Le Sénégal a enregistré, le 2 mars 2020, son premier cas du Coronavirus dit COVID-19. Il a alors déployé une stratégie de riposte sanitaire régulièrement renforcée et qui a donné des résultats satisfaisants jusqu’ici. L’isolement rapide des contacts des cas détectés a permis de les prendre en charge très tôt au niveau médical et de couper la chaîne éventuelle de transmission du virus. L’expérience accumulée par le personnel médical et paramédical a permis de déployer de bons protocoles pour guérir les malades, et jusqu’à présent, avec l’aide de Dieu, aucune personne prise en charge n’est décédée du COVID-19.
La courbe de progression, publiée officiellement, est demeurée relativement plate, et les infléchissements notés dans la dernière semaine résultent essentiellement du rythme plus soutenu de tests sur une population confinée de suspects et de citoyens rapatriés d’autres pays. L’évolution exponentielle, prédite à tort par des modélisateurs qui ne se fondent que sur des hypothèses simplifiées à l’extrême, ne s’est donc pas produite. Et, si le Sénégal poursuit dans la même dynamique, publiée officiellement, le pays pourrait connaître un renversement de tendance d’ici dix jours au maximum, et connaître, par jour, un nombre plus élevé de personnes guéries que de nouveaux cas.
Le Sénégal serait alors partout célébré comme le premier pays africain à avoir maîtrisé la progression du virus et des pressions ne manqueraient pas de se faire pour adoucir les restrictions sur la mobilité des personnes et des moyens de transport. Les populations se retrouveraient elles-mêmes soulagées par la nouvelle situation et pourraient alors choisir de baisser la garde concernant les mesures de défense personnelle contre le virus.
Ce scénario idyllique en cache un autre. Que se passerait-il, s’il s’avérait que les cas dits communautaires étaient plus nombreux dans le réel ? C’est conscient de ce gros risque que le Professeur Seydi, aux premières lignes dans le traitement des malades du Coronavirus à l’hopital de Fann, a adressé un message d’alerte aux Sénégalais, en soulignant l’impossibilité de prendre en charge des milliers de malades si les cas devaient atteindre ce nombre. Ceci l’a conduit à envisager une possibilité de confinement total de la population, option écartée pour le moment au Sénégal.
Mais, il convient d’aller plus loin. Aujourd’hui, le système officiel n’a qu’une connaissance imparfaite de ce qui se passe dans les communautés. Qu’est-ce qui prouve que des personnes ne seraient pas porteuses du virus sans le savoir (les symptômes étant proches de la grippe ou du paludisme bien fréquents chez nous) ou sans vouloir se faire dépister (pour ne pas attirer l’attention)?
Statistiquement, il est possible de recommander, à défaut de pouvoir faire des tests de masse sur des dizaines et des centaines de milliers de personnes, de procéder à une enquête-ménages au niveau national, sur un échantillon représentatif pouvant atteindre 6000 ménages dans les 45 départements du pays, en commençant par les départements qui enregistrent des cas actuellement. L’échantillonnage serait effectué par des statisticiens de l’ANSD, mais les enquêtes (auprès des chefs de ménages, couplées avec de réels tests du virus sur une personne par ménage) seraient menées sous la direction du Ministère de la santé et mises en œuvre par les laboratoires officiellement choisies, en compagnie d’agents enquêteurs statisticiens, et d’agents de sécurité. L’IRESSEF du Professeur Mboup pourrait particulièrement aider dans l’exécution de cette opération de terrain. Les résultats de l’enquête serviraient à réviser la stratégie de riposte, afin de relever, avec précision, le défi de la transmission communautaire du virus.