« Toute l’Afrique doit se mobiliser pour le Mali, lui apporter son savoir-faire et ses idées »
Réunie à Accra le 9 janvier 2022, la Communauté économique des États d’Afrique occidentale (CÉDÉAO) a adopté contre le Mali des sanctions commerciales et financières qui ressemblent étrangement à celles de l’Union européenne en 2011 contre les Ivoiriens et Laurent Gbagbo que Sarkozy voulait coûte que coûte remplacer par son poulain Ouattara. À cette époque, non seulement les banques étrangères étaient fermées mais un embargo fut décrété sur les médicaments à destination de la Côte d’Ivoire, ce qui ne pouvait que causer la mort de milliers de personnes. Des morts qui n’ont jamais été pris en compte par les médias français qui ne parlent que des 3000 victimes de la crise postélectorale. Même si l’on n’est pas encore arrivé à de tels excès au Mali, les autorités de ce pays n’ont pas tardé à dénoncer l’illégitimité et l’illégalité des sanctions prises par l’organisation sous-régionale créée le 28 mai 1975 à Lagos (Nigeria) dans un but purement économique.
Mais qui ignore aujourd’hui que la CÉDÉAO est manipulée par la France qui, en plus de n’avoir pas digéré le renversement d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), ami de François Hollande, perçoit les deux têtes de l’exécutif malien comme des gens issus de deux coups d’État que tout démocrate ne peut que condamner ? Qui ne sait pas que l’ancienne puissance colonisatrice a des comptes à régler avec les autorités de Bamako qui lui avaient reproché d’avoir abandonné le Mali en plein vol ? Qui ne voit pas que cette France n’est pas cohérente dans la mesure où elle accuse Goïta et Maïga de n’avoir pas été élus alors qu’elle fut muette devant le troisième mandat anticonstitutionnel d’Alassane Ouattara ? La même remarque vaut pour la CÉDÉAO: pourquoi cette organisation fait-elle une fixation sur le retour à l’ordre constitutionnel et à l’État de droit au Mali alors qu’elle ne protesta jamais contre la violation de la Constitution ivoirienne par Ouattara ? En 2020, condamna-t-elle le 4e mandat de Faure Gnassingbé ? Pourquoi l’ECOMOG est-il incapable de chasser les terroristes du Sahel ?
Personnellement, je trouve les sanctions de la CÉDÉAO injustes et inacceptables, d’abord parce qu’elles visent à asphyxier le Mali, ensuite parce que ceux qui ont pris ces décisions inhumaines se sont montrés indignes. En effet, seuls des gens indignes peuvent chercher à plaire à un pays qui en 8 ans n’a pas été capable de venir à bout des jihadistes malgré tous les moyens logistiques et militaires dont disposaient ses 5000 soldats. Seuls des gens indignes peuvent se dresser contre un des leurs qui se bat pour parvenir à la vraie indépendance. Seuls des gens indignes peuvent avoir oublié que les Blancs, eux, se sont toujours mis ensemble pour faire du mal au Noir: en 1885 à la conférence de Berlin pour se partager l’Afrique, en 2011 pour assassiner le colonel Mouammar Kadhafi qui était sur le point d’utiliser une partie des 143 tonnes d’or que possédait son pays pour permettre la création d’une monnaie panafricaine, si l’on se fie aux éléments trouvés dans les lettres d’Hillary Clinton déclassifiées le 31 décembre 2021.
Qu’ils sont minables et ignobles, ces valets de l’Occident qui n’ont pas encore compris que “nous devons trouver une solution africaine à nos problèmes et que cette solution ne peut être trouvée que dans l’unité africaine [car], divisés, nous sommes faibles [mais]; unie, l’Afrique pourrait devenir l’une des plus grandes forces du bien pour le monde” (Kwame Nkrumah)! Ils pensent intimider les dirigeants de la transition au Mali. Ils croient pouvoir les soumettre facilement, mais ils se trompent lourdement car Goïta et Maïga ont posé le pied sur un gros caillou (la Russie, la Chine, l’Algérie, la Mauritanie et la Guinée) et bénéficient du soutien de leur peuple. La preuve, les autorités de la transition ont immédiatement rassuré le peuple malien sur le fait que “l’approvisionnement régulier du pays sera assuré”, appelé “à la solidarité et à la vigilance pour dénoncer tous les traîtres”, déclaré que le Mali se réservait “le droit de se retirer de la CÉDÉAO” et demandé aux jeunes de “commencer par se mobiliser pour défendre leur patrie”.
