Dans les petits et vrais secrets du retour sécurisé de Marcel Gossio

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(L’Intelligence d’Abidjan, 18 – 19 janvier 2014) – Ses proches avaient été informés de son intention de rentrer au pays. Depuis longtemps, il se disait qu’il n’aurait pas dû partir. Mais pour sa survie, pour échapper à l’instant à la prison, lui qui fut parmi les pensionnaires du bunker, prit alors la résolution de partir. Tirant profit de sa générosité passée avec des tiers, profitant des instructions générales données par le chef de l’Etat Alassane Ouattara en vue de préserver la vie de toutes les personnes se trouvant autour de Laurent Gbagbo, dans le bunker, Marcel Gossio emprunta par mesure de précaution et par nécessité et contrainte, le chemin de l’exil.

Au commencent était l’exil après le bunker

Traqué par la justice, les comptes gelés, sous sanction de l’Union européenne, il décida de jouer le profil bas, et de s’éloigner de l’agitation politique permanente de son camp, avec les activistes de pro-Gbagbo de Lomé, Cotonou et Accra. Ils les entendaient dire qu’ils n’ont pas profité de Gbagbo, qu’ils n’ont rien eu, contrairement à d’autres, pour ne pas le vexer en le citant. Ils disaient que lui au moins, les écoutait et était avec eux. Il les entendait dire que la résistance, doit être financée, que l’exil est dur, qu’il fallait de grands moyens pour faire tomber Ouattara et libérer Laurent Gbagbo. Si les gens disaient cela devant lui, que diraient-ils alors dans son dos ? Marcel Gossio décida alors d’aller loin. A défaut de rallier la France et les USA, il mit le cap sur le Maroc avec les siens, sa proche famille. Tandis que ses amis politiques du Fpi et beaucoup d’acteurs socio-économiques qu’il avait aidés, l’abandonnaient et ne répondaient plus à ses coups de fil. Très vite, il entreprit les contacts et actionna ses réseaux pour rentrer dans son pays. Mais à l’époque, les esprits ne semblaient pas encore apaisés. Ses amis au Burkina Faso, au Niger et dans d’autres pays essayaient de plaider sa cause, au moment où les circonstances étaient défavorables (Lida, Abéhi, Séka-Séka, Blé Goudé arrêtés, mandats d’arrêt contre lui, contre Blé Goudé).

Ouattara l’appelait ‘‘l’autonome’’

Les menaces du glaive de la justice semblaient contrarier les plans de celui, que Ouattara avait surnommé “l’autonome”. Ouattara l’a ainsi appelé les deux fois, au moins qu’il l’a croisé en mission, alors qu’il était opposant. L’autonome, tout simplement en contraction, de Port autonome d’Abidjan, mais aussi parce que Marcel Gossio était vraiment un DG autonome et fort puissant. Au moins un chef de l’Etat de la sous-région est intervenu pour le retour de Marcel Gossio, mais entre cette demande marquée par un accord de principe, et le retour effectif du natif de Bloléquin, plus de deux ans sont passés. En plus de ce chef d’Etat, en plus des parents, amis et proches, et des doyens de la région du Cavally, quelques personnalités joueront une partition décisive pour garantir le retour sécurisé, auquel nous avons assisté dans la nuit du jeudi à vendredi dernier. Ce sont Ahoussou Jeannot, quand il était Premier ministre, ministre de la Justice, le ministre d’Etat Hamed Bakayoko, le Garde des Sceaux, Mamadou Gnénéma Coulibaly et la ministre Anne Ouloto qui, s’est personnellement impliquée dans le retour de son aîné et frère.

Le pouvoir tient parole

L’action conjuguée de ces personnalités et la haute vision du chef de l’Etat ont donc porté leur fruit: Marcel Gossio est rentré dans son pays. Et il a bénéficié d’un retour sécurisé : accueil dû à son rang de haut cadre, avec accès au salon ministériel. Présence certes d’Anne Ouloto en tant que sa sœur de l’Ouest, mais elle n’en est pas moins militante du Rdr, proche du chef de l’Etat et membre du gouvernement. Pas de poursuite judiciaire, pas d’arrestation pour Gossio. Les promesses de retour sécurisé au pays, faites par le gouvernement, ont donc été tenues, à la faveur du retour de Marcel Gossio. Dont le sort avait été évoqué publiquement par le chef de l’Etat, lorsqu’il recevait au palais présidentiel, les populations de l’Ouest.

Ce que Ouattara, Hamed Bakayoko, Gnénéma Coulibaly, Anne Ouloto lui ont promis…

Suivant les hautes instructions du chef de l’Etat et le processus général de réconciliation national, le ministre d’Etat, ministre de l’intérieur et de la Sécurité a pris les dispositions nécessaires pour faciliter le déplacement et l’entrée au pays de “l’autonome”. Les oiseaux de mauvais augure qui lui prédisaient un passage par la case “DST”, en ont eu pour leurs frais. De son côté, le Garde des Sceaux a veillé, à ce que la justice ne soit pas une entrave au retour de Marcel Gossio. C’est pour montrer d’ailleurs sa disponibilité et sa volonté de coopérer avec la justice et aider à la manifestation de la vérité, que l’ex-DG souhaite dès que possible rendre visite aux ministres de la Sécurité et de la Justice. L’engagement décisif et personnel d’Anne Ouloto dans ce retour avait été déjà évoqué dans les médias. Il n’est nul besoin de le rappeler en ces lignes. En contact téléphonique avec Marcel Gossio, ces personnalités ont tenu parole: le faire rentrer dans son pays, sans que le ciel lui tombe sur la tête. Le reste dépendra de lui, relativement à sa contribution annoncée, en faveur de la réconciliation nationale. Avoir déjà assumé et intégré l’action des autorités, à travers les remerciements adressés au Président Ouattara, au ministre d’Etat Hamed Bakayoko, et aux ministres Gnénéma et à Ouloto est déjà un bon signal, et un signe de la bonne foi du natif de Bloléquin.

