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Une réelle menace plane sur plusieurs langues vernaculaires que sont l’Agni, le Baoulé, le Bété, le Dioula, le Mooré, etc. La montée des langues du colonisateur et des langues étrangères reste un danger pour nos langues locales. Les enfants parlent de moins en moins leurs dialectes. Les parents qui devaient les leur enseigner, n’en parlent pas. La rareté des vrais « gardiens des langues » et l’inexistence d’une vraie politique de protection de nos langues rendent difficile voire impossible la sauvegarde de ce vecteur de nos cultures. Une langue qui est véhiculée sans sa quintessence n’est plus qu’une copie. Aussi, les quelques personnes âgées qui s’expriment toujours dans nos langues vernaculaires ne se retrouvent plus. Elles vivent la situation, impuissantes. Leur disparition sera nul doute celle de nos langues locales. En effet, à un père ou une mère qui ne sait pas bien s’exprimer dans sa langue, ne lui demandez pas de l’apprendre à ses enfants. Du coup, les langues vernaculaires sont véhiculées sans leur quintessence. Progressivement, les noms des objets, des animaux et autres sont remplacés par des termes étrangers. Aucune langue n’est à l’abri de cette influence qui dicte sa loi à nos langues locales. Ainsi, pour désigner celui qui occupe le premier rang ou le plus fort, beaucoup de nos langues restent de plus en plus muettes. Pour le faire, nous préférons les termes « Premier » et «Champion». Idem pour une route bitumée. La majorité de nos langues désignent une route bitumée par le terme «Goudron». Bien que certains noms soient connus dans nos milieux après le passage du colon, ces noms ont leurs équivalents dans nos langues vernaculaires. Certains spécialistes des langues justifient la non-connaissance de sa langue maternelle, par le manque de visites au village ou par le fait que les deux parents ne lui ont pas appris à parler leur langue. « La paupérisation de nos langues est non seulement due au manque d’un cadre de revalorisation, mais aussi, à la disparition de ceux qui s’expriment bien dans nos langues. Le Tiéfo, qui est aujourd’hui classé une langue morte, est la preuve de ce que nous venons d’avancer. Aucune langue, avions-nous déjà souligné, n’est à l’abri de cette déperdition. Même certaines langues comme le Mooré, qui est une langue dominante au Burkina Faso, sont affectées. L’effet de l’évolution a eu raison de cette langue qui est parlée dans toutes les localités du Burkina. Lutter contre cette dévalorisation de nos langues semble être une utopie », commente un linguiste interrogé par Afrique femme. Il invite à intégrer davantage nos langues locales dans leurs recherches, pour que nous n’en soyons pas à regretter demain le fait de n’avoir pas sauvé nos langues qui sont les premiers signes de notre qualificatif social. Le Sénégal pour l’heure fait l’exception en Afrique de l’Ouest avec le Wolof utilisé dans les conversations du quotidien par environ 80 % de la population. Dans la plupart des écoles du pays, l’enseignement est laïc et se fait d’abord en wolof, et le français est introduit graduellement à l’aide de « bigrammaires » conçues par des chercheurs. « Le Sénégal est l’exemple réussi de la montée des langues nationales. Partout, c’est le wolof avant le français et l’anglais. Même les expatriés s’y sont mis », nous a confié Malick Sonko, un cadre de l’administration lors d’un séjour dans le pays de la Teranga.

A .Traoré

Source : Le Sursaut, lundi 23 février 2015