Mme Zadi Zaourou

Veuve Zadi Zaourou née Pauyo Louise Marie Henriette

(LG Info, 8 avril 2013) – Plus d’un an que Zadi Zaourou a quitté le monde des vivants. Autant de temps que l’homme de culture reste vivant dans les esprits. Les témoignages sur Zadi Zaourou et ses oeuvres n’en finissent pas. Parmi ceux-ci, un était particulièrement attendu. Celui de son épouse, Mme Zadi née Pauyo Louise Marie Henriette. Nous l’avons rencontrée récemment lors des événements marquant l’an 1 de la disparition du père du Didiga. Interview !

Comment s’est fait votre première rencontre avec le Professeur Zadi Zaourou ?

Je suis arrivé en Côte d’Ivoire et je travaillais à l’Unicef. J’avais comme chef, l’écrivain Cheik Amidou Kane, l’écrivain sénégalais qui me disait vous avez de grandes possibilités, vous devriez faire l’université parce que j’étais secrétaire. Ainsi, je suis allé à l’université et c’est là que j’ai rencontré Zadi Zaourou. On s’est fréquenté et il m’a même formé puisqu’il m’a aidé à passer mes examens et on s’est marié (rires). Enfin, je n’ai pas la prétention de le juger mais avec le peu de connaissance, je pense qu’il manque dans ses écrits l’essentiel qui est l’esprit de sainteté. Parce que j’ai beaucoup lu un peu de n’importe quoi. Après je me suis enfoncé dans la connaissance de Jésus Christ qui est mon ami et lui et moi on ne se quitte plus.

Depuis le décès de votre époux, vous êtes discrète. Que ressentez-vous lorsque vous partagez des moments de témoignages avec les hommes de culture ?

D’abord, c’est un moment de joie pour moi, parce qu’il m’a fallu un an pour faire le deuil. Ensuite, cela m’a permis de m’habituer à ne plus sentir sa présence physique bien qu’en rêve je le vois souvent à la maison avec moi. Mais ce n’est pas la même chose. Donc, pendant toute cette année, je suis resté repliée sur moi-même. Pas pour fuir les gens, mais pour retrouver en moi la force de revivre comme avant. Pendant tout ce temps, je suis restée seule. Je disais tantôt que j’ai un grand ami qui s’appelle Jésus Christ. Et que la séparation que je vis maintenant est momentanée comme on part en voyage et qu’un jour, je le retrouverai. Puisqu’il est mort réconcilié avec Dieu et retourné à la foi de son baptême et il me semblerait que son oeuvre prend de plus en plus de l’ampleur. Je suis très heureuse de ce que je vois et de ce que je constate. C’est le bonheur d’une vie bien remplie, bien accomplie. Car j’ai eu beaucoup d’opportunités dans ma vie. Mais chaque fois, j’ai toujours saisi le côté positif et je fais ce qu’il faut pour que ça aille toujours mieux. Donc je peux dire que je suis maintenant en fin de vie, la dernière ligne droite puisque j’ai 71 ans. Donc, je ne suis pas loin de le rejoindre. Mais quand je regarde derrière moi, je dis que j’ai eu une belle vie. Parce que chaque fois j’ai eu l’opportunité, je la saisis. Et lui et moi, on s’est remarié (on est resté divorcé pendant 20 ans) parce que le Seigneur voulait que je le mette dans le cadre pour qu’il récupère cette âme, une âme droite et forte.

C’est vous qui étiez à côté de lui au soir de sa vie. Est-ce que vous aviez remarqué en lui une sensation de regret, de non fait ?

Alors, pas du tout. Ça s’est passé si tranquillement que moi-même je n’ai rien vu venir. Je savais qu’il travaillait sur un projet avec des artistes pour la commission de Banny. Il s’agit notamment de Bienvenue Néba, Wêrê Wêrê Liking, etc. Il y a beaucoup de gens qui venaient le voir. Il préparait une fresque. Le vendredi 19 mars 2012, je me rappelle bien, il est allé faire sa visite en cardiologie avec Touré (son petit disciple). Il est revenu et il s’est mis au travail toute la journée. Le lendemain, vers 18h, il est venu me trouver au salon et m’a demandé de lui mettre le coussin. Il s’est allongé. Mais j’ai vu qu’il ne réagissait pas. J’ai appelé tout le monde, son frère, son fils, ses enfants. Et quand mon fils est venu de la messe, je lui ai dit d’aller dire à son oncle que son frère ne se sent pas bien. Ensuite, il l’a transporté à la clinique et le 20 mars 2012, il est décédé. Donc cela s’est passé dans la douceur, il n’a pas été grabataire. Il n’a pas perdu connaissance.

