Ce qu’ils proposent

fleuve

L’orpaillage clandestin constitut une grave menace écologique et environnementale, avec le rejet dans le fleuve Comoé et dans la nature des substances toxiques comme le mercure…
(Photo: M.A)

Des orpailleurs clandestins ont investi depuis quelques années les environs d’une quinzaine de villages des sous-préfectures de Duffrebo, Ettrokro et Daoukro, dans la région de l’Iffou. Ces localités, qui ont en partage le fleuve Comoé, subissent l’impact de l’exploitation anarchique de leurs sous-sol aurifère. Une situation qui a fait réagir les populations en marge d’une causerie-débat organisée à la chefferie d’Amoikonkro, village situé à 40 km de Daoukro, par le chef Nanan Amoikon. Les échanges et les interventions ont tourné autour du thème: ‘’Quel apport du fleuve Comoé dans le développement des sous-préfectures de Duffrebo, d’Ettrokro et de Daoukro ayant en partage le fleuve?’’. Ces sous-préfectures, qui comptaient dans la boucle du cacao d’alors, sont aujourd‘hui confrontées à la déforestation, la vente illicite des terres, sources de conflits récurrents, et à la mévente des productions agricoles. Il ressort des témoignages recueillis qu’à ce jour, les communautés fondent désormais leur espoir sur l’exploitation des potentialités du fleuve Comoé. Celle-ci est regardée comme une alternative pour combler ce manque à gagner. Cependant, cet espoir est en train de s’évanouir à cause du phénomène de terrain. Munis de machines, des allogènes s’installent et travaillent, de jour comme de nuit dans la Comoé. Une visite sur le pont Abla Pokou, situé à Amoikonkro, permet de s’imprégner de cette réalité. «Ces orpailleurs clandestins parcourent nuitamment le fleuve avec des machines pour exploiter les richesses dont il regorge», a dénoncé Nanan Adjé Allouko, chef du village d’Adjékro, au terme de la rencontre au cours de laquelle les villageois ont exprimé leur ras-le-bol face à la situation. Pour ce peuple Agni-Abbey, les activités, menées par ces orpailleurs, sont illégales du fait que leur installation se fait sans la permission des autorités administratives. De même que celle des chefs de terres. «Cette violation des us et coutumes tord le cou à la tradition et pourrait susciter la colère des ancêtres et attirer malheur sur les populations», fait remarquer Nanan Adjé. «Ils offensent les génies, et ils peuvent nous attirer malheur», pré- vient le représentant d’un chef de village, Kouadio Ehouman. D’autres sources indexent des ressortissants des pays comme le Ghana, le Togo et le Bénin qui s’enrichissent à travers cette activité au grand désarroi des autochtones qui broient du noir. «On sait que notre eau est riche en ressources minières. Mais, on ne sait pas la quantité de l’or exploitée. Ils sont seuls à en tirer profit», accusent-elles. De plus, ces communautés ont témoigné qu’elles subissent les conséquences écologiques et environnementales. Sur la question, le chef du village de Comoé-Ngoua, Nanan Akanda Kouassi, a relevé avec la confirmation des pêcheurs, que ‘’certaines espèces de poissons sont en voie de disparition’’ notamment ‘’le capitaine qui se fait rare dans les eaux du fleuve, du fait de cette pratique’’. Nanan Akanda Kouassi renchérira : « Nous mangeons du poisson pêché dans cette eau polluée, et nous en buvons ». Pis, l’usage des machines et des produits chimiques par ces orpailleurs clandestins pollue l’eau du fleuve et expose les populations à certaines maladies. « Nous souffrons très souvent de maladies hydriques et d’intoxication suite à la consommation de l’eau et des poissons pêchés dans le fleuve Comoé», ont révélé des jeunes d’Amoikonkro, ainsi que le chef de Kokonou, Nanan Tanoh. Ce fut l’occasion pour cette autorité traditionnelle de rappeler que la consommation très souvent de l’eau du fleuve s’impose aux villageois, lorsque les pompes tombent en panne. Outre l’orpaillage, l’activité de la pêche pratiquée par des pêcheurs allogènes issus des pays frontaliers ne rencontre pas non plus l’assentiment des populations de ces villages. Ces pêcheurs, venus d’ailleurs, sont accusés d’y exercer cette activité à l’insu des chefs de villages et des propriétaires terriens. Pis, ‘’en plus d’exploiter nos eaux, ils refusent de nous vendre une partie de leurs fruits de pêche pour notre consommation, mais plutôt aux mareyeuses, aux grossistes ‘’, a dénoncé Nanan Assoumou Kouakou, chef du village d’Amoriakro. Contrairement aux orpailleurs qui vivent dans la clandestinité que nous n’avons pu rencontrer, nous avons par contre échangé avec des pêcheurs allogènes qui s’inscrivent en faux contre ces accusations. Ils ont confié que c’est à cause de l’incapacité des autochtones à acheter leurs produits, qu’ils se tournent vers les mareyeuses et les grossistes. « La pêche n’est plus rentable depuis que les orpailleurs sont dans ces eaux. Nous ne pouvons pas vendre le poisson à bas prix car nous vivons de cette activité », ont expliqué ces pêcheurs. Au regard des enjeux et de la pauvreté grandissante, l’appropriation de ce secteur par les autochtones a été souhaitée par ces têtes couronnées dont Nanan Amoikon II. Ils ont souhaité la création d’une coopérative en vue de l’organisation de l’exploitation des potentialités du fleuve au profit des populations.

Marcelle AKA, Envoyée spéciale à Amoikonkro 

Source: L’Inter N°5103 du Mardi 16 Juin 2015