« Mon cursus politique et l’enseignement reçu au PDCI-RDA ne me permettent pas de m’accommoder avec les méthodes actuelles de gouvernance. »
— Pr. Maurice KAKOU GUIKAHUÉ, 15 mai 2025

Le pont a cédé : le professeur Maurice Kakou Guikahué quitte le navire Cheick Tidjane Thiam
Par Simplice Ongui
Le PDCI-RDA est-il en train de se désintégrer de l’intérieur ? À peine 48 heures après la réélection expéditive de Cheick Tidjane Thiam à la tête du parti, le professeur Maurice Kakou Guikahué, figure emblématique du vieux parti, a annoncé, ce 15 mai 2025, sa démission de son poste de Conseiller Politique du président du PDCI. L’événement, passé presque inaperçu dans les canaux officiels, est pourtant d’une portée politique majeure. Il marque une rupture nette, un signal fort, et surtout une dénonciation claire des méthodes opaques qui gangrènent désormais la gouvernance du parti septuagénaire.
Un désaveu direct, sobre mais cinglant
Dans un communiqué d’une précision chirurgicale, Guikahué ne laisse place à aucun doute : il ne se reconnaît ni dans les méthodes, ni dans le style de gouvernance de l’actuelle direction du parti. Sa plainte est limpide : il n’a jamais été consulté sur les décisions majeures, pas même sur la démission et la réélection éclaire de Thiam, apprises — ironie cruelle — par voie de presse.
Ce que dénonce le député de Gagnoa sous-préfecture, ce n’est pas seulement un problème de forme ou de protocole. C’est un mode de gestion concentré, vertical, verrouillé, qui piétine la culture du dialogue et de la collégialité qui faisait autrefois la force du PDCI-RDA. Il évoque même un congrès tenu “sans Président ni bureau”, une formule lourde de sens, qui renvoie à une improvisation institutionnelle où les textes sont bafoués et les formes sacrifiées.
Un leadership contesté, une base déboussolée : Thiam, en se faisant réélire sans résoudre la question de sa nationalité ni apaiser les tensions internes, semble diriger sans écouter, gouverner sans associer. La démission de Guikahué confirme que le malaise n’est plus souterrain. Il est frontal. Et il menace l’équilibre du parti à l’orée d’une présidentielle cruciale.
La fracture Thiam-Guikahué : une rupture symptomatique

Guikahué lâche Thiam : la fracture est consommée
En démissionnant avec dignité mais fermeté, Guikahué met en lumière la fracture grandissante entre les anciens piliers du parti et le projet politique incarné par Cheick Tidjane Thiam. Car derrière l’homme discret au verbe sobre, c’est toute une école politique qui parle celle du compagnonnage avec Houphouët, de la méthode collective, du respect des équilibres internes.
La nomination de Guikahué comme conseiller politique en janvier dernier était censée jouer un rôle d’équilibre, voire de caution auprès des militants traditionnels. Quatre mois plus tard, ce “pont” symbolique est rompu. Et cette rupture est d’autant plus grave qu’elle survient au moment précis où le leadership de Thiam est déjà contesté sur des bases juridiques, morales et politiques.
Un PDCI orphelin de ses repères
Cette nouvelle défection jette une lumière crue sur l’état d’instabilité avancé dans lequel se trouve le PDCI-RDA. Le congrès du 14 mai 2025, censé “restabiliser” le parti après la démission-surprise de Thiam, aura surtout confirmé un processus de verrouillage stratégique, où les décisions sont prises dans l’entre-soi, sans légitimité procédurale ni consultation élargie. Une sorte de reconduction monarchique, maquillée en réélection.
La décision de Guikahué, homme d’appareil mais aussi homme de principes, agit comme une alerte institutionnelle et une protestation morale. Car ce que révèle son départ, ce n’est pas seulement une crise de personnes. C’est une crise de méthode, de confiance et de légitimité.
Un signal d’alarme républicain : Loin du fracas des clashs politiques, Guikahué adresse un message fort : on ne gouverne pas un parti historique comme une entreprise privée. Sa parole est celle d’un homme qui a choisi la loyauté au PDCI contre l’obéissance aveugle au chef. Elle mérite d’être entendue. Avant qu’il ne soit trop tard.
Une perte politique pour Thiam, un avertissement pour le parti
Cheick Tidjane Thiam perd là un interlocuteur précieux, un lien avec la mémoire vive du parti, et un stabilisateur discret dans un environnement où la contestation gronde, y compris chez les militants de l’ombre. Mais plus encore, le PDCI perd une voix qui, en démissionnant sans claquer la porte du parti, rappelle que l’adhésion n’est pas synonyme d’aveuglement.
Guikahué reste militant, affirme-t-il, mais n’adhère plus aux pratiques imposées d’en haut. Et cela suffit à résumer l’impasse dans laquelle s’enfonce le PDCI : entre autorité imposée et confiance effondrée, le vieux parti dérive, sans boussole, sans débat, sans consensus.
Conclusion : un signal fort dans le silence complice
Dans une Côte d’Ivoire où le silence est souvent perçu comme prudence politique, la parole posée mais claire du Professeur Guikahué résonne comme un acte de courage. Elle marque un tournant dans ce que certains veulent maquiller en stabilité retrouvée. Non, le PDCI ne va pas mieux. Il perd ses piliers un à un, sous les applaudissements forcés et les congrès précipités.
Et l’histoire retiendra que celui qui fut secrétaire exécutif, puis député loyal, a choisi la vérité au lieu du confort. Ce n’est pas un repli. C’est un avertissement. Reste à savoir si le parti saura enfin l’entendre.
Simplice Ongui
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk
Déclaration du Prof Maurice KAKOU GUIKAHUÉ
DÉMISSION DE MES FONCTIONS DE CONSEILLER POLITIQUE DU PRÉSIDENT DU PDCI-RDA
De retour au pays ce 15 mai 2025, j’ai présenté ma démission de mon poste de Conseiller Politique au Président du PDCI-RDA; poste que j’occupais depuis le 17 janvier 2025 (décision n*86-2025/PP/CAB).
Dans les échanges avec le Président du Parti qui ont précédé ma nomination, nous avions mis l’accent sur la création de la confiance pour le rayonnement du Parti.
Malgré cette profession de foi, des décisions majeures sont régulièrement prises au sein du Parti sans que je ne sois associé, consulté, ou informé ; des décisions que je découvre dans la presse comme tout militant de base.
Les derniers développements de l’actualité politique dans notre Parti, notamment la démission du Président du Parti, en est un exemple.
Au cours de mon parcours politique, j’ai toujours assuré les missions qui m’ont été confiées avec loyauté et fidélité ; sans hypocrisie ni louvoiement.
De plus, mon cursus politique et l’enseignement reçu au PDCI-RDA ne me permettent pas de m’accommoder avec les méthodes actuelles de gouvernance telle que la tenue du 9ème congrès extraordinaire du 14 mai 2025, sans Président ni bureau du Congrès.
Aussi ai-je décidé de démissionner dès ce jour de mes fonctions de Conseiller Politique du Président du PDCI-RDA.
Je demeure un militant convaincu du PDCI-RDA et participerai, comme je l’ai toujours fait, aux combats pour sa survie ; le PDCI-RDA étant l’âme de la Côte d’Ivoire.
Fait à Abidjan, le 15 mai 2025.
Pr Maurice KAKOU GUIKAHUE.
Membre du Bureau Politique
Vice-président du PDCI-RDA.