Leurs conditions de détention ? Un document confidentiel dit tout Une amnistie générale des prisonniers politiques sollicitée

 assoa-adou

Les conditions de détention des prisonniers pro-Gbagbo à la Maison d’arrêt d’Abidjan (Maca), en dépit des critiques et des interpellations des organisations de droits de l’homme, ne sont toujours pas meilleures. Un rapport confidentiel retraçant cette situation, sur la période juin et juillet, dresse une situation «particulièrement précaire et préoccupante». Si l’on s’en tient à ce document, réalisé par le Collectif desdits prisonniers, qui va jusqu’à tirer la sonnette d’alarme, et dont copie est parvenue à notre rédaction hier lundi 03 août 2015, il ressort d’emblée que 13% de l’ensemble de ces détenus, soit la cinquantaine sur les 391 concernés, sont de grands malades. Selon l’un des rédacteurs de ce rapport qui nous a joint au téléphone, il est question pour sa structure, non pas «d’accabler le pouvoir, mais d’interpeller les gouvernants sur la nécessité d’accorder aux prisonniers politiques un traitement décent et humain», surtout en considération avec les fonctions importantes que certains ont eu à occuper. «Ils sont au total 228 détenus à la Maca. Plusieurs de ces prisonniers politiques présentent de nombreuses pathologies comme l’insuffisance rénale, la tuberculose et l’hypertension artérielle etc. Parmi eux, il y a 5 handicapés dont l’ancien ministre Dogo Raphaël», relève-t-on dans le document. Puis d’insister que leur santé s’est détériorée du fait des conditions de détention qui sont «extrêmement difficiles», aussi bien pour les 228 détenus à la Maca que dans les prisons à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Notamment à «Bouaké, Séguéla, Boundiali, Man, Bouna et Katiola, Maison d’arrêt militaire d’Abidjan (Mama)», qui abritent 103 détenus et au Libéria où seraient en détention 8 pro-Gbagbo. Au titre des problèmes auxquels ils sont confrontés, le document évoque des repas quasi-insuffisants et indigestes (1 seul repas par jour), la promiscuité, l’insalubrité des lieux de détention avec pour conséquence des épidémies fréquentes dues aux maladies contagieuses telles que la tuberculose ou la gale, l’absence de soins de base, et l’inadaptation et l’inaccessibilité aux personnes présentant un handicap dont Dogo Raphaël. «Des fouilles ont été menées. Elles ont parfois été l’occasion de mettre les prisonniers nus sans égard, ni pour leur sexe, ni pour leurs rangs, à l’exemple des officiers supérieurs des ex-Fds, en prenant prétexte de rechercher de la drogue ou des objets interdits dans leurs parties intimes ou anales. Ce sont ces conditions drastiques de détention qui ont suscitées des mouvements de grève de la faim afin d’interpeller l’opinion sur leurs conditions de vie», mentionne ce rapport. Sur le cas spécifique des ministres Assoa Adou et Lida Kouakou et leur co-détenu Dogo Raphaël, le document revient sur leur arrestation. On y apprend que c’est sur «dénonciation calomnieuse d’un même accusateur répondant au nom de Metch, alias Commandant H» qu’ils ont été mis aux arrêts en décembre et janvier derniers. De l’accusateur, le rapport informe qu’il s’agit «d’un jeune homme se présentant volontiers comme le cerveau des attaques de Grabo qui souffre d’une instabilité mentale». Le collectif auteur du rapport, déplore qu’en dépit «de l’expertise médicale qui démontre l’instabilité mentale de l’accusateur, le sieur H est en liberté, en attendant d’éplucher de nouvelles victimes pro-Gbagbo, pendant que les anciens ministres, eux, croupissent à la Maca où ils vivent, comme leurs co-détenus, dans des conditions extrêmement difficiles et préoccupantes». Le collectif a sollicité du président Alassane Ouattara des instructions fermes pour des conditions de vie «humaines» des prisonniers politiques. Mais, bien au-delà, il dit attendre une mesure d’amnistie générale pour soulager les parents et proches des détenus pour les élections en octobre 2015. «Eu égard à la nécessité de réconcilier les Ivoiriens avant les échéances électorales d’octobre 2015, et à quelques mois de celles-ci, il serait souhaitable d’envisager une amnistie générale des prisonniers politiques dans les meilleurs délais. Le trop grand nombre de dossiers encore en instruction ou en cours de jugement appelle une solution d’apaisement dans ce sens», estime le collectif.

TRAORE Tié

Source : L’Inter N°5142 du Mardi 04 Août 2015