Mgr Francesco Follo 13/12/2017 @Oss_romano

« Dimanche des Rameaux: une liturgie de la passion », c’est le titre de Mgr Francesco Follo qui médite sur les lectures de la messe du dimanche 25 mars 2018 (Dimanche des Rameaux et de la Passion du Seigneur – Année B – Is 50, 4-7; Ps 21; Ph 2, 6-11; Mc 14, 1-15, 47).

 

« Abaissement et exaltation: voici la clef pour comprendre le mystère pascal; voici la clef pour pénétrer le stupéfiant dessein de Dieu qui s’accomplit dans les événements de la Pâque », écrit l’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO à Paris.

« C’est l’amour du Père qui envoie le Fils sur la Croix, explique encore Mgr Follo. Il offre son Fils pour le salut du monde. En même temps, c’est l’amour du Fils qui ne « juge » pas le monde mais se sacrifie lui-même par amour envers le Père et pour le salut du monde. En se donnant lui-même au Père à travers le sacrifice de la croix, Jésus s’offre en même temps aussi au monde: à chaque personne et à l’humanité entière qui a besoin de miséricorde. »

1) Du bois des rameaux à celui de la Croix

Aujourd’hui commence la passion d’amour de Jésus Christ, notre Sauveur. Les rites du Dimanche des Rameaux nous invitent à participer à la joie du peuple hébreux qui assiste à l’entrée solennelle et festive de Jésus à Jérusalem:

  • les rameaux que la foule agite en signe de victoire.
  • les manteaux étendus à terre pour honorer le Messie qui entre à dos d’âne.
  • les hosannas festifs des enfants et du peuple.
  • la procession triomphale qui acclame Jésus Christ, Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

On s’identifie spontanément à cette foule festive, on s’unit aux chants, on participe à ce triomphe.

L’exaltation de la fête, malheureusement, dure très peu de temps et se transforme très rapidement en mort et en humiliation. Pour passer de la joie du triomphe des rameaux à la joie de la résurrection, le Christ doit passer à travers la dure expérience de la passion, de la croix et de la mort. C’est un parcours mystérieux, très difficile à comprendre humainement et la seconde lecture de la messe d’aujourd’hui en parle ainsi : « Le Christ Jésus, ayant la condition de Dieu, ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’est anéanti, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes. Reconnu homme à son aspect, il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, et la mort de la croix » (Ph 2, 6-8).

Dans l’austère liturgie du Vendredi Saint, nous écouterons à nouveau ces paroles qui continuent ainsi: « C’est pourquoi Dieu l’a exalté: il l’a doté du Nom qui est au dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus tout genou fléchisse au ciel, sur terre et aux enfers, et que toute langue proclame: « Jésus Christ est Seigneur » à la gloire de Dieu le Père » (Ph 2, 9-11).

Abaissement et exaltation: voici la clef pour comprendre le mystère pascal; voici la clef pour pénétrer le stupéfiant dessein de Dieu qui s’accomplit dans les événements de la Pâque.

La royauté du Christ s’exprime dans cet abaissement, dans ce dépouillement total, dans ce devenir serviteur et esclave en une très profonde et complète humiliation.

En effet la lecture de la passion du Christ met devant nos yeux les scènes terribles de la passion de Jésus: sa souffrance physique et morale, le baiser de Judas, l’abandon des disciples, le procès devant Pilate, les insultes et les railleries, la condamnation, le chemin de croix, la crucifixion. Enfin la souffrance la plus mystérieuse: « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné? » Un cri fort et puis la mort.

Pourquoi tout cela? Le début de la prière eucharistique nous donne la réponse: « Lui qui était sans péché accepta la passion pour nous pécheurs et, se livrant à une condamnation injuste, il porta le poids de nos péchés. Par sa mort, il effaça nos fautes et par sa résurrection il gagna pour nous le salut » ( Préface).

Voilà pourquoi la célébration « eucharistique », (« reconnaissante »), exprime notre reconnaissance et notre amour envers Celui qui s’est sacrifié pour nous, le Serviteur de Dieu qui, comme l’avait annoncé le prophète, n’a pas opposé de résistance, n’a pas reculé, a présenté son dos aux flagellateurs, n’a pas détourné son visage devant les insultes et les crachats (Cf Is 50, 4-7).

Si d’un côté toute l’histoire (celle de l’humanité, celle de l’Église et celle de chacun d’entre nous) est marquée définitivement par la passion d’amour que le Fils de Dieu a souffert et offert pour nous, d’un autre coté, nous sommes appelés à proclamer aussi la gloire de Dieu le Père et son infinie miséricorde. Immergés dans la mort et dans la croix, attirés par le crucifix, nous pouvons être vraiment participants:

  • de sa glorieuse résurrection qui a vaincu le pouvoir de la mort et nous donne la vie pour toujours;
  • de sa royauté qui utilise le pouvoir de l’Amour, qui sait tirer le bien du mal, attendrir un cœur endurci et allumer l’espérance dans le noir le plus profond;
  • de son sacerdoce, qui le fait se tenir devant le Père à bras ouverts pour le servir dans la louange et servir son amour des hommes.

