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Charles Blé Goudé

(L’intelligent d’Abidjan, 22 aout 2013) – Gnépo Dédi, frère ainé de Charles Blé Goudé est revenu à Abidjan après avoir participé aux différentes étapes de la tournée de Guillaume Soro à Gagnoa. Dans cette entretien, il fait le point de ses démarches pour obtenir la libération de son jeune frère. Il dit accepter les critiques de ses détracteurs mais affirme qu’il avance sur le chemin qu’il a choisi : les démarches auprès des autorités

Le Président de l’Assemblée nationale s’est rendu à Gagnoa le 15 août dernier. Il est allé plus loin en faisant l’étape de Kpogrobré, votre village. Que peut-on finalement retenir de son passage là-bas ?

Je suis très content de la visite du PAN. Contrairement aux rumeurs distillées, il n’y a rien eu de troublant. Partout où il est passé, la population est sortie. Que ce soit à Mama, à Gnaliépa ou à Guibéroua. On peut même comparer cette visite à la visite du Président de la République dans le nord. La région de Gagnoa de façon disciplinée a attendu le PAN et il est venu, il a parlé, il a dit ce qu’il pouvait dire et nous en sommes satisfaits. Il a demandé pardon et il a dit de demander pardon. Mais je retiens qu’il a demandé pardon. Voilà ce qui s’est passé et j’en suis fier.

Pour le cas spécifique de votre frère, est-ce qu’aujourd’hui après la visite de Guillaume Soro, vous pouvez dire qu’il y a un espoir pour qu’il soit libéré ?

Il y a un espoir. Parce qu’on ne rend pas visite aux parents des prisonniers en vain.

Si Guillaume Soro s’est déplacé pour venir à Kpogrobré pour rendre visite aux parents de Blé Goudé, ça veut dire qu’il y a un espoir. La communication qui s’est passée a été très fluide, il n’y a pas eu de nuage. Des promesses oui ! Le frère est en prison et il sera libéré un jour. Peut-être même qu’il sera libéré ces jours-ci. Il l’a promis et il va le faire. C’est la deuxième personnalité de ce pays et je pense qu’il va respecter sa parole.

Est-ce que le fait que le n°2 du pays fasse des promesses est en soi un gage?

D’aucuns diront que c’est une promesse mais moi je dis que c’est un engagement et le peuple est témoin. A Kpogrobré, il n’y a pas que les bétés. Beaucoup d’ethnies y sont représentées et c’était comme s’il parlait à la Côte d’Ivoire donc si moi j’ai eu espoir, c’est que c’est la Côte d’Ivoire qui a eu espoir. Sur notre sol, nous n’avons pas besoin de prisonniers politiques. Nous sommes un peuple démocratique et résolument nous devons aller à la réconciliation et on doit libérer tout les prisonniers politiques. Qu’il soit n° 2 ou pas c’est une personnalité qui a pris un engagement. C’est ce qui est important.

Vu ce qui se passe et ce qui est reproché à Blé Goudé, si on se met à l’échelle de la Côte d’Ivoire, ce ne sont pas de simples délits, ce sont des crimes. Pensez-vous que sur la base d’une simple promesse votre frère va être libéré ?

Moi je dis que le problème est politique et c’est pour cela que je parle avec les autorités politiques. Ce sont les autorités politiques qui ont arrêté Charles. Il ne lui est pas reproché un délit de simple nature, sinon je serais allé contre le plaignant pour lui dire de retirer sa plainte. Mais aujourd’hui ce sont des autorités politiques, le problème sera donc résolu politiquement. Nous sommes en politique et je suis sûr qu’il sera libre. Le politique veut avancer, nous voulons avancer, nous ne pouvons pas créer des nids de palabre, nous devons aller vers la réconciliation nationale de façon totale. Vous ne pouvez pas avoir vos frères en prison et danser avec les autres. C’est impossible. Il y a de l’espoir et je retiens qu’il sera libre dans les meilleurs délais.

Est-ce que ce n’est pas un précédent que vous allez créer? Demain quelqu’un va être arrêté et il suffit que ses parents mènent des démarches pour obtenir sa libération ?

On ne souhaite même pas que la Côte d’Ivoire revienne dans ce genre de situation. Il faut totalement éviter cela à la Côte d’Ivoire. Un pays démocratique doit avancer et c’est de cela qu’il s’agit. On ne doit pas dire que comme son frère a plaidé c’est pour cela qu’on l’a libéré. Moi je ne suis pas dans les intrigues politiques et je n’ai pas une caution politique parce que je ne gère pas un parti politique. Mais j’ai la caution de la famille. Je suis le Directeur de cabinet d’une famille. Et au nom de la famille, on fait des démarches vers le politique pour qu’il nous écoute et c’est de cela qu’il s’agit. Et il ne faut pas défier les autorités. Je suis contre cela. Et je ne suis pas pour ceux qui le font.

Que voulez-vous dire par ‘’défier l’autorité’’ ?

Il y en a qui me disent pourquoi vous n’avez pas empêché Soro de rentrer dans votre village ? Pourquoi vous n’avez pas mis les jeunes dans les rues pour qu’on libère votre frère ? Moi je dis non. Ce sont des procédures que les gens utilisent le plus souvent avec les cautions d’autres pays. Quand vous avez la caution de multinationales, vous pouvez le faire. Mais nous, nous sommes une famille. Et nous sommes loin de tout cela.

