Nanan Konney Ahoua Simon, chef du village de Modeste demeure dans sa fonction

L’Administration territoriale, garante de la cohésion au sein des populations, et prolongement de l’action gouvernementale, s’est parfaitement bien illustrée dans la circonscription administrative de Grand-Bassam. Alors que le Tribunal de la ville a pris ‘’une Ordonnance de référé’’ pour désigner un ‘’chef provisoire’’ en l’absence du Chef régulièrement nommé, l’Administration préfectorale l’a, tout simplement, annulée, à raison, dans un courrier dont nous avons reçu copie. Le village de Modeste, pour ainsi dire, restera sûrement un cas d’école en Côte d’Ivoire en matière de règlement des conflits à la notabilité.

Les conflits pour la gestion des villages en Côte d’Ivoire sont légion. Surtout dans le Sud du pays où le Chef du village est membre de la génération qui prend le pouvoir. Ici, chez le peuple Atchan (Ebrié), par exemple, la durée du mandat est de quinze ans. Il y a les générations ‘’Gnandô’’, ‘’Dougbô’’, ‘’Tchagba’’ et ‘’Blessouê’’, à l’intérieur desquelles on trouve des classes d’âge. Tout se passait bien jusqu’à une période récente où des conflits d’intérêts pécuniaires ont pris le pas sur la gestion harmonieuse des villages, surtout ceux situés à l’intérieur du Grand-Abidjan. C’est alors qu’on assiste à des dissidences, à l’intérieur même de la génération au pouvoir, entraînant bagarres rangées, avec des dégâts matériels et humains. Des membres de la génération, se disant exclus de la gestion du patrimoine foncier qui constitue l’essentiel de la richesse de la communauté, créent une fronde et ‘’destituent’’ le chef en place, pourtant en possession de son arrêté de nomination. Cela prospère parfois, hélas ! De procès au Tribunal à des réunions houleuses dans les villages, le clan du chef, s’il est en minorité, reste impuissant, et laisse les choses faire. Il en est de même chez les voisins N’Zima, Bétibé, Ehotilé, Attié, etc.

Konney Jonas est interdit de se prévaloir du titre de chef, fut-il ‘’provisoire’’

Alors que, selon des sources généralement bien informées, la nomination et la destitution d’un chef  de village, partout en Côte d’Ivoire, répond à des critères bien précis.  Avant de signer un Arrêté de nomination d’un Chef de village, le Préfet (ou Sous-préfet) commandite une enquête de moralité sur le prétendant, s’entretient avec les populations au cours de réunions publiques, avant de venir le lui remettre, au cours d’une cérémonie tout aussi publique dans le village. C’est ainsi que le Chef nommé obtient la légalité, et la légitimité de la communauté qu’il ‘’gouvernera’’ tout au long de son mandat. L’autorité coutumière ainsi installée a le devoir de protéger ses administrés de qui il tient sa légitimité, et de répondre d’eux devant l’Administration de qui il tient sa légalité.

Les mêmes sources renseignent que pour destituer un Chef de village, en plus de griefs que lui portent ses administrés, l’Administration territoriale, au terme d’une enquête, lui notifie les délits constitutifs de sa destitution. Ces délits sont, entre autres, l’adultère (usant de son pouvoir de chef, il cocufie des membres de la communauté), la mauvaise gestion financière (le chef utilise les fonds de la communauté à des fins personnelles), la mauvaise gestion de la cohésion, source de conflits dans la communauté (le chef rend des mauvais jugements entre membres de la communauté, en privilégiant les siens au détriment de la partie adverse, même si elle a raison), la prison (le chef, auteur d’un ou de plusieurs délits, est emprisonné, dégradant ainsi gravement l’image du village, et perdant par la même occasion son autorité), la démission et le décès. S’il n’est pas dans l’un ou tous ces cas de figure, sa destitution devient difficile à l’Administration.

C’est ainsi que, tenant compte de tout ce qui précède, Mme la Préfète de Grand-Bassam, en vertu de ses prérogatives, a, purement et simplement, annulé ‘’l’Ordonnance de référé N° 91 du 06/10/2020 rendue par le Tribunal de Grand Bassam’’. D’une part, le Chef du village de Modeste, détenteur de l’Arrêté n° 21P.GBM en date du 18 Décembre 2000, avait adressé un courrier au Préfet pour signaler son absence pour raisons de visite médicale hors du pays, dans lequel il a désigné son intérimaire, et d’autre part, le constat de son absence du territoire ivoirien par l’Huissier ne s’est fait que sur simples dénonciations calomnieuses de son requérant. Autrement dit, l’Huissier n’a mené aucune enquête. Sinon il aurait su que l’absence du chef ne pouvait être assimilée à une fuite. De même que le Juge du Tribunal de Grand-Bassam qui, se basant sur cet Exploit de l’Huissier, n’aurait jamais pris une telle Ordonnance. Lui non plus n’a mené aucune enquête de moralité sur le prétendant à la chefferie. Ce dernier, en effet, avec un faux certificat de notoriété sur lequel ne figuraient que cinq noms et prénoms de ses frères et sœurs, sur les quinze que compte la famille Konney, a eu un séjour carcéral dans la prison civile de Grand-Bassam suite à la vente illicite d’une grande partie du patrimoine foncier paternel avec ce faux document. N’étant, donc, pas de bonne moralité, il ne saurait prétendre à la chefferie du village. C’est cette grave erreur que l’Administration préfectorale vient de corriger.

’Eu égard à ce qui précède, Monsieur KONNEY Ahoua Simon, nommé Chef du village de Modeste, par Arrêté n° 21P.GBM en date du 18 Décembre 2000 demeure le Chef dudit village jusqu’à nouvel ordre’’, a écrit Mme la Préfète de Grand-Bassam dans le courrier adressé au ‘’chef provisoire’’, dont l’objet est: ‘Déclaration de nullité de l’acte portant votre nomination en qualité de chef provisoire de Modeste’’.

Laurent Nahounou
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