2) Le don passionné de soi du Christ

Je pense qu’il est juste d’affirmer que pour l’évangéliste Marc, le fil rouge du récit de la passion, lu aujourd’hui, est la prière de Jésus à son Père. C’est une prière qui exprime une sorte de déchirement intérieur mais, au delà de tout cela, il y a un élément stable: la conscience du propre rapport filial avec Dieu: « Père, Père ». C’est une conscience qui ne disparaît jamais même dans l’épreuve. Et c’est de là que naît l’imploration. « Père, tout est possible pour toi. Éloigne de moi cette coupe. » Si Dieu est Père et s’il peut tout, pourquoi ne le soustrait-il pas à l’épreuve? C’est la demande spontanée de l’homme et de l’homme-Jésus aussi. Mais après l’imploration, voici la confiance renouvelée, l’abandon sans réserve: « Cependant non pas ce que moi je veux, mais ce que toi tu veux ». Et si au début de l’épisode de Jésus dans le jardin des oliviers, on nous décrit un Jésus angoissé et apeuré, à la fin – après la prière – on nous décrit un Jésus qui a retrouvé la sérénité et la fermeté: « Levez-vous! Allons! Voici qu’il est proche celui qui me livre. » Le Père n’a pas soustrait Jésus à la croix mais l’a aidé à s’étendre dessus et à porter les fruits de la vie éternelle.

C’est l’amour du Père qui envoie le Fils sur la Croix. Il offre son Fils pour le salut du monde. En même temps, c’est l’amour du Fils qui ne « juge » pas le monde mais se sacrifie lui-même par amour envers le Père et pour le salut du monde. En se donnant lui-même au Père à travers le sacrifice de la croix, Jésus s’offre en même temps aussi au monde: à chaque personne et à l’humanité entière qui a besoin de miséricorde.

Terminons cette réflexion sur le dimanche des Rameaux en invitant à le vivre dans la louange, comme l’ont fait ceux qui ont accueilli Jésus à Jérusalem avec leurs « Hosannas », et dans la reconnaissance parce que lors de la Semaine Sainte, notre Seigneur et notre frère Jésus renouvellera le don le plus grand que l’on puisse imaginer: il nous donnera sa vie, son corps, son sang et son amour.

Répondons à ce don si grand en prenant exemple sur les Vierges Consacrées c’est à dire en donnant notre temps, notre prière, notre être et en nous donnant nous-mêmes en communion profonde d’amour avec le Christ qui souffre, meurt et ressuscite pour nous. Devant le Christ, étendons notre vie, notre personne dans une attitude de gratitude et d’adoration comme les vierges le jour de leur consécration. De cette façon nous imiterons aussi les habitants de Jérusalem qui étendirent leurs manteaux devant le Messie qui passait au milieu d’eux, accueillant l’invitation de Saint André Évêque de Crête: « Étendons-nous nous-mêmes humblement devant le Christ plutôt que les tuniques ou les branches inanimées et les rameaux verts qui réjouissent les yeux seulement pour quelques heures et sont destinés à perdre, avec la sève aussi, leur couleur verte. Étendons-nous nous-mêmes, revêtus de sa grâce, ou mieux, de tout lui-même … et prosternons-nous à ses pieds comme des tuniques étendues … pour pouvoir offrir au vainqueur de la mort, non plus de simples rameaux de palme mais des trophées de victoire. En agitant les rameaux spirituels de l’âme, nous aussi, tous les jours, avec les enfants, acclamons-le saintement: »Bénis soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël » (PG 97, 994).

Lecture patristique

  1. Guerric d’Igny (1075 – 1157)
    Sermons sur les Rameaux, 3,25

SC 202, 188-192 198-200

Bien des gens ont été stupéfaits du triomphe glorieux remporté par Jésus lorsqu’il fit son entrée à Jérusalem, alors que peu après il montra dans sa passion un visage sans gloire et humilié.

