refugies ivoiriens au Togo

Le 3 mai, des Ivoiriens ont violemment mis à sac leur site d’hébergement. Notre envoyé spécial les a rencontrés. 

(FratMat, 22 mai 2013) – Une dizaine de tentes et l’infirmerie brûlées. 87 réfugiés contraints de vivre hors du camp. C’est la conséquence de la révolte des Ivoiriens réfugiés sur le site de l’hôtel Tropicana, à Avepozo, le 3 mai 2013, après l’arrestation du couple Gogoua, de Gnaoré Rolland David et deux autres Ivoiriens, détenus, jusque-là, à la Maison d’arrêt et de correction de Lomé. Et ce, suite à deux mois de manifestation sans interruption des femmes réfugiées pour réclamer de meilleures conditions de vie et notamment une nouvelle terre d’asile.

Ce samedi 18 mai, il est 10 heures. Le camp est calme. Les forces de sécurité togolaises chargées de la surveillance des lieux sont à leur poste. Lors d’un passage éclair, on aperçoit les restes de quelques tentes parties en fumée, de part et d’autre du site des réfugiés d’Avepozo. Ainsi que l’infirmerie construite par les soins du Haut-commissariat aux réfugiés (Hcr). «Ce sont les gendarmes qui sont venus mettre le feu. Ils n’ont aucun respect pour la vie humaine. Au Togo, nous sommes habitués à subir leurs brimades », peste Théodore G, un confrère togolais. C’est qu’à Lomé, toutes les personnes opposées au régime en place condamnent les autorités togolaises par rapport à ce qui s’est passé dans le camp. Chose que confirme P. Hyacinthe, un pasteur qui vit maintenant à quelques mètres du camp avec sa femme et ses trois enfants. Sur le visage des hommes et des femmes rencontrés, on lit la sérénité. Par petits groupes, ces réfugiés devisent tranquillement. Tout va bien, apparemment. Deux semaines plus tôt, le camp a connu une ambiance particulière, avec la descente de gendarmes et policiers et l’incendie de certaines tentes. Retour sur les origines de la crise du 3 mai.

La proposition qui fâche

Depuis fin décembre 2012, le Hcr a arrêté de distribuer des vivres aux réfugiés ivoiriens. Désormais, l’institution onusienne offre la somme de 150.000 F à chaque foyer en vue de mener des activités génératrices de revenus (Agr) afin de se prendre en charge. Elle se propose de verser d’abord 120.000 F pour leur permettre de démarrer leurs activités, puis le reliquat devrait être payé en trois mensualités à raison de 10.000 F par mois.

Cette somme est jugée insignifiante par tous les réfugiés qui réclament un million de francs Cfa pour leur autonomisation. Des femmes décident alors d’organiser des manifestations de protestation pour obtenir un montant plus élevé. Le Hcr les invite à la table de négociations, mais, les Ivoiriennes refusent cette offre et poursuivent leur mouvement qu’elles baptisent grève de la faim. Les choses gagnent en intensité au fur et à mesure que les jours passent. Les responsables du Hcr, le Coordonnateur national d’assistance aux réfugiés (Cnar) et le ministre de la Sécurité togolais se rendent sur le site d’Avepozo en vue d’obtenir des manifestantes un sursis. En vain.

Une nouvelle terre d’asile.

Les Ivoiriens réfugiés au Togo sont arrivés par vague. Il y a ceux qui ont quitté la Côte d’Ivoire au moment où il y avait la guerre, dans l’optique de se mettre à l’abri. Ces derniers sont arrivés généralement en avril et mai 2011. Après ce premier groupe, il y a eu une autre vague d’Ivoiriens qui est arrivé au Togo en novembre 2011, au moment où les choses allaient mieux au pays. Leur objectif était de bénéficier du statut de réfugié afin d’obtenir un visa pour certains pays européens. « Il y a un groupe d’Ivoiriens qui est venu dans l’optique de voyager. Pour eux, le Togo était un pays de transit. Ils ont été recrutés par M. Tiédé Bertin à Yopougon Ficgayo. Ce dernier leur a dit qu’avec le statut de réfugié, ils pouvaient voyager facilement. Tiédé Bertin était au Togo, mais depuis quelque temps, il n’est plus là. Et ces Ivoiriens croient toujours en ce rêve de voyage. Sinon, nous les vrais réfugiés, nous ne sommes pas venus pour voyager. Que ceux qui ont remis leur argent à Tiédé Bertin aillent le chercher », dénonce Irié Bi Valentin, un réfugié relogé par les soins du Hcr dans un foyer sis au quartier Adidogomé de Lomé. Des propos repris en chœur par la plupart des réfugiés contraints de vivre hors du site d’Avepozo.

Vers la création de deux camps

Aujourd’hui, ce sont 87 personnes qui vivent hors du camp, du fait de la situation de crise. Elles sont temporairement relogées par le Hcr. Elles souhaitent, certes, retourner sur le site d’Avepozo, mais elles disent être menacés par les partisans du couple Gogoua. « Les nouvelles qui nous parviennent ne sont pas bonnes. On nous dit que si le président Zahouli et ses collaborateurs arrivent sur le site, ils seront tués. Donc, tant qu’il y aura ces menaces, nous ne pourrons pas retourner sur le site. Il appartient au Hcr de décider. Il faut que ceux qui sont venus à Lomé dans l’optique de voyager sachent que le site n’est pas une gare où l’on vient pour prendre un ticket de voyage », conclut Irié Bi Valentin.

L’éducation des enfants en péril

Depuis le début des manifestations, les réfugiés ont retiré leurs enfants de l’école construite sur le site d’Avepozo à leur intention. Cela fait maintenant près de trois mois que ces derniers ne vont plus à l’école. Alors que les examens de fin d’année arrivent à grands pas. « Nous ne comprenons pas pourquoi ceux qui manifestent veulent gâcher l’avenir des enfants. Le Hcr a ouvert une cantine pour tous les élèves qui n’ont aucun problème », soutient une assistante sociale qui s’occupe des réfugiés. Sans donner le nombre exact d’enfants ivoiriens inscrits dans l’école, elle précise qu’ils sont de toutes les classes du cycle primaire et que leurs études sont entièrement prises en charge par le Hcr.

Conditions plus que difficiles

Avec la crise survenue sur le site d’Avepozo, la clinique a été délocalisée au quartier Baguida, à environ 4 kilomètres du camp. Désormais, en cas de problème de santé, les réfugiés doivent payer au moins 400 F pour s’y rendre. Pire, le projet d’autonomisation initié par les responsables du Hcr est au point mort. Les milliers de réfugiés vivant encore sur le site d’Avepozo ne savent pas si l’institution onusienne reviendra sur sa décision pour leur distribuer, à nouveau, des vivres, ledit projet ayant été rejeté. En attendant, les 3.500 réfugiés du site se débrouillent comme ils peuvent.

Jules Claver AKA

Envoyé spécial