“C’est à chacun de créer les conditions de son émergence, l’Etat-providence est mort”

GUY-TRESSIA

Guy Tressia

(Ivoireactu.net) Après le printemps de la presse traditionnelle en 1990 en Côte d’Ivoire, nous voici au printemps des nouveaux médias avec la floraison des journaux en ligne. Et Guy Tressia, journaliste et infographiste, anciennement infographiste, puis responsable des journaux en ligne du groupe Le Réveil, éditeur de Le Nouveau Réveil et de Le Repère, Chef du service technique puis Coordonnateur du service politique du quotidien Le Mandat, Rédacteur en Chef central de Lebanco.net, infographiste au bihebdomadaire satirique L’Eléphant déchaîné, est le directeur de www.5minutesinfos.net, un journal en ligne qui défie déjà les records de ses prédécesseurs. Ivoireactu.net l’a rencontré pour vous. Interview.

Après avoir parcouru plusieurs rédactions, vous voilà avec 5minutesinfos.net. Décidément, vous êtes difficile à vivre ? Pourquoi donc ce « nomadisme » ?

Je voudrais, avant tout propos, dire merci à votre journal, ivoireactu.net, pour cette lucarne qu’il m’ouvre pour qu’enfin je puisse m’expliquer sur certains points de mon cursus professionnel. Je voudrais d’emblée dire que, pour ceux qui me connaissent, ceux avec qui j’ai travaillé, je ne suis pas difficile à vivre. Je suis facile de contact et de confiance. Seulement, j’ai une conception très aigue de l’honneur, de la morale et de l’éthique de mon métier. Je suis un peu puriste pour ne pas dire perfectionniste comme aime à m’appeler mon ami et frère Eddy Péhé, Directeur de Publication de Le Nouveau Réveil, avec qui j’ai eu à travailler dans plusieurs journaux. Le journalisme, pour moi, n’est pas un métier comme les autres. C’est un métier qui fait l’histoire et l’histoire ne doit pas être tronquée. Dès lors, le journaliste doit être intègre, probe et honnête. Quand je quitte un journal pour un autre, il y a deux cas, comme dirait l’autre. Soit je démissionne par la clause de conscience, soit on me débauche avec de meilleures offres. Dans le milieu de la presse, presque tout le monde sait que je suis à la fois journaliste, depuis 1993, et infographiste, depuis 2000. Aujourd’hui, je suis à L’Eléphant déchaîné qui m’a débauché en tant qu’infographiste de Le Mandat où j’étais à la fois chef du service Technique et coordonnateur du service politique. J’ai accepté de travailler à L’Eléphant déchaîné, parce que le DG, Assalé Tiémoko, m’a fait confiance et me permet de continuer simultanément mon métier de journaliste dans des organes en ligne. C’est alors que j’ai accepté de diriger la Rédaction en Chef de Lebanco.net, pendant près de 2ans, d’où je suis parti avec la clause de conscience. La ligne éditoriale a été dévoyée par le fondateur, dans la crise qui a secoué le PDCI-RDA. Avec cette expérience et celle en tant que Responsable des journaux en ligne du groupe Le Réveil (Le Nouveau Réveil), et le chef de l’Etat, Alassane Ouattara qui prône l’auto-emploi, j’ai décidé de créer mon propre journal en ligne : 5minutesinfos.net. Ce n’est donc pas un nomadisme fortuit, mais imposé par ma compétence et mon évolution dans le métier. Je suis à la fois rédacteur, correcteur, commercial et infographiste. Des confrères disent que je suis presque complet (rire). Mais moi, je dis que je suis un éternel apprenant. Je me forme tous les jours pour guérir mes petits handicaps (rire).

Quelle est la ligne, la personnalité de 5minutesinfos.net ?