Le FPI est totalement dans le coup…

Marcel Gossio est resté constamment en contact avec ses camarades de parti, aussi bien ceux demeurant en Côte d’Ivoire, que ceux qui sont en exil. A plusieurs reprises, il les a sondés et leur a fait part de son ardent désir de rentrer au pays. L’ex-DG du port n’a pas voulu faire de bébé dans le dos des uns et des autres. Il n’a pas voulu embarrasser ses amis, ses parents, ni les mettre devant le fait accompli. En cadre éminent de sa région, et en acteur économique et politique majeur, ayant été en contact direct et régulier avec Laurent Gbagbo et Simone Gbagbo, Marcel Gossio ne pouvait pas débarquer à Abidjan en catimini. Le Fpi a donc été tenu informé de ses démarches et intentions. C’est pourquoi, la présence de Michel Amani N’Guessan à l’aéroport se comprend. En principe, Marcel Gossio devrait rapidement prendre langue avec les responsables de son parti. Il est désormais dans la place.

Des pro-Gbagbo pas d’accord, des pro-Ouattara en colère…

“Ce sont ses propres amis et camarades de parti, qui vont le fatiguer. Le problème viendra de son camp et non de chez nous”, a confié un acteur majeur du retour de l’ex-DG du port en réponse à une question d’une autorité sur les garanties sécuritaires pouvant être accordées à Gossio. Pendant longtemps, dans le camp Gbagbo, l’ex-DG a été dissuadé dans son projet de retour. Il lui a été dit par téléphone, par mail, par SMS qu’à son retour il serait mis aux arrêts, qu’il irait à la DST. Mieux, d’autres lui disaient que rentrer au pays, serait une trahison. Selon des responsables gouvernementaux, Marcel Gossio n’échappera pas aux critiques des siens. Déjà hier, la polémique a commencé sur la Toile. Certains pro-Gbagbo (pour une fois isolés et fort minoritaires, car il semble que Marcel Gossio a bien coaché les activistes pro-Gbagbo du Net sur la question) dénoncent une trahison, un deal avec Alassane Ouattara et Hamed Bakayoko et ne cachent pas leurs mécontentements. Pourtant Émile Guiriéoulou, Hubert Oulaye, Augustin Comoé, Alain Dogou, Sylvanus Kla et d’autres frappent aux portes du retour. Il n’y a pas que les LMP qui sont en courroux. Des pro-Ouattara désapprouvent, en estimant que Marcel Gossio a volé, a armé des miliciens et devraient se retrouver à la Maca. Mais cette façon de voir reste marginale et peu forte aussi que les griefs contre Gossio, dans le camp Gbagbo. A l’avenir, l’homme qui compte agir pour la réconciliation, devra également affronter les obstacles pouvant se dresser sur son chemin, s’il entre dans l’arène politique, s’il maintenait ses visées sur la mairie de Port-Bouët, ou s’il comptait consolider le leadership LMP à l’Ouest du pays.

Sa résidence pas encore totalement déguerpie

La résidence du natif de Bloléquin n’a pas encore été totalement déguerpie encore moins réhabilitée. N’empêche que tout le monde jouera sa partition dans cette normalisation. Paul Koffi Koffi n’est donc pas en reste, avec ses éléments Frci. En principe, le ministre chargé de la Défense devrait accélérer et terminer le processus de libération de la résidence de Marcel Gossio. Pendant quelques jours, l’homme va squatter ailleurs. Dans les heures à venir, les derniers éléments Frci qui sont restés pour sécuriser la résidence, vont partir des lieux. Si l’agenda de Paul Koffi Koffi le lui permet, il devrait après le ministre d’Etat, Hamed Bakayoko et le Garde des Sceaux, Gnénéma Coulibaly recevoir Marcel Gossio, pour lui réitérer la bonne volonté du gouvernement, et son désir d’aller à une réconciliation totale et inclusive.

Un retour sécurisé : le fruit d’un long processus

Le retour de Marcel Gossio a été le fruit d’un long processus, et d’une volonté longtemps exprimée, mais souvent contrariée par plusieurs facteurs. Ce retour est interprété comme l’urgence de créer les conditions d’un retour de tous. Il révèle aussi qu’il faut un minimum d’audace, d’engagement personnel et de confiance. Sur la base donc des acquis gouvernement-Fpi, contenus dans les échanges au niveau gouvernemental, dans le dialogue républicain, et à la suite des échanges ; Ministère de l’Intérieur-Fpi, après les retours sécurisés de Djédjé Benjamin, Ernest Zabo, Ouattara Gnonzié, et d’autres peu connus, à la suite également de la liberté provisoire accordée presqu’à tous les civils, les cadres et exilés politiques, n’ont plus assez d’arguments pour justifier leur éloignement du pays. Affaire à suivre donc…

Charles Kouassi