« M. Ouattara achète des armes pour réussir à se maintenir au pouvoir »

 bah-soumalet

M. Bah-Soumalet est président de l’Alliance des Sociaux-Démocrates (ASD) et Conseiller Régional au Guemon dans le District des Montagnes (Côte d’ivoire). De passage au Royaume-Uni, il nous parle sans détour de son parti, de la Coalition Nationale pour le Changement (CNC) et des futures élections (présidentielles, législatives, régionales et municipales). 

Afriquessor.com : Nous savons que vous êtes membre du Conseil régional du Guémon, mais depuis presque trois ans vous êtes plus présent en Côte d’Ivoire qu’au Royaume-Uni. Auriez-vous transféré le siège de votre parti l’Alliance des sociaux-démocrates (ASD) à Abidjan ?

Bah-Soumalet : Nous avons une longue expérience de la politique en dehors des frontières ivoiriennes. Nous n’avons plus rien à prouver ici. Le temps est maintenant venu d’être sur le terrain. D’abord, en notre qualité de conseiller régional, il nous faut être proche de la population. Et pour votre information, et contrairement à certaines aventures du passe, l’ASD est créé en Côte d’Ivoire et le parti s’est doté d’un siège à Abidjan Yopougon. Et donc pour l’animation du parti, son organisation et son implantation sur toute l’étendue du territoire national, notre présence sur le terrain, en tant que premier responsable, est plus qu’une nécessité et une suite logique.

2015 est une année électorale en Côte d’Ivoire, votre parti présentera-t-il un candidat à la présidentielle d’octobre ?

Notre parti, l’Alliance des Sociaux-Démocrates sera en Convention au mois d’Août 2015. C’est donc cette Convention qui, conformément à nos textes, nous situera sur la présidentielle d’octobre 2015. Toutefois, retenez que nous irons à toutes les autres élections (régionales, législatives et communales).

L’ASD, parti politique de gauche, est membre d’une alliance avec un parti libéral, le LIDER du Prof. Mamadou Coulibaly, la 3ème Voie et de la Coalition Nationale pour le Changement (CNC) regroupant des dissidents du Parti démocratique de Côte d’Ivoire-RDA (PDCI-RDA, parti de droite). Est-ce par soucis de le faire connaître et pour son implantation que votre parti est-il présent dans la 3ème Voie et la CNC ?

Nous tenons d’abord à vous faire remarquer que l’ASD est un parti socialiste qui a rompu avec le socialisme révolutionnaire pour se positionner au centre-gauche. Cela dit, nous avons décidé à travers une Résolution votée unanimement lors de notre dernier congrès, de finir définitivement avec la politique politicienne où le politique s’occupe uniquement de ses affaires et de celles de ces camarades au lieu du peuple qui lui a donné mandat. Ainsi, cette résolution autorise et encourage la direction du parti à faire des alliances politiques en dépassant évidemment les bases idéologiques traditionnelles pour être ensemble face aux défis du moment. En effet, nous sommes sur la même longueur d’onde sur des questions relatives à la dissolution de la Commission électorale indépendante (CEI) qui dans sa composition actuelle est favorable au président de la République uniquement, a la sécurité nationale, a la libération des prisonniers politiques et évidemment a la réconciliation nationale.

En d’autres termes ces alliances pourraient être limitées dans le temps sur des objectifs précis, comme un programme commun de gouvernement, qui nous mèneront à une opposition constructive, responsable et très forte. Comparaison n’est certes pas raison mais le Gaullisme, en France, n’est pas une idéologie. C’est une doctrine politique inspirée par le général Charles de Gaulle, fondateur de la France Libre, de juin 1940 à janvier 1946. Donc dans la présente situation de crise de la Côte d’Ivoire, nous n’avons pas besoin d’être du même bord idéologique pour un regroupement. Les forces politiques sont appelées à se donner la main pour sauver notre pays. Le combat de la CNC s’inscrit dans cette perspective.

La CNC est également représentée dans la diaspora. Le Docteur Doumbia Major a reçu mandat pour organiser les Représentations de la Diaspora ivoirienne en Europe, en Amérique. En France et Aux États-Unis, des représentations de la CNC existent déjà. À Londres, les Représentants des partis politiques et des candidats déclarés membres de la coalition sont au charbon pour jeter les bases de la CNC-UK.

