Chaque fois que je commets l’erreur de quitter ma couche, de me lever et de mettre mon nez dehors, j’ai comme des picotements au cœur suivis d’intenses douleurs au bas ventre, la gorge nouée et mon acuité visuelle qui flanche.

Ce que je vois me désolé, ce que j’entends me déstabilise et ce que je subis m’anéantit à petit feu.

Dehors, les temps sont durs, la réalité, encore plus oppressive.

En cette matinée, le seul cri de détresse d’un enfant qui, pieds nus, l’uniforme scolaire désarticulé et la mine avachie, sa jeune mère, maigrichonne et maladive, tente de tirer du peu de force qui lui reste afin de le trainer à l’école. Une scène qui semble surnaturelle qui de suite m’assomme.

Des flaques d’eau ont pris d’assaut tout le voisinage au point d’y avoir élu domicile, transformant ces quartiers en milieux aquatiques permanents : “tchu-bu!!”, on s’en souviendra toute une vie ….

L’enfant, l’air vif, se braque et grommelle.

Il n’a cependant aucune envie d’être assimilé à Tom Sawyer, encore moins d’être comparé à Toto ou au p’tit corse Ducobu…

Il se produit un réel conflit en lui. Il me faut du courage pour soutenir la scène et observer la suite.  Ma compassion fait vite place à de l’admiration.

Le petit écolier tient à relever l’image d’un père anéanti par le sempiternel repas du jour à prévoir, d’une mère dont le souci est d’avoir à mettre une marmite sur le foyer de feu de bois….

Non, le petit Makosso crie sa douleur par des hurlements intempestifs qui ne sont autres que l’expression d’une foule de malaises mal vécus, difficiles à percevoir, à contenir et à comprendre.

Il se souvient, me lâche -t-il, sous ses larmes et cette morve d’agacement suspendue sur son visage, par télépathie peut-être, et au contact visuel et au seul battement des cils, que les salles de classe pléthoriques, la qualité des enseignements, les jeûnes improvisés et souvent imposés, conjugués à tous les maux du moment, ne le feront fléchir.

Mako, comme l’appellent tous ses camarades de Quartier Planche, tient à aller loin dans son parcours : devenir Président de la République…

Mais pourquoi diable un tel défi ? …. Pour aider tout le monde à changer nos objectifs, nos priorités, aussi vrai que le poisson comment sa putréfaction par sa tête. Oui, les aider tous à aimer la natte ou le ”twandu” au matelas- mousse ; d’aimer la communauté tout entière au seul clan; apprécier la simplicité à la luxure; préférer le partage que la solidarité feinte et teintée d’égoïsme et d’égocentrisme…

Malgré ses larmes et son agitation atténuée, l’enfant Makosso, pieds nus et presque dénudé sur son thorax, ravale ses larmes et se laisse trainer par sa jeune mère, tête haute, regaillardi et à jamais d’attaque pour le combat pour la vie. La vie d’un Nègre, d’un homme intègre, digne et respectable !

Fumu BIPE
dare_angel©february2020