pas une guerre civile, mais une guerre partisane, qui continue malheureusement deux ans et demi après.

Depuis deux ans, vous êtes président de LIDER, un parti qui semble encore chercher ses marques sur la scène politique ivoirienne. Pensez-vous qu’il a les armes nécessaires pour conquérir le pouvoir d’Etat ?

Les armes existent. LIDER espère que toute l’opposition ivoirienne, qu’elle soit de la société civile, de la politique, que tous ceux qui pensent qu’Alassane Ouattara, l’actuel chef de l’Etat, ne devrait pas avoir un second mandat, pourraient se retrouver dans ce qu’on peut appeler « une coalition pour la rupture ». Cette coalition ne se ferait ni autour d’un homme, ni autour d’un parti politique, puisque l’histoire nous a montré que ces formules ne marchent pas face à Ouattara, mais autour d’idéaux, de programmes qui rassemblent. Et aujourd’hui, LIDER réfléchit à haute voix et explique aux populations ivoiriennes et à tous ceux qui pensent qu’il ne faut pas donner un second mandat à monsieur Ouattara, qu’il y a des thèmes qui pourraient fédérer cette opposition citoyenne.

Seriez-vous candidat à la prochaine présidentielle dans deux ans ? Avec qui LIDER pourrait-il faire alliance?

Pour le moment, nous sommes à 27 mois des élections de 2015. Quand on crée un parti politique, c’est évidemment pour viser la présidence de la République et la gestion de l’Etat. Oui en 2015, je serai candidat, sauf si la coalition de la rupture se crée et si elle désignait un autre candidat. Sinon, il n’est pas question pour moi de laisser l’actuel chef de l’Etat renouveler son mandat, sans aller le « challenger » et lui montrer qu’il y a des gens, dans ce pays, qui disent non à ses pratiques, qui ne sont pas d’accord avec lui et vont s’engager pour le battre. Ce n’est probablement pas LIDER tout seul qui y arriverait, mais plutôt la coalition. S’il y a des gens plus déterminés qui sont choisis par la coalition, LIDER supportera ces hommes ou ces femmes pour aller battre Ouattara. Sinon, je serai face à lui. De toute manière, je ferai campagne contre lui comme je le fais depuis qu’il est président et jusqu’au jour des élections, sans statut légal d’opposant, sans financement public, dans l’insécurité totale et la violence ambiante. Mais il faut le faire.

Le président Ouattara a d’ailleurs déjà annoncé qu’il serait candidat pour un second mandat. S’est-il déclaré trop tôt ?

Oui ! Près de trente mois avant la date des élections, le président Ouattara s’est déclaré candidat, avouant ainsi son impuissance face aux urgences dont il dit n’avoir pas eu une bonne connaissance pendant les dix ans au cours desquels il a pourtant partagé le pouvoir avec Gbagbo et Bédié. «Je suis candidat en 2015 », tel est son nouveau programme de gouvernement pour les deux ans qui restent. Il voit s’effriter son électorat traditionnel et la désillusion chez ses partenaires du Rhdp (Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, Ndlr) augmente sans cesse. Il sent le mécontentement monter de plus en plus fort du fond du pays face à ses promesses démagogiques non tenues. Il ne sait plus quoi faire d’autre que de demander de lui accorder un nouveau mandat, en essayant de tirer sur la fibre ethnique et identitaire comme par le passé. Mais aujourd’hui les populations savent qu’elles ont été instrumentalisées et ne se laissent plus avoir par ce type de discours. Au lieu de préparer sa candidature, il devrait plutôt commencer à mettre en place les conditions d’une élection démocratique avec une commission électorale réellement indépendante, une liste électorale crédible après un recensement général de la population et en faisant adopter un statut de l’opposition. Mais là n’est pas la préoccupation de Ouattara.

En attendant, quelle analyse faites-vous de sa gestion. Où a-t-il réussi ? Où a-t-il échoué ?

Il a réussi à diviser les Ivoiriens encore plus profondément qu’ils ne l’étaient avant son arrivée à la tête du pays. Il a réussi à systématiser la criminalisation de l’Etat et l’impunité. C’est vrai qu’il y a eu des bêtises commises en Côte d’Ivoire par le passé, mais avec Ouattara, quand vous tuez et que vous êtes dans son camp, on ferme les yeux là-dessus. Quand ce sont ceux qui ne sont pas de son camp qui tuent, on les attrape, on les jette en prison, on les torture. Cela s’appelle de l’injustice. La justice avec Ouattara est au service de la vengeance.

