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(Notre Voie) – Justin Koua, le secrétaire national de la Jeunesse du Front populaire ivoirien (JFPI), demande aux jeunes de refuser de cautionner le complot contre la démocratie, en s’abstenant d’aller aux urnes dimanche prochain. 

Notre Voie : Le 16 février, vous avez organisé un meeting qui a butté une fois de plus sur l’hostilité du pouvoir en place. La manifestation a été réprimée par les forces de l’ordre. Finalement, aujourd’hui, est-ce que la Jfpi n’est pas quelque part bloquée ?

Justin Koua : Rien ne peut nous bloquer. Notre détermination à lutter pour le triomphe de la démocratie reste intacte. Nous sommes conscients que le régime a une nature fasciste. Mais la Jeunesse du Front populaire ivoirien a inscrit son action dans la voie du combat démocratique. Vous avez le sentiment que les choses traînent. Nous disons, doucement, doucement, nous sommes pressés. Rassure vous, la Jfpi ira jusqu’au bout avec le président Gbagbo.

N.V.: Le Front populaire ivoirien a une vieille réputation de lutte. Peut-on dire, au regard de ce qui se passe, que cette tradition est en train d’être reléguée aux calendes grecques?

J.K.: Justement c’est parce que nous luttons que nous sommes là. Sinon, depuis le 11 avril 2011, le régime au pouvoir fait des pieds et des mains pour tuer le Fpi. Cette volonté se traduit à travers les arrestations et les emprisonnements de nos cadres. Des mandats d’arrêt ont été lancés contre d’autres cadres et des personnes proches du président Laurent Gbagbo. Les comptes de plusieurs militants sont bloqués. Tout cela ne marche pas parce que nous sommes un parti de lutte. Le Fpi reste debout. La machine s’est vidangée, elle est prête à engager les actions pour sauver le peuple de cette dictature rampante que tente d’instaurer le pouvoir en place.

N.V.: Vous avez décrété l’année 2013 année d’actions. Quelles sont les perspectives après le  rendez-vous du 16 février dernier?

J.K.: La Jeunesse du Front populaire ivoirien vient de boucler une tournée qui nous a permis de visiter l’ensemble de nos structures sur le territoire national. Nous avons touché de près les difficultés dans nos fédérations. Aussi, nous sommes-nous rendus compte de la volonté des camarades de poursuivre le combat. Nous avons été ravis de trouver des structures désireuses de contribuer à la restauration de la démocratie dans notre pays. Maintenant, nous allons multiplier nos actions sur le terrain pour que le monde entier sache que les Ivoiriens veulent vivre dans une démocratie et non dans un empire.

N.V.: Le 11 avril, les Ivoiriens ont commémoré l’an 2 du coup d’Etat de la France contre le régime Laurent Gbagbo. Deux ans après les faits, quels sentiments cet événement suscite-t-il en vous ?

J.K. : Le 11 avril 2011marquera la mémoire de ma génération comme une année où la France politique au pouvoir et l’Onu ont déclenché la guerre contre la démocratie. Pour la première fois, des troupes de l’Onu, en complicité avec l’armée française, ont bombardé la résidence d’un chef d’Etat, alors que cet Etat n’est pas en guerre contre eux. L’Onu a neutralisé la démocratie et installé le fascisme en Côte d’Ivoire. C’est difficile d’oublier cette action de barbarie perpétrée par l’Onu et Sarkozy dans notre pays. Depuis cette date, pour moi, l’Onu a perdu toute crédibilité. Mais le 11 avril 2011 est un jour de prise de conscience pour ma génération. Depuis cette date, l’Histoire nous a confié la lourde mission de nous battre par des moyens légaux pour la restauration et la consolidation de la démocratie partout en Afrique. 

N.V.: Human Rights Watch a publié un rapport où cette association a dénoncé une attitude partiale de la Cpi. Quels commentaires faites-vous par rapport à cette position ?

J.K.: En réalité, le régime de M. Ouattara est en guerre contre les Droits de l’Homme en Côte d’Ivoire. Les Ivoiriens souffrent le martyre. La liberté d’expression, d’association et de manifestation consacrée par notre Constitution, en son article 13, est constamment piétinée. Le droit pour chaque prévenu de se voir assisté par un avocat ou un collège d’avocats est renvoyé aux calendres grecques dans notre pays. La visite aux prisonniers est interdite dans notre pays. Le droit pour chaque prévenu de connaître les motifs pour lesquels il est accusé est un tabou dans notre pays. L’organisation et la planification des attaques contre les partisans du président Laurent Gbagbo est finalement un des points essentiels du programme d’action du régime du pouvoir. Les prisonniers sont déplacés d’une prison à une autre sans que leurs parents, encore moins leurs avocats, ne soient informés. En Côte d’Ivoire, ceux qui ne sont pas du clan, de la tribu, du parti et de la famille de M. Ouattara n’ont pas de droit. Toutes les règles de justice, d’égalité entre les Ivoiriens sont ignorées quand il s’agit d’un sympathisant du président Laurent Gbagbo. C’est ce constat juste et vrai que font les organisations des Droits de l’Homme depuis qu’elles ont compris leurs obligations envers les peuples traumatisés par le régime tortionnaire de Côte d’Ivoire. Ces organisations révèlent, à la face du monde, ce que les disciples du président Gbagbo vivent dans leur pays. En Côte d’Ivoire, la Justice est au service du clan Ouattara au détriment des sympathisants du président Gbagbo. En Côte d’Ivoire, la Justice contribue à aggraver les dissensions entre le peuple. En Côte d’Ivoire, la justice est injuste. En Côte d’Ivoire, les tueurs sont faits ministres, députés, directeurs centraux, directeurs généraux, préfets, sous-préfets et bientôt maires et présidents de conseils généraux, pendant que les innocents et démocrates croupissent dans les prisons, isolés de toute visite. La Justice ivoirienne s’est confortée dans cette injustice parce que l’injustice a été légitimée par la Cour pénale internationale (Cpi).