Quelle a été votre réaction quand vous a annoncé sa mort ?

En fait quand on m’a annoncé qu’il est décédé, je n’ai rien compris. Parce qu’ils m’ont dit qu’il a été opéré et que le réveil est lent. Et brutalement, on me dit qu’il est mort. Je me suis dit que c’est la volonté de Dieu. Donc, j’ai prié et j’ai senti que c’était saint, le Seigneur l’a pris au meilleur moment pour que son âme soit sauvée.

Zadi Zaourou donnait-il l’impression qu’il n’avait pas fait quelque chose, une œuvre, un projet, quelque chose comme ça ?

C’est la fresque qu’il préparait qui était son dernier projet. Mais ce que je sais, c’est qu’il avait des déceptions. Il disait par exemple : « je crois que j’ai raté ma vie. Parce que si j’ai formé une bonne partie de la classe politique, pour avoir ça comme résultat, je crois que j’ai raté ma vie». Ce n’est pas à moi il le disait, mais à un de ses amis, en ma présence. «Parce que l’éthique que j’ai inculquée à la classe politique, je ne vois rien de cette éthique», ajoutait-il. Je lui ai disais qu’il n’a pas mis l’accent sur le côté spirituel qui est très important pour réussir n’importe quelle action. 

Quel est le sens de votre réaction ?

À cause des recherches, mon mari s’était éloigné de Dieu. Or l’Europe a été formée par le christianisme comme la plupart de nos pays. Au départ, c’était une Europe de paganisme. Mais quand les chrétiens ont pris les choses en main avec les Saint Bernard, Saint Benoit et les bénédictins, saint Thérèse d’Avila, ils ont inversé la tendance, et ont réussi à donner dans toute l’Europe une élite que nous sommes en tain de rechercher. Nous cherchons ici des chrétiens qui peuvent inverser aussi la tendance. Ce que nous n’avons pas encore.

Le Professeur Zadi Zaourou était-il croyant ?

Mon mari a été baptisé petit comme tout le monde. Il croyait, mais devenu grand il a perdu la foi, il était devenu communisme, athée et autre et quand j’ai repris contact avec lui après 20 ans de divorce …

C’était lié ?

C’était lié parce que le Seigneur m’avait fait comprendre qu’il passait par moi pour le ramener à la foi de son baptême. Donc, j’ai pris ça comme une mission très sérieuse. Ainsi, il est revenu revivre avec moi en juillet 1993. Houphouët Boigny est mort en décembre 1993. Il est nommé ministre et on est resté ensemble. En 2002, il a décidé de se remarier avec moi. Ma mission était de le remettre sur la voie chrétienne. Donc, nous avions des discussions virulentes et houleuses sur cette affaire. Et parce que j’ai eu une très bonne formation chrétienne, je lui disais ce que tu dis là n’a pas été dit par Marx, Lénine et autres. Et ceci a été dit par Moise, Paul ou par Pierre. Donc je le ramenais toujours à la Bible et je lui ai même acheté une bible qu’il a lue et même annotée. Je crois que le cheminement a été fait tout doucement. Maintenant, dans sa maladie, la première crise est intervenue en 2000. En 2002, lorsqu’on s’est remarié je l’ai amené chez le Père supérieur du Carmel, Père Miguel. Ce dernier m’a dit qu’il a tellement de connaissances dans sa tête que ça va être difficile pour trouver une place pour la foi et il a fallu que le Seigneur creuse un trou pour faire entrer la foi et je crois qu’il l’a fait. Donc, petit à petit, je sentais qu’il venait et lorsqu’il a dit que «je crois en Dieu», c’était qu’il avait revu le Seigneur, parce que dans mes convictions, il n’aurait pas dit s’il ne croyait pas. Il disait qu’il faut que je fasse mon témoignage. C’est pour cela que je cherche les écrits qui montrent qu’il a laissé ce témoignage.

Entretien réalisé par Renaud Djatchi