Le grand crédo du gouvernement, c’est la création d’infrastructures. Certes, il a réussi à avoir de l’argent public international pour réaliser certaines infrastructures en cours, mais il ne faut oublier qu’elles étaient déjà programmées sous Houphouët-Boigny (le premier président ivoirien, Ndlr), mais n’ont pas pu se faire avec la crise. Ces infrastructures auraient pu être réalisées sous ses prédécesseurs (Bédié et Gbagbo, Ndlr) mais Ouattara, l’opposant de l’époque, n’a pas laissé faire. Il faut cependant remarquer que cela fait trois ans que le pouvoir crée des infrastructures — ponts, routes et autres —, mais il n’y a pas de création d’emplois. Le bilan après près de trois ans pouvoir, est que le chef de l’Etat a réussi à diviser les gens, n’a pas réussi à réconcilier les Ivoiriens. Il a par contre brillamment réussi à augmenter le chômage et le coût de la vie pour les jeunes.

Comment avez-vous accueilli la libération de Affi Nguessan et vos anciens camarades du FPI ? Est-ce que cela va dans le sens de la réconciliation ?

Avec soulagement, mais sans enthousiasme. Il ne s’agit que de liberté provisoire octroyée par le président Ouattara qui contourne allègrement la justice. Faut-il accepter de vivre en permanence dans notre pays en liberté sous condition et en être enthousiasmé ? La liberté provisoire est-elle meilleure que la liberté tout court ? Pour moi l’état de liberté provisoire ou de liberté conditionnelle est celui dans lequel tout le peuple de Côte d’Ivoire vit depuis l’accession de Ouattara au pouvoir. Libérer ceux qui sont en prison c’est bien, mais notre combat à nous, à LIDER, c’est de briser les murs de l’enclos dans lequel nous sommes tous maintenus dans ce pays. Briser les murs de la peur qu’insuffle le régime Ouattara. Nous ne pouvons nous contenter de libertés provisoires ou de libertés conditionnelles.

Quelles sont alors pour vous les clés d’une réconciliation vraie et réussie ?

La  réconciliation commence déjà par reconnaître la vérité des faits. Mon fils a été tué, mon frère a été abattu, ma femme a été violée. Qui a fait ça ? On connaît les coupables et on fait des procès clairs, on condamne… Au lieu de cela, on jette des gens en prison, arguant qu’ils sont coupables d’atteinte à la sureté de l’Etat, coupables de crimes économiques, coupables de ceci et de cela, puis au bout de trois ans on les met en liberté provisoire. Pensez-vous que cela va conduire à la réconciliation ? C’est le signe que nous sommes dans un Etat totalitaire. La réconciliation aurait voulu que ces personnes accusées soient jugées et que la justice les condamne ou les libère selon les preuves. Cela n’a pas été le cas. Par ailleurs, la réconciliation aurait voulu aussi que les pro-Ouattara, dont toutes les enquêtes disent qu’ils ont également commis des crimes, soient arrêtés, jugés et condamnés. Pour qu’il n’y ait pas deux poids, deux mesures.

Comment voyez-vous le futur de la Côte d’Ivoire ?

Je suis optimiste, mais prudent. Optimiste parce qu’il y a une jeunesse et un potentiel énorme, mais prudent parce que ce potentiel est loin d’être optimisé du fait de la myopie des personnels politiques, qui conduit à des guerres entre les militants des partis et à la prise en otage des populations, qui demeurent dans la méfiance, la pauvreté et la misère, là où nous devrions leur proposer de la confiance, de la prospérité et de la paix.

Aujourd’hui, certains de vos compatriotes, pour vous qualifier, disent qu’après le  « Boulangerd’Abidjan » (sobriquet donné à Laurent Gbagbo), voici le «dialecticien pervers». Que pensez-vous de ce surnom qu’on vous donne ?

Moi, «dialecticien pervers» ? C’est de l’assassinat de caractère. Ceux qui disent cela me redoutent. Il faut se demander pourquoi ? Je ne suis ni un démagogue flatteur, ni un tueur, je n’ai pas de sang sur les mains. Je suis simplement capable de dire, de façon claire, les perversités d’un système mis en place et qui appauvrit les populations. Je me plais à exposer les problèmes avec franchise. Je dévoile avec humilité les erreurs et les fautes que certains aimeraient occulter ou minimiser. Je propose des solutions alternatives pratiques et efficaces.

Vos détracteurs estiment que l’Assemblée nationale avec Guillaume Soro est plus dynamique qu’à votre époque. Que leur répondez-vous ? 

