Dr. Aïcha Yatabary

Nous vivons dans une société dominée par la violence. Les rapports de force. Certains font parler les armes et d’autres éjectent des salissures de leurs bouches malodorantes. Des déjections verbales et des impacts de balles. La force des muscles, les ramifications du réseau, pour faire plier l’adversaire. La violence morale existe aussi. La torture psychologique. Intégrer le réseau de la raison. Infiltrer tous les interstices de la cervelle d’une personne et faire voler en éclats toute notion d’amour-propre. Toute velléité de confiance en elle-même. L’espoir en l’avenir. Conquérir toute parcelle de volonté. L’annihiler.

Il existe également la violence de la lame de couteau contre un bout de chair sensible. La douleur de la plaie béante qui anesthésie à jamais. Connaissez-vous la violence d’un mariage dans lequel vos pères vous enchaînent pour l’appât du gain ? Alors, commence dès la nuit de noces, cette brûlure. La brûlure de l’homme qu’on n’aime pas contre soi. Une brûlure dont vous êtes sûre que jamais elle ne prendra fin.

Connaissez-vous la violence de la faim ? La force du sentiment de manque ? Manquer de nourriture. Manquer de confort, de réconfort. Manquer d’étoiles. Quand la banalité d’un quotidien en noir et blanc coupe les ailes de vos rêves.

Connaissez-vous le bruit des bombes quand elles sifflent près de votre toit, de vos oreilles ? Avez-vous déjà entendu un avion voler bas et larguer ses projections ayant pour mission de semer la mort ? Avez-vous déjà vu un missile de près ? Avez-vous déjà ressenti ce que ces hommes et ces femmes ressentent quand ils suffoquent dans la poussière soulevée par des obus ? Quand ils inspirent, connaissez-vous la violence de la douleur qui traverse leurs poumons ? Quand ils expirent, imaginez-vous la violence du souffle qui s’échappe de leur être ?

La violence est partout. Connaissez-vous la violence de la fille en minijupe et les seins à l’air, qui invite explicitement un homme qui ne lui a rien demandé à solliciter ses faveurs sexuelles ? Connaissez-vous, en retour, la violence de l’homme-animal qui agresse cette autre fille sexy parce qu’il n’a pas su faire la différence entre liberté et invitation au viol ?

Il y a aussi la violence qui sort de vous. Celle que vous finissez par enfanter. Celle que vous finissez par produire, à force d’être fécondé malgré vous par les influences négatives d‘un monde malade. Elle se manifeste de façon sournoise, sur nos organes vitaux, pour celle que l’on intériorise : c’est l’implosion. Ulcère, dépression, mal-être. Cette violence, quand elle n’est pas intériorisée, se reconnaît au mot de trop, au ton qui monte crescendo, à l’agressivité, jusqu’à éclater en conflit : c’est l’explosion.

Nous sommes emprisonnés par une société malade. Un univers de violence. En prendre conscience, refuser ces interférences sur notre pensée, c’est déjà faire un pas vers la liberté.