Si l’on considère en même temps la procession d’aujourd’hui et la passion, on voit Jésus, d’un côté sublime et glorieux, de l’autre humble et misérable. Car dans la procession il reçoit des honneurs royaux, et dans la passion on le voit châtié comme un bandit. Ici, la gloire et l’honneur l’environnent, là il n’a ni apparence ni beauté (cf. Is 53,2). Ici, c’est la joie des hommes et la fierté du peuple; là, c’est la honte des hommes et le mépris du peuple (cf. Ps 21,7). Ici, on l’acclame: Hosanna au fils de David. Béni soit le roi d’Israël qui vient (cf. Mc 11,10). Là, on hurle qu’il mérite la mort et on se moque de lui parce qu’il s’est fait roi d’Israël. Ici, on accourt vers lui avec des palmes; là, ils le soufflettent au visage avec leurs paumes, et l’on frappe sa tête à coups de roseau. Ici, on le comble d’éloges; là, il est rassasié d’injures. Ici, on se dispute pour joncher sa route avec le vêtement des autres; là, on le dépouille de ses propres vêtements. Ici, on le reçoit dans Jérusalem comme le roi juste et le Sauveur; là, il est chassé de Jérusalem comme un criminel et un imposteur. Ici, il est monté sur un âne, assailli d’hommages; là, il est pendu au bois de la croix, déchiré par les fouets, transpercé de plaies et abandonné par les siens. Si nous voulons, mes frères, suivre notre chef sans trébucher à travers la prospérité comme à travers l’adversité, contemplons-le mis en honneur dans cette procession, soum is aux outrages et aux souffrances dans sa passion, mais gardant une âme immuable dans un tel bouleversement. Seigneur Jésus, c’est toi, joie et salut de tous, que tous bénissent de leurs voeux, qu’ils te voient monté sur l’âne ou suspendu à la croix. Que tous puissent te voir régnant sur ton trône royal et te louent pour les siècles des siècles. A toi louange et honneur pour tous les siècles des siècles.

Et aussi

Saint Augustin d’Hippone (354 – 430)
Homélies sur l’évangile de saint Jean, 51, 2-4

CCL 36, 440-441.

La grande foule qui était venue pour la fête, apprenant que Jésus venait à Jérusalem, prit des branches de palmier et sortit à sa rencontre. Les gens criaient: Hosanna! Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur! Béni soit le roi d’Israël! (Jn 12,12-13) Les rameaux de palmier sont des louanges symbolisant la victoire que le Seigneur allait remporter sur la mort en mourant lui-même, et le triomphe qu’il allait obtenir sur le démon, prince de la mort, par le trophée de la croix. <>

Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël! Cette acclamation doit se comprendre plutôt en ce sens: « Béni soit celui qui vient au nom du Père », bien qu’on puisse aussi comprendre: celui qui vient en son propre nom, parce que lui-même aussi est Seigneur.

Mais ses paroles nous orientent plutôt vers le sens que nous proposons, car il a dit: Moi, je suis venu au nom du Père, et vous ne me recevez pas; si un autre vient en son propre nom, celui-là, vous le recevrez (Jn 5,43)! En effet, le Christ est le maître de l’humilité, lui qui s’est abaissé en devenant obéissant jusqu’à mourir, et à mourir sur une croix (Ph 2,8). Car il ne perd pas sa divinité lorsqu’il nous enseigne l’humilité. Par celle-là il est égal au Père, par celle-ci il est semblable à nous. Par le fait qu’il est égal au Père, il nous a créés pour que nous existions; par le fait qu’il nous est semblable, il nous a rachetés, pour que nous ne périssions pas.

La foule lui adressait donc ces louanges: Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur, le roi d’Israël! Quel supplice l’esprit envieux des chefs des Juifs pouvait-il supporter, quand toute cette foule acclamait le Christ comme son roi! Mais qu’est-ce que cela pouvait représenter pour le Seigneur, d’être le roi d’Israël? Quelle grandeur y avait-il pour le roi des siècles (1Tm 1,17) à devenir un roi pour les hommes? Car le Christ n’était pas roi d’Israël pour exiger l’impôt, pour armer des troupes ni pour terrasser visiblement des ennemis. Il est roi d’Israël pour gouverner des âmes, veiller à leurs intérêts éternels et conduire au Royaume des cieux ceux qui ont mis en lui leur foi, leur espérance, leur amour. Donc, si le Fils égal au Père, le Verbe par qui tout a été fait (Jn 1,3), a voulu être roi d’Israël, ce fut de sa part compassion et non promotion, une marque de miséricorde, non un accroissement de pouvoir. Car celui qui fut appelé sur terre le roi des Juifs, est dans les cieux le Seigneur des anges.

Jésus, trouvant w« petit âne, monta dessus. Il accomplissait ainsi l’Écriture: N’aie pas peur, fille de Sion. Voici ton roi qui vient, monté sur le petit d’un ânesse(Jn 12,15 Za 9,9). Cette fille de Sion, à laquelle sont adressées ces paroles inspirées, faisait partie de ces brebis qui écoutaient la voix du pasteur; elles étaient dans cette foule qui louait avec tant d’enthousiasme la venue du Seigneur, qui l’escortait par un tel cortège. C’est à elle qu’il a été dit: N’aie pas peur (Jn 12,15). Reconnais celui que tu acclames et ne tremble pas devant sa passion, car ce sang qui est répandu, c’est lui qui effacera ton péché et te rendra la vie.

Source: Zenit