5minutesinfos.net ? Je dirais que c’est un journal indépendant, totalement indépendant. Nous sommes deux, mon associé et moi, qui l’avons créé. En fait, c’est mon associé qui est venu vers moi pour me proposer sa création. Il est expert en TIC, il construit des sites et moi, je suis journaliste avec une expérience de près de 20 ans, dans plus de 15 journaux avec presque tous les postes de responsabilités occupés. Nous avons donc mis nos compétences en commun pour créer ce journal. Donc, je suis le seul garant du contenu du journal, lui s’occupe du côté technique web. Pour donner plus de coffre à ma rédaction, j’ai sollicité le concours de mes amis comme Hervé Makré qui a été Directeur de publication de L’Eléphant déchaîné. Je voudrais, par votre canal, adresser mes sincères remerciements à Assalé Tiémoko qui a demandé, sans être actionnaire à mon journal, à ses collaborateurs de L’Eléphant déchaîné de m’accompagner en me donnant des articles qui ne répondent pas à la ligne de son journal, mais qui, en plus passe un encart gratuitement pour que ses lecteurs lisent aussi 5minutesinfos.net. Il y a aussi des amis des autres journaux de tous les bords qui m’envoient des articles sans réclamer quoi que ce soit. Ils ne me demandent que la liberté d’expression. Ce qui fait de notre journal, une plate-forme où tous les Ivoiriens se retrouvent et émettent librement leurs opinions. Finalement, nous nous positionnons comme un journal de bonne gouvernance. C’est pourquoi, nous passons gracieusement, des messages du Secrétariat national à la gouvernance et aux renforcements des capacités (SNGRC).

La plupart des journaux ivoiriens sont adossés à des partis politiques ou à des personnalités. Qui se cache derrière 5minutesinfos.net? Des gens pensent au Professeur Maurice Kakou Guikahué dont vous êtes très proche.

Rire. Alors là, ils ne connaissent pas le ministre Guikahué. Je suis comme un fils pour lui. Je me comporte comme l’aîné de ses enfants. J’ai appris à le connaître. Il est cardiologue et homme politique. Point-barre. Les affaires, ce n’est pas son dada. Il est le prototype des fonctionnaires sous Houphouët-Boigny. On est fonctionnaire ou homme d’affaire. Pas les deux à la fois. Il n’a su que 5minutesinfos.net existait, que 2 jours après la mise en ligne du journal quand je lui ai envoyé le lien par sms. Il m’a encouragé pour cette initiative d’auto-emploi qui cadre avec la politique du régime actuel. Il a apporté ses critiques pour l’amélioration du site. Et c’est tout. Si je suis proche de lui, c’est la confirmation de l’adage qui dit : « Qui se ressemblent, s’assemblent ». Nous avons la même icône : Houphouët-Boigny. Nous avons la même idéologie houphouétiste : Discipline, tolérance, dialogue, loyauté et paix. Sinon, Pr Guikahué n’a rien à voir avec mon journal. Encore moins avec mon Cabinet Conseil en Communication qui s’appelle Chieffia-Communication. On ne se retrouve qu’en tant que père et fils ou en tant que fils et petit-fils d’Houphouët-Boigny pour parler de l’avenir du PDCI-RDA, le seul héritage politique que le père fondateur de la Côte d’Ivoire moderne nous a tous légué. Cependant, je n’arrête pas de me demander pourquoi veut-on que de jeunes Ivoiriens ne soient pas assez entreprenants sans avoir un dossier ou un parrain politique ou financier ? Je trouve cela insultant.

Vos papiers sont très critiques vis-à-vis du pouvoir. N’êtes-vous pas un mercenaire encagoulé? Un journaliste en mission ? Pour qui ?

Alors là, vous y aller très fort. J’ai l’impression que vous me posez ces questions comme si personne ne connaissait mon passé récent depuis le printemps de la presse ivoiriennes. Je ne vends pas mon âme au diable. Dans le milieu sportif où je suis le plus connu, les confrères savent que je suis l’un des journalistes incorruptibles de la Côte d’Ivoire. Je ne cherche pas à gagner de l’argent, sinon j’aurais choisi un autre métier. Je veux faire le journalisme comme ça doit se faire. Le journalisme est un métier aux principes aussi noble que le métier. On parle d’éthique et de déontologie. Pour moi, ce ne sont pas de vains mots. Donc, si je dois être un mercenaire, je serai heureux de combattre pour la démocratie et aux côtés du peuple  pour qui je suis en mission et pour qui je travaille. Je n’ai de compte à rendre qu’à moi-même et au peuple qui me jugera si je le trahi dans son droit à l’information. Et le peuple a droit à la vérité, et la vérité fait le journaliste. Je ne suis donc pas un mercenaire encagoulé, mais je suis fier d’être un journaliste en mission qui travaille dans l’intérêt du peuple de Côte d’Ivoire. C’est en cela qu’on me voit toujours opposé aux gouvernants. Même si je me bats pour qu’un régime change et qu’un autre arrive au pouvoir avec mon concours, je me dresse contre lui dès l’instant qu’il commence à agir comme le précédent. C’est mon rôle de journaliste de critiquer et de dénoncer la malgouvernance. Même si mon père était Président de la République et qu’il se comportait en dictateur, je me comporterais comme Karl Max, fils de bourgeois qui a appelé les prolétaires du monde entier à unir leurs forces pour combattre la classe de son père, sa propre classe sociale, c’est-à-dire la bourgeoisie.