Sans l’Alliance des forces démocratiques (AFD) qui est représentée à la CEI et dont le Premier ministre Affi N’Guessan Pascal est le président (candidat à la prochaine présidentielle), que pèse la CNC face au président Ouattara ?

La CNC regroupe en ce moment 19 formations politiques et des candidats issus du PDCI-RDA. Plus de sept autres organisations sont en instance de ratifier la charte de la CNC. Notre objectif à la CNC est de regrouper le maximum de partis politiques de l’opposition. Un regroupement électoraliste qui doit être une force politique audible et capable de gagner au premier tour. Le Premier ministre Affi n’a pas adhéré à notre proposition de coalition. Contrairement à M. Affi, le président Abou Dramane Sangaré a compris comme nous la nécessité de se mettre ensemble pour combattre l’adversaire commun.

Les deux meetings que la CNC a organisés à la place Figayo de Yopougon et à la place In’chalah de Koumassi ont démontré aux yeux de tous que nous sommes une opposition très significative. Nous sommes sur le terrain et nous mobilisons à présent plus qu’une autre force politique dans le pays. Le succès du meeting du 27 juin 2015 à Koumassi, notre deuxième test de mobilisation, est un signal fort au pouvoir. D’ailleurs, aux lendemains de celui-ci, une forte délégation de la CNC a été reçue en audience par le ministre d’État, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité et le président de la République à lui-même annoncé qu’il dialoguera directement avec nous. Ces deux faits sont une preuve que la CNC n’est plus 1 + 1 = 0. Et nous n’allons pas nous arrêter à ces deux meetings. Des meetings sont en préparation pour Abobo et pour l’intérieur du pays. Et dans les prochains jours, nous organiserons un grand sit-in (renouvelable plus d’une fois) sur la Place de la République à Abidjan-Plateau.

Êtes-vous contre la candidature à la présidentielle d’octobre 2015 du Premier ministre Affi N’Guessan Pascal, président du FPI ?

Il n’est pas du ressort de la CNC de valider la candidature de tel ou tel. Dans tous les cas, M. Affi a certes boycotté le recensement de la population, mais il est curieusement en phase avec la CEI et il est un candidat déclaré. Bon mais il nous dira certainement comment il va s’y prendre.

Quelle est la position de l’ASD sur la Constitution et la CEI ?

Nous aimerions avant tout propos dire que demander le respect de la Constitution en rappelant l’article 35 de celle-ci n’a rien d’ivoiritaire. Les Accords de Linas Marcoussis prévoient la révision de la Constitution après les élections de 2010. Malheureusement, le président Ouattara n’a pas demandé la révision de l’article 35 qui présente pourtant une difficulté réelle. À l’ASD, nous proposons tout simplement au nom de la paix:

  • la dissolution de la CEI ;
  • un arrangement politique pour gérer le blocage issu de l’article 35 de la Constitution ;
  • l’amnistie des prisonniers politiques ;
  • la révision de la constitution au premier trimestre post-électoral. 

Pour nous une bonne élection transparente où le candidat perdant félicite le victorieux est à n’en point douter une garantie de la stabilité d’un pays. Et nous pensons que nos propositions concourront à faire éviter à notre pays une autre crise postélectorale avec tout son cortège de malheurs afin d’avoir pour la première fois dans notre pays une passation de charges entre un président sortant et un président élu.

La question de la sécurité ne se pose plus en Côte d’Ivoire à la vue des deux meetings de la CNC et avant des missions de certains cadres des partis membres à l’intérieur du pays. Quelle est votre lecture ?

Vous ne pouvez pas résumer la question de la sécurité à deux meetings à Abidjan et à quelques missions à l’intérieur du pays. Nous vous faisons remarquer qu’avec la menace terroriste, aujourd’hui, tous les leaders politiques de l’opposition sont sur écoute et les arrestations arbitraires des opposants continuent. Les services de renseignements généraux de la France ont fait état des armes que M. Ouattara achète pour réussir à se maintenir au pouvoir. L’ONU a maintenu et renforce son effectif en Côte d’Ivoire, tout ça pour dire que le problème de sécurité reste entier.

Interview réalisée par Gbamélè Wuissa