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« Henri Konan Bédié, Nzuéba, nous rassure dans son immaturité politique »

Par Tikishia T. Digbeu

Je pense sincèrement et franchement que les Ivoiriens veulent attendre un autre son de cloche depuis qu’ils ont compris que c’est l’ivoirité qui est à la base de tous leurs malheurs. Le cancer qui gangrène la vie politique de ce pays. Ce concept utilisé à mauvais escient a fait tellement de dégâts que nous ne voulons plus de ça. Il a fait plus de dix mille morts en Côte d’Ivoire et il revient de plus belle dans l’actualité ivoirienne, à quelques mois des échéances présidentielles de 2020.

Si les historiens, les politologues, les linguistes et autres intellectuels veulent créer un mot pour désigner l’ensemble des valeurs qui caractérisent les Ivoiriens, qu’ils fassent encore des recherches et retrouvent l’intitulé exacte qui pourrait apaiser les uns et les autres . Et surtout, qu’ils communiquent à fond sur ce concept de l’ivoirité en faisant de la pédagogie à nos populations qui comprennent souvent les choses de travers lorsque cela les arrange.

Nous sommes dans la mondialisation et sous les tropiques, comme toujours, on prend le train en retard. Dans les pays européens où nous vivons depuis des années, les uns et les autres ont compris que c’est la valeur intrinsèque de l’homme qui prime et non sa nationalité. Nous ne savons pas manier les termes dans nos pays en voie de développement et c’est nous qui voulons toujours montrer qui est qui ? Basta !

Nous voulons être des nationalistes alors que nous avons des très jeunes États. Et Dieu sait comment nos frontières ont été tracées à l’aide d’une équerre ? Mais là n’est pas le problème. Il faut vraiment passer à autre chose. L’ivoirité ne doit plus venir hanter les nuits de nos parents, nos enfants et nos frères et sœurs.

Les Ivoiriens appréhendent déjà les élections de 2020 avec l’histoire de « Soro le rebelle » qui a été poussé à la démission par son mentor. Et voilà que Nzuéba, vient encore ajouter son grain de sel. Bédié a, à mon sens, fait trop de mal à la politique ivoirienne et en changeant de camp au gré des saisons, il nous rassure dans son immaturité politique.

Je me souviens qu’en 1996, suite à une défaite des éléphants au stade Houphouët-Boigny, un journaliste ivoirien écrivait : « Bédié était au stade, le Malheur aussi ». A croire que cette phrase illustre à merveille le comportement de l’homme politique. Qu’est-ce qu’il porte la poisse partout où il fourre son nez ? J’ai juste l’impression qu’il n’a vraiment rien à foutre avec son peuple. Il dit et se dédit. Pour exemple, Bédié a écrit dans son livre « Les chemins de ma vie », que l’actuel Président de Côte d’Ivoire était Burkinabé. Il a même lancé un mandat d’arrêt international contre lui, le 29 novembre 1999. En 2011, ils se sont réconciliés pour gouverner ensemble. Aujourd’hui, il brandit encore le même chiffon pour manipuler les esprits de nombreux analphabètes politiques. Décidément, l’ivoirité colle à Bédié comme le sparadrap du capitaine Hadock. L’histoire retiendra que c’est sa marque déposée

Alors c’est bon ! Y’en a marre à la fin. Il peut exprimer son mécontentement autrement. Il y a des orpailleurs étrangers qui foutent la merde dans le Nord, un rattrapage ethnique criant dans le gouvernement actuel, le président Ouattara qui veut s’éterniser au pouvoir…. Et beh tout ça, il faut les dénoncer. C’est juste et normal. Ce que je reproche à l’ex président, c’est de toujours mettre l’ivoirité au devant des revendications.

Par ailleurs, je voudrais interpeller bruyamment les Ivoiriens de la diaspora, pour dire ceci : On a vu un Kényan gouverner l’Amérique tranquillement pendant huit ans, un Espagnol être Premier ministre de la France et même un Hongrois Président de la même France. Tiens, le maire d’une des plus vieilles villes d’Europe est « pak pak ». Ça n’a pas tué quelqu’un. Pour dire que notre pays étant un pays de brassage, il y a de fortes chances qu’on retrouve encore dans quelques années un Ivoiro-Marocain, un Franco-Ivoirien et que sais-je encore comme Président de la Côte d’Ivoire ? Donc, les termes comme l’ivoirité doivent être bannis de notre vocabulaire. Il faut inculquer aux Ivoiriens que la patrie est plus forte que la nationalité.

Dans le gouvernement d’Houphouët, il y avait des Béninois, des Maliens, des Burkinabés, des Nigériens, et même des Français ça n’a pas tué quelqu’un, mais ivoirité seulement là, ça fait plus de dix mille morts. Alors, arrêtons, arrêtez ! « On fait rien avec ça » ! Tikishia T. Digbeu pour Afriqu’Essor