Pour ma part, je pense que ce n’est pas seulement la jeunesse malienne qui doit se préparer à défendre le Mali. Tous les jeunes Africains épris de liberté devraient se mobiliser et agir pour le Mali. Pendant que certains mènent le combat sur les réseaux sociaux, d’autres, ceux qui vivent dans les pays voisins, devraient converger vers Bamako. Je propose aussi que la jeunesse africaine manifeste chaque jour devant l’ambassade de France et boycotte les produits français dans les pays de cette CÉDÉAO dirigée par des larbins et des poltrons.
“Nous ne sommes confrontés ni à l’Est ni à l’Ouest. Nous sommes face à nous”, disait le Docteur Kwame Nkrumah. Nous étions alors dans un contexte de guerre froide entre le bloc américain et le bloc soviétique. Pour moi, l’expression “nous sommes face à nous” signifie, d’une part, qu’en notre sein se trouvent des individus qui ne sont guère gênés de s’associer à l’ennemi pour des intérêts et avantages bassement matériels. Nous devons être sans pitié pour ces individus que la cupidité et la médiocrité poussent à travailler contre l’Afrique. La Chine n’aurait pas eu la puissance économique et militaire que tout le monde lui reconnaît si Mao Zedong et ses camarades avaient montré quelque complaisance à l’égard de ceux qui étaient réfractaires à la révolution culturelle de 1966. La formule signifie, d’autre part, que nous devons prendre notre destin en main sans attendre le feu vert de quiconque et sans compromission. Nous devons nous assumer devant l’Histoire en nous mettant debout et en affrontant ensemble ceux qui nous pourrissent la vie depuis 1960, l’année des pseudo-indépendances.
Grâce aux travaux de Cheikh Anta Diop, de Joseph Ki-Zerbo, d’Ibrahima Baba Kaké et de Théophile Obenga, entre autres, nous savons aujourd’hui que l’Afrique, berceau de l’humanité, fut un grand continent parce que plusieurs penseurs grecs (Thalès, Pythagore, Solon, Anaximandre, Héraclite d’Éphèse, Platon…) reçurent leur formation en Égypte, parce que Tombouctou était un grand centre intellectuel, parce que l’Afrique eut des empires riches et puissants (Ghana, Mali, Songhaï, Monomotapa, etc.). Pouvons-nous redonner à l’Afrique sa grandeur ? Oui mais ce ne sera pas en ergotant à l’envi sur ce glorieux passé ni en étant obsédés par la démocratie que l’Occident est le premier à bafouer en Afrique. Notre continent redeviendra fort si nous commençons par nous solidariser avec le Mali. En 2010, Laurent Gbagbo fut malheureusement privé de cette solidarité africaine. En Afrique de l’Ouest, excepté Joseph Kokou Koffigoh, Hermann Yaméogo, Amath Dansokho, Malick Ndiaye, IBK, Aminata Traoré…, beaucoup préférèrent soutenir son adversaire qui avait dit le 9 octobre 1999 à Paris qu’on l’empêchait d’être candidat parce qu’il était musulman et du Nord. Ils avaient oublié le proverbe africain qui dit: “Quand la case de ton voisin brûle, hâte-toi de l’aider à éteindre le feu, avant qu’il n’atteigne la tienne.” Ironie du sort, c’est le même Alassane Ouattara qui veut brûler le Mali tandis que Laurent Gbagbo naguère voué aux gémonies est opposé aux sanctions de la CÉDÉAO. Ceci montre que nous devons nous battre, non pour une religion, une ethnie ou une idéologie (socialisme, libéralisme, etc.), mais pour que nos pays cessent d’être contrôlés et pillés par la France.
Marcel Amondji estimait que les Français comme colonisateurs n’étaient ni meilleurs ni pires que les autres mais qu’ils ne savaient pas s’arrêter. Avant le grand penseur ivoirien, Albert Camus enseignait que “la bêtise insiste toujours”. Je pense, quant à moi, que les Français sont les pires colons et néocolons car un pays intelligent et sage se serait gardé de traiter le Mali comme il traita la Côte d’Ivoire de septembre 2002 à avril 2011.
En un mot, les Africains (jeunes, artistes, opposants, intellectuels) doivent se tenir aux côtés des Maliens. Toute l’Afrique doit se mobiliser pour le Mali, lui apporter son savoir-faire et ses idées car ce qui se joue, dans le pays de Modibo Keïta, c’est le destin des pays “francophones” que la France n’a pu dominer et exploiter qu’en les divisant et en les montant les uns contre les autres.
Jean-Claude DJEREKE