Vous dites que c’est un problème politique mais à la visite de Soro on n’a pas vu le mouvement de votre frère, le Cojep à l’accueil de Soro. Comment interprétez-vous cela ?

C’est pour cela que je me suis levé. Il n’y a pas que le Cojep. Le Fpi qui est notre parti politique n’a pas soutenu Blé. Il faut que je le dise haut. Quand il est rentré dans ce pays on a dit qu’il a dealé avec les autorités. Les journaux bleus n’ont jamais mis la photo de Blé en dernière page, là où se trouvent les photos des prisonniers politiques.

Cela est chose faite maintenant !

Oui ! Ils l’ont fait parce que j’ai parlé. Quand ils m’ont appelé, j’ai dit que ce n’était pas normal. Ils ont, tous les pro-Gbagbo qui sont Fpi, tous ceux même qui sont allés en prison après Blé, ils avaient leurs photos sur les journaux. Le Cojep a été divisé. On ne sait pas qui est président et le mouvement ne s’est pas fait représenter. Il y a une petite guerre et tout cela c’est fait pour fragiliser Blé. Donc en tant que famille, nous devons dépasser tout cela et discuter avec les autorités et c’est ce que je fais. Je ne vois pas de mal à cela. Ce que vous devez retenir c’est que généralement en politique, on remplace le leader quand il n’est plus. Mais on ne peut pas remplacer un frère dans une famille. On ne peut pas remplacer un frère qui est détenu et qui peut même rester en prison.

Désormais qu’est-ce qu’il faut voir, qu’est-ce que vous allez faire en tant que famille après la visite du PAN ?

Ce que nous allons faire, c’est d’aller toujours vers les autorités pour qu’on puisse voir Blé, parce que nous ne le voyons pas. C’est d’aller vers les autorités pour que la Côte d’Ivoire puisse voir Blé Goudé. Il n’y a pas que la famille qui a besoin de lui, c’est toute la Côte d’Ivoire. Il faut qu’on le fasse sortir. Je ferai cette démarche et je suis sur qu’après la visite de Soro cela sera possible. Et ce n’est pas à Soro seul de prendre cette décision. Le Président de la République est concerné. Et il y a des choses qui se passent à ce niveau.

Voulez-vous dire qu’il a déjà fait le point au Président de la République ?

Oui, il l’a appelé pour lui dire qu’il a été bien reçu chez nous, on l’a bien accueilli. Il a parlé avec les parents de Blé, le fils de ce village qu’il connait depuis 1994. Ce sont des points qui nous donnent espoir. La deuxième étape, après la visite, c’est d’aller taper aux portes des autorités.

Vous avez dit que Blé et Soro étaient des amis que vous avez reçus à plusieurs reprises au village. Qu’est-ce qui a bien pu diviser vos frères ? Y a-t-il espoir qu’ils se remettent un jour ensemble ?

Les problèmes politiques, moi je ne les gère pas. Ce qui a divisé Blé et Soro, c’est un problème de choix, sinon ils sont toujours amis. Ils ne sont pas divisés, ils se parlaient. Je n’ai pas vu cette division. La preuve c’est qu’en 2007 Blé est parti à Gagnoa et il y a invité Soro en tant que 1er ministre. S’il y a une cause de division je ne sais pas, mais je ne pense pas qu’ils soient divisés.

Quel appel avez-vous à lancer à tous les groupes et mouvements qui luttent pour la libération de Blé Goudé ?

Moi je voudrais inviter toute la population, les partis politiques à s’impliquer davantage pour que la Côte d’Ivoire ait effectivement une image de pays démocratique. En démocratie, ce n’est pas la violence, ce n’est pas seulement la programmation des marches, il faut surtout avoir des discussions ouvertes avec les autorités. Et que les autorités à leur tour acceptent de discuter, qu’elles acceptent de libérer rapidement les prisonniers politiques, pour que nous allions résolument vers la réconciliation. Il faut pardonner ce qui s’est passé même si on ne peut pas oublier.

Il y a un jour pour faire les palabres et il y a un jour pour les régler. En Côte d’Ivoire, les ivoiriens n’ont pas besoin de se regarder en chiens de faïence. Dans les événements qu’il y a eus, Dieu a fait un choix. Certains sont morts.

Nos frères et nos amis sont morts et nous sommes restés en vie. Qu’est-ce que nous devons faire ?
Dieu nous a choisis pour que nous réglions certains problèmes, pour qu’effectivement, nous développions la Côte d’Ivoire et c’est de cela qu’il s’agit. Donc rassemblons-nous autour de ceux qui gouvernent pour le développement de notre pays.

Et ceux qui critiquent votre démarche ?

Les gens ne sont pas obligés de voir les choses de la même manière que moi. Il y a beaucoup de menaces, mais ce n’est pas important

Vous êtes menacé ?

Oui ils disent que je suis envoyé. Je ne suis pas envoyé, j’ai pris une décision et j’avance. Il y en a qui critiquent. Positivement comme négativement. Mais chacun a sa façon de voir, on est en démocratie et je suis pour les critiques.

Par S. Debailly