Carles Puigdemont

Carles Puigdemont, Ex-Président de la Généralité de Catalogne

Sous le prétexte qu’elle est plus prospère que toutes les autres, qu’elle veut défendre ses droits, son identité, son histoire et sa culture, une région peut-elle tourner le dos au principe de la solidarité nationale et vouloir se constituer en un pays à part entière? Puigdemont soutient que la Catalogne est une nation depuis l’an 1359, donc bien avant l’adoption de la Constitution espagnole en 1978. Ce serait le dictateur Franco qui a dirigé de main de fer l’Espagne pendant près de 40 ans, qui l’aurait intégrée de force à l’Espagne. Rappelons que la dictature franquiste a même fait exécuter en 1940 Lluís Companys, à l’époque président (très indépendantiste) de la région de Catalogne depuis 1934. Franco est mort en 1975 à Madrid, laissant derrière lui des milliers de victimes reparties dans près de 1.000 charniers contenant des cadavres de personnes assassinées, fusillées, égorgées, poignardées ou enterrées vivantes.

Malgré cependant toutes les menaces du Gouvernement central de Madrid et divers appels à la retenue reçus de partout, Puigdemont a organisé un référendum le 01 octobre 2017 pour proclamer l’indépendance de sa région. Plus de 2.000 grosses sociétés (banques de renom, diverses industries ultra-modernes, grandes chaînes hôtelières, etc.), ont aussitôt plié bagages pour abandonner Barcelone, le chômage a explosé et le PIB de l’Espagne est entré au rouge avec une perte immédiate de près de 30 milliards d’euros. Barcelone pourrait également perdre une manne financière avec le refus de l’Agence Européenne du Médicament de s’y installer en abandonnant Londres pour cause du Brexit qui entrera en vigueur le 29 mars 2019 à minuit. En effet les tensions restent encore très vives en Catalogne.

Accusé alors de rébellion, sédition, malversation, recherché par les autorités espagnoles, voilà que Puigdemont se rend en catimini à Marseille par la route et peu après s’envole avec 5 membres de son Gouvernement local, pour la Belgique où il se réfugie à Bruxelles. Dans un premier temps, la nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre qu’il avait contracté un avocat et s’apprêtait à demander l’asile politique. C’est finalement lui-même qui convoquera la presse pour dire qu’il est à Bruxelles, capitale de l’Europe, pour mieux expliquer la crise catalane. Son objectif, comme il le dira lui-même, était ainsi d’internationaliser cette crise, de faire un lobbying actif auprès de la Communauté internationale pour l’emmener à mieux comprendre le désir d’indépendance des catalans et à les soutenir.

Puigdemont a ainsi appelé à la résistance pacifique quand le Gouvernement central a dissous le Gouvernement de la Catalogne en appliquant l’article 155 de la Constitution espagnole, récupéré toutes les compétences, mis aux arrêts et jeté en prison 10 hauts responsables indépendantistes (le vice-président catalan y compris), lancé un mandat d’arrêt international contre lui et convoqué des élections pour le 21 décembre 2017 en vue de mettre en place de nouvelles autorités locales à Barcelone.

En attendant, Puidgemont a marqué déjà d’importants points :

  • La justice belge lui a accordé une liberté conditionnelle au lieu de l’extrader en Espagne pour y être jugé. Il lui est cependant interdit de quitter le territoire belge sans autorisation expresse du juge, il doit avoir une adresse fixe et rester en permanence localisable, comparaître chaque 15 jours devant le juge. Le 17 novembre prochain il pourrait ainsi être situé sur son sort.
  • Il profite de l’espace que lui offre la presse internationale pour exposer ses thèses et annoncer qu’il sera candidat aux élections catalanes du 21 décembre 2017 parceque la loi électorale espagnole ne le lui interdit pas, même s’il est à l’étranger.
  • Malgré aussi les réticences de l’UE qui rejette toute idée d’indépendance régionale en Europe, le problème catalan s’est installé au parlement européen où des députés n’hésitent plus à donner ouvertement des avis favorables.
  • Depuis la Catalogne, 200 maires sécessionnistes catalans sont allés le soutenir et tenir un meeting avec lui à Bruxelles pour renforcer la sensibilisation de l’opinon publique en Europe et dans le monde.
  • En Belgique, les catalans ont reçu le soutien des partis séparatistes flamands et de personnalités politiques de premier plan qui ne leur cachent pas leur sympathie ni leur solidarité. Ainsi le président du PS et ancien Premier ministre Elio Di Rupo a dit combattre la politique de Carles Puigdemont, le président catalan destitué, mais a ajouté qu’il serait très choqué si la justice belge le mettait en prison, affirmant que « Puigdemont a abusé de sa position mais Rajoy s’est comporté en franquiste autoritaire ». Rappelons que Mariano Rajoy, l’actuel premier ministre espagnol, est originaire de la région de Galice, frontière avec le Portugal, comme le dictateur Franco et son parti le PP, parti populaire, droite conservatrice, a été fondé par Manuel Fraga, un ancien ministre de Franco. Elio Di Ruppo a proposé de « trouver le chemin d’une Espagne davantage fédérale ».
  • Pour l’actuel vice-Premier ministre N-VA et ministre belge de l’Intérieur Jan Jambon, nationaliste flamand, « l’Espagne est allée trop loin et l’Europe doit intervenir ».

Pour Jambon, l’Espagne a placé les lois nationales au-dessus de la Convention des droits de l’homme et d’autres lois, ajoutant « il y a la loi espagnole, mais il y a aussi le droit international, la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres choses. Et tout cela est au-dessus de la loi d’un État membre ».

Sacré Puigdemont, tient-il vraiment le bon bout pour ouvrir la voie à une réforme constitutionnelle qui approfondisse la décentralisation et mette fin aux velléités indépendantistes? Certains opposants affirment que le PP est spécialisé dans la dilatation pour laisser pourrir certaines situations et tenter de détourner les espagnols des graves affaires de corruption qui l’éclaboussent chaque jour. Plus de 40 milliards d’euros ont été détournés en 2017 et ce parti présenté par la justice espagnole comme une organisation criminelle, a des centaines de ses membres en prison parmi lesquels, l’ex-vice-président Rodrigo Rato, ex-directeur général du FMI.

Océane Yacé, Politologue, Monte-Carlo, Monaco