De plus en plus l’on assiste à une recrudescence de propos à caractère xénophobe sur les réseaux sociaux et à travers les médias. Je me serais moins inquiété si le discours politique officiel ne s’y était pas imbibé. Je vais peut-être froisser nombre de nos concitoyens car l’habitude des ombres projetées sur les parois cosmétiques de la caverne des illusions, s’accommode difficilement avec des réalités qui les contredisent. Mon sentiment d’être à mon humble niveau responsable du destin de tous, mon devoir de responsabilité et de respectabilité morale et intellectuelle commandent que je m’insurge contre cette approche pernicieuse.

Voir un Henri Konan Bédié, l’une des icônes de notre société emboucher la trompète d’un humble citoyen analphabète des notions de nationalité et du fonctionnement d’un Etat, m’inquiète à plus d’un titre. Mais comme on le dit en pays mandingue lorsque l’on fait des reproches au chien pour son attitude vis à vis de l’os, il ne faut pas manquer d’en faire à l’os. Car la tactique du repli identitaire n’est pas que l’apanage des seuls ivoiritaires avérés, les tenants du pouvoir de leur côté brandissent le spectre de l’ivoirité pour en appeler à un repli identitaire des populations du nord autour d’eux pour échapper aux représailles des ivoiritaires en cas de perte du pouvoir. Du coup, en vingt ans d’errements, nous n’avons pas avancé d’un iota puisque le discours politique gravite toujours autour de la fracture identitaire, les uns et les autres l’exploitant selon leur point de vue et leurs intérêts.

Pour revenir à ceux qui indexent les ressortissants du nord de la Côte d’Ivoire comme ceux-là même qui “braderaient la Côte d’Ivoire aux étrangers”, je vais être clair et appeler un chat un chat. Tout étant parti de la question foncière, je voudrais poser une question : est-ce les Nordistes qui vendent les terres à l’ouest aux Burkinabés ? Les Nordistes sont-ils les propriétaires fonciers qui bradent les terres agricoles aux étrangers dans le sud du pays ? En tout cas au nord ce problème ne se pose pas justement parce que là-bas l’on ne vend pas la terre à tout va. Il faut aussi noter qu’en raison des conditions favorables pour l’agriculture et de la floraison des activités économiques au sud, il y a une forte concentration d’étrangers contrairement au nord où il est d’ailleurs difficile à un étranger de se fondre dans la communauté. Toutefois je demeure un partisan de l’intégration des peuples en tant qu’humaniste, et je reste convaincu que la richesse de l’humanité réside dans le dialogue des différences, la diversité et le brassage.

Ce rappel fait, j’ai un simple message à l’endroit des politiciens et des exploitants de la question identitaire de tous les camps : Nous ne sommes plus intéressés par vos offres politiques axées sur les clivages socio-ethniques. Dites notamment à monsieur Bédié que nos préoccupations c’est le coût de la vie, la problématique de l’emploi, des libertés et de la démocratie ; nous sommes tués au quotidien par des chauffeurs qui n’ont d’autres breuvages que les sachets de liqueur frelatée (sécurité routière), il y’a la question des microbes, de la bonne gouvernance… Sur ces questions et bien d’autres nous attendons son offre. L’ivoirité de souche ou d’origine est d’un intérêt puéril pour nous. Nous sommes les enfants du Zouglou, nous chantons sur les belles sonorités du terroir bété, nous marchandons en dioula, nous parlons nouchi ce français typiquement ivoirien qui consacre le brassage de toutes nos langues maternelles. Nous nous marions sans distinction d’appartenance ethnique ou de degré d’ivoirité, nous célébrons tout simplement l’amour. Nos enfants n’ont pas d’ethnies, ils sont juste Ivoiriens, ils ont le même accent ivoirien et les mêmes aspirations pour la Côte d’ivoire. Ils aspirent à une vraie fraternité. Il n’y a plus de mets pour les Bétés, les Sénoufos, les Dioulas ou les Baoulés, nous avons les mêmes habitudes alimentaires et nos familles sont de tous les horizons de ce pays. Nous revendiquons notre statut d’Ivoiriens sans précision (Mamadou Koulibaly).

Mesdames et messieurs laissez ça et trouvez autre chose.

Personne ne vous fait vraiment plus confiance, l’on vous considère juste comme un mal nécessaire ; essayez donc d’être le moindre mal. Brahima YEO