Vous avez défendu le PDCI puis le RHDP aux dernières élections Présidentielles puis pendant la crise postélectorale. Pourquoi ces critiques contre le régime que vous avez accompagné au pouvoir?

Oui, effectivement, j’ai soutenu le PDCI au premier tour de la Présidentielle de 2010. Et puis j’ai soutenu le candidat du RHDP, non seulement parce que mon Président Henri Konan Bédié l’avait demandé, mais pour toutes les tueries pendant 10 ans du FPI, les refondateurs qui narguaient le peuple avec des enrichissements illicites, des budgets de souveraineté qui galopaient pendant que rien n’était fait en matière de développement dans la partie gouvernementale de la crise, des sans emplois qui étaient plus fortunés que des travailleurs, la violence pour seul argument de discussion, je ne pouvais pas soutenir le régime de Laurent Gbagbo, bien qu’il soit un aîné de ma région qui a souffert le martyr pour rien. Allez à Gagnoa et vous constaterez vous-mêmes, de la route qui  y mène à la ville elle-même. On se demandait presque comme cet écrivain africain que se demandait « à quand la fin des indépendances », à quand la fin du régime de notre frère, de note fils pour que le développement arrive à nous?

Pour mes critiques contre le régime de Ouattara que j’ai accompagné au pouvoir, je réagis comme j’ai dit plus haut. Le comportement des nouveaux dirigeants ne diffère pas de ceux des refondateurs que nous avons combattus. Mégalomanie, gabegie, corruption à grande échelle, chômage à grande échelle, insécurité, torture, tueries, assassinat de journalistes, népotisme, favoritisme, les droits de l’Homme bafoués, enrichissements illicites, scandales financiers sont devenus plus criants que sous le régime qu’on a combattu. C’est une copie conforme, à quelques détails près, à celle des refondateurs sous Laurent Gbagbo. Et le Président Ouattara devrait du « haut de son balcon voir les souffrances du peuple », souffrances pour lesquelles il disait avoir des solutions. Un peuple qui a faim ne se reconnaît plus et rejette toujours son leader qui lui a promis le mieux-être et qui agit contrairement à ses promesses électorales. Je ne saurais donc être complice des souffrances du peuple, en tant que journaliste. C’est pourquoi, je me suis mis à dénoncer la malgouvernance et autres comportements qui ne sont pas dignes d’un régime que veut l’émergence en moins de 10 ans.

Ne croyez-vous donc pas à l’émergence de la Côte d’Ivoire en 2020 comme l’a annoncé le Président Alassane Ouattara ?

