Lettre ouverte à Laurent Gbagbo pour présenter mes condoléances

Ivory Coast President Gbagbo prepares to meet Ivorian army officers at his residence in AbidjanCher frère,

J’ai beaucoup pensé à toi lorsque j’ai appris la triste nouvelle du décès de ta maman, notre maman.

Je connais les inquiétudes que tu avais au sujet des conditions de son exil forcé et en ce qui concerne sa santé. Mais, je sais surtout la grande affection que tu as toujours eue pour elle et l’amour qu’elle te portait.

La disparition d’une personne âgée a beau être une issue logique, les liens affectifs sont difficiles à rompre. Cela justifie de combien tu as de peine en ce moment. Cette peine t’est toute personnelle, certes. Mais, sache que nous sommes des milliers et des milliers qui la partageons avec toi. Car, de maman Marguerite, nous gardons en mémoire sa voix grave et conseillère, son humilité, son accueil toujours cordial. D’elle, nous gardons en mémoire l’image d’une grande dame, d’une mère au cœur meurtri par ta déportation et ton absence prolongée. D’elle, nous gardons en mémoire l’image d’une citoyenne digne et respectable qu’on a bafouée, maltraitée, suppliciée au seul motif qu’elle était ta mère, et alors qu’elle n’était pas impliquée dans la gestion de ton pouvoir.

Courage, cher frère. Courage pour surmonter cette autre dure épreuve qui t’est infligée, au moment où, pris en otage par la satrapie au pouvoir sur la terre de nos aïeux, tu es, iniquement et cyniquement, détenu dans la geôle de CPI, dans la pure
injustice de la justice.

Je sais, cher frère, que, en de telles circonstances, les mots sont dérisoires ; mais, avons-nous d’autres moyens que les mots pour exprimer les sentiments que la douleur déverse dans nos cœurs ? Avons-nous d’autres moyens que les mots pour crier notre ras-le-bol et notre rage contre ce régime à nous imposé par Alassane Ouattara, avec ses sbires et ses rebelles, pour notre malheur ?… Avons-nous d’autres moyens que les mots pour clamer notre désarroi face à ces malfrats que nous avons accueillis de bon cœur sur notre sol, à qui nous avons tout donné et qui, inopportunément, nous payent en monnaie de singe, en nous faisant souffrir et mourir bêtement et inutilement ?…

Cher frère, en tant que historien, tu sais que, en d’autres lieux, c’est une telle circonstance qui génère le changement de régime, en un mot la révolution, comme ce fut le cas à la mi-décembre 2010, en Tunisie.

En effet, les Ivoiriens doivent savoir que c’est suite à la mort de Mohamed Bouazizi, 26 ans, un marchand ambulant du quartier de Sidi Bouzid, qui s’est immolé par le feu, pour protester contre la confiscation de son outil de travail, que la révolution tunisienne a vu le jour. Quatre semaines de manifestations continues, s’étendant à tout le pays, malgré la répression et amplifiées par une grève générale, ont provoqué la fuite du président Ben Ali, vers l’Arabie saoudite, le 14 janvier 2011. Vivement que le même fait produise le même effet chez nous. Bref !

Cher frère, nous allons pleurer ta maman, notre maman comme il se doit, avec toutes les larmes de notre corps, en pensant à toi et en ne perdant pas de vue que les auteurs de notre malheur, notamment Soro Guillaume et Alassane Ouattara ne sont pas immortels, ni éternels. Et puis, nous les vrais fils de notre pays, nous sommes déterminés à prendre notre destin dans nos propres mains. Illico presto. Donc, crois-moi, cher frère, les choses vont changer, très très bientôt, chez nous. Et, rien ne sera plus comme ce qui est actuellement.

En tout cas, sois fort, cher frère. Même dans la douleur. Demeure l’homme digne que nous connaissions. Songe à toi, à ta santé. Elle sera d’utilité certaine pour
l’autre grande épreuve à venir le 4 novembre prochain.
Reçois, cher frère, mes plus sincères condoléances. Yako. Et que notre maman repose en paix.

Léandre Sahiri, Docteur ès lettres, Professeur, écrivain, militant pour les Droits et Libertés.

Léandre Sahiri, Docteur ès lettres, Professeur, écrivain, militant pour les Droits et Libertés.