N.V.: Il y a quelques jours, l’Assemblée nationale a voté une loi d’habilitation qui donne plein pouvoir au chef de l’Etat de gouverner par ordonnance. Qu’en pensez-vous?

J.K.: La gouvernance par ordonnance est la caractéristique des régimes issus des coups d’Etat. Le régime ivoirien ne peut échapper à cette règle puisqu’il est issu d’un coup d’Etat perpétré par l’armée de Nicolas Sarkozy, en complicité avec l’Onuci, le 11 avril 2011. Alassane Ouattara vient naturellement réaffirmer aux ivoiriens et au reste du monde que la nature de son régime commande qu’il adopte une telle posture, pour rester en conformité avec l’acte posé le 11 avril 2011. C’est-à-dire l’acte qui a consisté à faire intervenir des armées étrangères pour réussir son coup d’Etat contre le président Laurent Gbagbo et les institutions de Côte d’Ivoire. Vous conviendrez avec moi que, depuis cette honteuse date, la IIème République s’est effondrée. Donc, naturellement, les Ivoiriens devraient s’armer de courage pour préparer l’avènement de la IIIème République. Alassane Ouattara ne pouvait ignorer pendant longtemps que la Côte d’Ivoire n’a pas d’institution fonctionnelle. Vivement qu’il reconnaisse que le statut de président de la République est fait usage que dans une République. Par conséquent, il ne peut raisonnablement s’en prévaloir.

N.V.: Le 21 avril prochain, les électeurs sont appelés aux urnes pour les élections municipales et régionales. Quel est votre regard sur ces élections ?

J.K.: Le 21 avril prochain, les Ivoiriens sont plutôt appelés à accompagner la dépouille de la défunte démocratie au cimetière. Il va s’agir, pour le régime, de procéder à l’inhumation de la démocratie chèrement acquise par le président Gbagbo et ses camarades pendant de longues années de lutte. Pour camoufler cet acte grotesque et indigeste, le régime Ouattara utilise le langage électoral. Le régime en place pense pouvoir ruser avec la conscience des Ivoiriens en faisant semblant d’organiser des pseudo élections, qui, en réalité, n’ont pour objectif que de procéder à la nomination des membres de son clan. Il ne peut y avoir d’élection sérieuse en Côte d’Ivoire sans démocratie véritable. La démocratie suppose la participation de l’ensemble du peuple et non une partie du peuple à la gestion des choses de l’Etat. Comment peut-on parler d’élection quand le régime maintient volontairement des cadres importants de notre pays dans des prisons infestes du nord et à l’exil hors de leur terre natale? Comment le peuple de l’ouest, qui est constamment attaqué, pillé et tué par les dozos du régime, peut-il participer à une quelconque élection ?

Non, le peuple digne de Côte d’Ivoire ne saurait s’associer à cette mascarade électorale qui vise à traduire en actes la politique de rattrapage du régime de M. Ouattara.

N.V.: Que pensez-vous de l’absence du Fpi, qui est le principal parti de l’opposition, à ces consultations électorales?

J.K.: Le Front populaire ivoirien est le principal parti en Côte d’Ivoire et non de l’opposition. Aucune élection, en dehors de celle qui a vu l’élection du président Gbagbo, n’est venue démontrer le contraire. Le Front populaire ivoirien a été exclu des dernières législatives par le régime en place qui a refusé d’appliquer la résolution 2062 de l’Onu. Simplement, parce que le régime est conscient de son impopularité et de son illégitimité.

N.V.: Le pouvoir soutient, malgré tout, que le Fpi est présent à travers certains indépendants.

J.K.: Peut-être que le régime s’est inventé des indépendants Fpi. Sinon le parti n’est ni de loin ni de près associé à cette mascarade électorale.

N.V.: La campagne est émaillée de violences. Qu’en dites-vous ?

J.K.: Le Rdr ne peut prospérer que dans la violence. C’est la violence qui caractérise ce parti. Et, par la violence, il pense réinventer la Côte d’Ivoire. Pour le Rdr, tout se fait et tout se gagne par la violence. A Koumassi, Treichville, Yopougon, Adjamé, Toulepleu, Man, Korhogo, Bondoukou, Abengourou, Tabou, Soubré, Oumé, partout en Côte d’Ivoire, le Rdr menace ses suiveurs. Ça fait pitié pour ce régime !

N.V.: Quel message lancez-vous aux militants de la Jfpi ?

J.K.: La Jeunesse du Front populaire ivoirien demande à toute la jeunesse de Côte d’Ivoire de s’abstenir de participer de quelque façon que ce soit à cette mascarade électorale. Que la jeunesse ivoirienne ne se rende pas complice de l’inhumation de la démocratie chèrement acquise par le président Laurent Gbagbo. Le 21 avril est considéré pour les démocrates ivoiriens comme une journée de deuil national. Chacun devra se vêtir en noir et rester à son domicile pour pleurer la démocratie. Celui qui n’appliquera pas les instructions de la direction du Fpi aura donné implicitement son accord au régime Ouattara de bafouer l’honneur et la dignité du président Gbagbo. Mieux la jeunesse doit refuser de donner un chèque en blanc au régime Ouattara pour institutionnaliser le mensonge et la torture comme mode de gestion des affaires de l’Etat. Jeune de Côte d’Ivoire, ne t’associe pas à ceux qui veulent la mort de la mère-patrie.

Interview réalisée par César Ebrokié