Oui, ils ont très probablement raison. Il s’agit de deux Assemblées très différentes, à des époques différentes, avec une configuration différente et des moyens différents. Comme ce sont mes détracteurs qui le disent, je le leur concède. Ils auraient dit le contraire que j’aurais été déçu de l’Assemblée que j’ai présidée de 2001 à 2011.

Est-ce parce que Guillaume Soro, en tant que président de l’Assemblée, est plus médiatique que vous ? 

Très certainement, d’autant plus qu’en Côte d’Ivoire, la rébellion du Mpci (Mouvement patriotique de Côte d’Ivoire, rébellion dont Guillaume Soro était le Secrétaire général, Ndlr) a toujours été plus médiatique que les institutions de la République. Peut-être aussi parce que cette rébellion n’a jamais reconnu l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire entre 2001 et 2011. Ce serait un hommage du vice à la vertu et j’en suis fier. Ceux qui disent cela ne savaient même pas qu’il y avait un parlement en Côte d’Ivoire avant l’arrivée de Ouattara au pouvoir. C’est une grande découverte pour eux, une merveille de la rébellion.

Guillaume Soro et ses partisans n’ont pas toujours été tendres avec vous. Avez-vous fait la paix aujourd’hui ?

En Côte d’Ivoire, parmi les personnels politiques, il y a peu de gens qui sont tendres avec moi. Mon combat, à moi, c’est de travailler pour l’obtention de la liberté pour tous, l’économie de marché pour tous, la propriété privée pour tous, la démocratie pour tous. Les rebelles ivoiriens ont toujours mal compris ce que sont la liberté, le marché, la propriété privée, la démocratie et les droits de l’homme. Pourquoi seraient-ils tendres avec moi ?

Quel regard portez-vous sur la nouvelle Assemblée nationale ? 

Elle existe mais est-elle vraiment un parlement lorsqu’elle décide elle-même, à la demande du président Ouattara, de renoncer à ses pouvoirs législatifs et de les céder au chef de l’Etat dans les matières économiques et sociales ? Est-elle véritablement un parlement quand il n’y est autorisé aucun débat démocratique, sauf à se faire sanctionner par le président de la République, par absence de véritable opposition dans l’hémicycle? Légifère-t-elle vraiment quand elle est complètement contournée par le président de la République pour des réformes dans des domaines qui relèvent de la loi, comme par exemple la défense et la sécurité, entre autres?

Vous êtes l’un des personnages clés de l’ancien régime à n’avoir pas été rendre visite à Laurent Gbagbo dans sa prison à La Haye. Les ponts sont-ils rompus entre vous et pourquoi ?

Les ponts ne sont pas rompus. Nous interférons. Nous avons des nouvelles l’un de l’autre. Nous avons des communications, lui et moi.

Téléphoniques ? Par écrit ?

Je préfère garder ces aspects confidentiels. Mais, les ponts ne sont pas du tout rompus. Et comme la Cour Pénale Internationale se montre incapable de conduire dans ses prisons les principaux animateurs du camp anti Gbagbo, je pense qu’il ne peut qu’être très prochainement libéré. Il serait foncièrement injuste et indigne vis-à-vis du droit international que la CPI soit utilisée comme instrument de vengeance du camp Ouattara.

Que vous inspire la situation politique au Mali ? Le processus électoral ?

Espoir pour ce qui concerne la situation. J’ai dit à mes amis maliens qu’il ne faudrait pas qu’ils suivent l’exemple ivoirien. Je leur ai même suggéré de préférer l’exemple ghanéen. Dembelé, Ibrahim Boubacar Kéïta,  Soumaila Cissé et  Cheick Modibo Diarra (candidats à la récente présidentielle malienne, Ndlr)peuvent le faire. Ils ne cultivent pas de haine les uns envers les autres. Pour ce qui concerne le processus électoral, j’aurais voulu, moi, que le Mali bascule dans un régime parlementaire plutôt que de rester dans le régime présidentiel, qui conduit toujours à de surprenantes bifurcations politiques en Afrique. IBK a gagné. Souhaitons-lui bon vent dans la difficile mission de réconciliation qui l’attend.

La Côte d’Ivoire doit-elle en tirer des enseignements ?

Oui ! Une seule: qu’il y a, en Afrique de l’Ouest, des rebellions condamnables, celle du Mali par exemple, et des rebellions soutenables, celle de Côte d’Ivoire par exemple.

Propos recueillis par Yacouba Sangaré et Lucien Ahonto

Source: Notre Afrik, n°36 – Septembre 2013