Le Cardinal Robert Sarah

Quand le conclave devient le reflet d’un désamour postcolonial

Par Simplice Ongui

La pression supposée exercée par le président Emmanuel Macron pour freiner l’ascension du cardinal Robert Sarah peut être analysée à l’aune d’une réalité géopolitique plus vaste : le recul de l’influence française en Afrique.

De plus en plus de pays africains francophones affirment leur souveraineté politique, économique et culturelle. Le rejet du franc CFA, les critiques contre la présence militaire française et le discrédit grandissant de la Françafrique en témoignent. Dans ce contexte, l’accession d’un cardinal africain — en particulier issu d’un pays francophone comme la Guinée — au trône de Pierre serait perçue, par certains cercles français, comme une affirmation d’indépendance spirituelle et symbolique de l’Afrique. Cela viendrait non seulement renforcer une dynamique d’émancipation déjà palpable, mais aussi consacrer symboliquement une rupture : l’Afrique n’est plus un simple terrain de mission, elle devient un centre spirituel à part entière.

La France, autrefois surnommée « la fille aînée de l’Église », voit aujourd’hui décliner son rayonnement religieux, tandis que l’Afrique s’affirme comme le nouveau foyer vivant du catholicisme mondial. L’élection d’un pape africain pourrait ainsi redéfinir les priorités de l’Église, y compris sur le plan diplomatique, au détriment des anciens pôles d’influence européens.

Dès lors, des tentatives pour écarter un candidat africain, perçu comme trop conservateur ou trop indépendant, pourraient s’inscrire dans une logique paternaliste, voire néocoloniale, visant à empêcher l’Afrique de s’imposer à la tête de l’un des derniers grands centres d’autorité mondiale, hors des sphères économique ou militaire.

Face à cette évolution, certains milieux de pouvoir en France pourraient redouter qu’un pape africain accélère encore ce glissement d’influence. Cela expliquerait, au moins en partie, les manœuvres dénoncées en marge du conclave.

L’enjeu ne serait donc pas uniquement religieux, mais aussi diplomatique et civilisationnel :
« Qui aura la main sur l’âme du catholicisme mondial ? »

L’opposition à un pape africain comme le cardinal Sarah ne relèverait donc pas seulement d’une question de théologie ou de style. Elle traduirait une crise plus profonde, entre une Afrique en quête de reconnaissance et une France en mal de repères dans son ancien pré carré. Le Vatican, à son tour, deviendrait un théâtre symbolique de cette recomposition des équilibres mondiaux.

Simplice Ongui
osimgil@yahoo.co.uk