Non, pas avec ce qui se passe actuellement en Côte d’Ivoire. Toutefois, il  y a de bons espoirs avec les grands chantiers, si le comportement des dirigeants change. Au niveau des infrastructures, je peux  y croire. Ouattara a vraiment mis toute la Côte d’Ivoire en chantier. Pour moi, en 2020, c’est sans doute la fin de la mise en place des infrastructures adéquates pour aller à cette émergence. L’émergence en tant que telle dépendra de son successeur qui devra mettre l’accent sur les conditions de vie des Ivoiriens, puisque Ouattara n’arrive pas à jumeler la construction des infrastructures et les conditions de vie du peuple qui, de ce fait, ne ressent pas les effets bénéfiques du régime auquel il a mis ses espoirs. Les infrastructures seules ne suffisent pas. Cependant, les Ivoiriens doivent arrêter de pleurnicher sur leur sort personnel. Chacun doit œuvrer pour son émergence personnelle. L’Etat ne peut que mettre en place l’écosystème avec les infrastructures, créer les conditions pour son émergence économique d’ensemble. Et à chaque citoyen de se fondre dans ce moule pour tracer les sillons de son émergence personnelle. L’Etat-providence est mort depuis les années 90. Aujourd’hui, les relations entre le citoyen et l’Etat, c’est comme la poule et son propriétaire. Mettre la poule dans la cage, c’est l’affaire du propriétaire de la poule. Mais dès que la poule est dans la cage, ce n’est plus à son propriétaire de lui dire de tourner sa queue à gauche ou à droit.  L’émergence dont on parle, ce n’est pas l’anéantissement de la pauvreté. Sinon, on ne trouverait plus de pauvre dans les pays développés, ceux-là mêmes qui sont au-dessus de l’émergence.

Vous avez participé au 12ème Congrès du PDCI-RDA en tant que Secrétaire général de la sous-commission TIC. Est-ce en tant que militant ?

Non, pas en tant que militant, puisque je n’ai jamais pris une carte du PDCI. Mais en tant que sympathisant. J’ai été coopté par le Comité d’organisation pour apporter mon expertise en matière de stratégie de Communication par les TIC. Stratégie que j’ai mise à la disposition du ministre Maurice Kakou Guikahué et de la région du Goh pour faire élire Joachim Djédjé Bagnon sous la bannière du PDCI-RDA. J’ai été le responsable de la Cellule communication de sa direction de campagne dirigée par Guikahué. Ça a marché donc, en tant que Président du Comité d’organisation pratique, Guikahué a introduit pour la première fois cette sous-commission TIC dans l’organisation des Congrès du PDCI-RDA et m’a fait appel pour apporter ma modeste contribution à cette sous-commission. C’est tout. Il l’a même expliqué au cours de la grande réunion de présentation des plans stratégiques de chaque sous-commission au Comité d’Organisation pratique, à la Maison du PDCI-RDA, à Cocody.

Quel regard portez-vous sur l’après Congrès ?

Je n’ai vraiment pas de regard critique à porter sur l’après 12ème Congrès du PDCI-RDA. Pour moi, il s’est bien déroulé. Cependant, je pense que le Président Bédié est un grand homme politique. C’est à lui de gérer l’après Congrès. Et j’ai foi qu’il le réussira, une fois encore de maîtriser sa « maison ».

Revenons sur 5minutesinfos.net. Etes-vous satisfait des résultats de votre journal après bientôt 2 mois de mise en ligne ?

Oui. J’ai même dépassé mes objectifs. Là où je m’attendais à un peu plus de 15.000 visites pour le premier mois d’exercice (soit 500/jour), j’ai fini le mois d’octobre avec plus de 38.000 visites. Au moment de cette interview (ndlr : jeudi 21 novembre 2013), nous avons fait 40.000 visites (avant fin novembre) et les deux mois cumulé, nous sommes à 78.300 visites à 9  jours de la fin du mois de novembre. Je prévois le total des 2 premiers mois à 90.000 visites. Au niveau de facebook, il y a 1.320 internautes qui aiment 5minutesinfos.net. Et puis, plusieurs de nos articles sont repris par les journaux locaux de Côte d’Ivoire. C’est dire que les dirigeants de ce site donnent des informations crédibles et donc le journal est crédible. Je pense que je ne peux qu’être satisfait. Car, en  moins de 2 mois, nos résultats sont largement au-dessus de ceux de certains de nos confrères en ligne qui ont entre 1 et 2 ans de vie. Il  y en a qui n’ont même pas la moitié de notre résultat. Je voudrais donc remercier et féliciter les internautes qui ont adopté très rapidement 5minutesinfos.net. Nous leur promettons de mieux faire avec la version 2 de notre journal qui sera lancée bientôt. Il y aura plus de rubriques, plus de dynamisme avec la participation directe des lecteurs, mais surtout, nous garderons notre indépendance vis-à-vis des chapelles politiques et religieuses, qui nous donne ces résultats.

Interview réalisée par www.ivoireactu.net

NB: Le titre est de la rédaction