Héritages encombrants, futurs incertains : que veulent l’Afrique et la France ?
le 2 juillet 2025, à Paris, experts, acteurs politiques, membres de la société civile et loges maçonniques se réuniront autour du thème :
« France–Afrique : tourner la page, écrire ensemble l’avenir ».À l’heure où s’effacent les symboles de la Françafrique sans que les fondements d’une nouvelle ère ne soient encore assurés, cette conférence publique entend interroger les ruptures en cours, questionner les responsabilités partagées et explorer les voies possibles d’un partenariat rénové entre l’Afrique et la France. Mémoire, souveraineté, dignité et avenir partagé seront au cœur des échanges.
Par Simplice Ongui
Londres, 17 juin 2025 – Dans un contexte géopolitique en pleine mutation, où les relations historiques entre la France et les pays africains font l’objet de profondes remises en question, une conférence publique inédite s’invite au cœur de la capitale française pour explorer les contours d’un nouvel avenir partagé.
Le mercredi 2 juillet 2025, de 19h à 21h30, l’Hôtel du Grand Orient de France, situé au 16, rue Cadet, Paris 9e, accueillera une rencontre exceptionnelle intitulée :
« L’Afrique et la France à la croisée des chemins »
Cet événement, ouvert au public et aux membres de la franc-maçonnerie, se veut un moment de réflexion lucide et de dialogue ouvert sur l’avenir des relations entre la France et les nations africaines.
Un tournant historique à débattre
L’Afrique et la France n’ont jamais été autant interpellées par leur passé commun que dans ce moment de bascule géopolitique. Les récentes vagues de contestation populaire dans plusieurs pays d’Afrique francophone – du Sahel aux Grands Lacs – ont mis en lumière une exigence nouvelle : celle de rompre définitivement avec les logiques néocoloniales, les réseaux d’influence opaques et les relations déséquilibrées qui ont longtemps structuré la “Françafrique”. L’heure n’est plus aux demi-mesures. La jeunesse africaine appelle à des relations fondées sur la transparence, la réciprocité et la dignité.
De son côté, la France tente de redéfinir sa présence, dans un contexte de perte d’influence, de concurrence internationale accrue (Chine, Russie, Turquie, etc.) et de remise en cause de son rôle sur le continent. Les fermetures de bases militaires à Niamey, Bamako ou Ouagadougou, les discours plus autocritiques de certains responsables français, et les tentatives de partenariats « à hauteur d’hommes » marquent certes une évolution, mais restent encore loin des attentes populaires.
La conférence du 2 juillet interroge donc ce moment charnière, avec lucidité et ambition.
À travers trois questions centrales –
➤ Quelle présence pour la France demain ?
➤ Quelle souveraineté pour les nations africaines ?
➤ Quels partenariats équitables pour l’avenir ? –
les participants seront invités à dépasser les postures diplomatiques pour poser les vraies problématiques :
Qu’est-ce qu’une coopération décolonisée ?
Comment réconcilier mémoire, justice et stratégie ?
Quel rôle pour la société civile et les diasporas dans cette réinvention nécessaire ?
Plus qu’un débat sur les politiques, c’est une réflexion sur les valeurs communes à reconstruire : respect mutuel, solidarité, co-responsabilité et vision partagée. Cette conférence se veut donc non pas un procès du passé, mais un atelier d’avenir : un espace de parole libre où les voix africaines et françaises peuvent se rencontrer autrement – hors des chancelleries et au cœur de la cité.
Trois axes de réflexion au cœur des échanges
Quelle présence pour la France demain ?
Depuis les indépendances formelles des années 1960, la présence française en Afrique s’est souvent construite sur des bases ambivalentes : soutien militaire à certains régimes, contrôle de leviers économiques stratégiques, et influence culturelle via la francophonie. Cette présence, jadis jugée « naturelle », est aujourd’hui massivement contestée. Les bases militaires ferment, les ambassadeurs sont expulsés, et les opinions publiques réclament une souveraineté réelle.
La France peut-elle redevenir un partenaire parmi d’autres, sans prétention de tutelle ? Peut-elle écouter sans imposer, collaborer sans dominer, et assumer son histoire sans s’y enfermer ? Cette nouvelle présence ne sera crédible que si elle s’ancre dans la confiance, la transparence, et surtout la modestie. Il ne s’agit plus de rayonner, mais de coexister.
Quelle souveraineté pour les nations africaines ?
Le mot « souveraineté » est aujourd’hui au cœur des revendications africaines, qu’elles soient politiques, économiques, monétaires, ou culturelles. Mais quelle souveraineté dans un monde globalisé et interdépendant ? Les États africains, malgré leur droit internationalement reconnu, restent dépendants d’infrastructures coloniales, de systèmes financiers extérieurs (comme le franc CFA), de logiques sécuritaires dictées par d’autres.
Réaffirmer la souveraineté, c’est d’abord redéfinir les priorités locales, libérer les institutions des influences extérieures, et bâtir une économie endogène. Cela implique aussi de mieux coordonner les politiques africaines régionales, afin de peser collectivement sur la scène internationale. Dans ce contexte, le rôle des intellectuels, des femmes, des jeunes et des diasporas devient essentiel pour inventer une souveraineté populaire, participative et durable.
Quels partenariats équitables pour l’avenir ?
L’heure est venue de repenser les modèles de coopération. Pendant trop longtemps, les « aides » ont servi d’outils de dépendance, les entreprises étrangères ont profité de contrats léonins, et la parole africaine a été marginalisée dans les grandes décisions. Un partenariat équitable suppose des règles partagées, un respect réciproque, et des gains mutuels.
Les partenariats d’avenir devront se construire autour de projets concrets : éducation, transition énergétique, innovation technologique, gestion des ressources naturelles…, dans une logique de co-développement. La France, forte de son expérience, de ses diasporas dynamiques et de ses valeurs républicaines, peut jouer un rôle. Mais ce rôle ne peut être que celui d’un allié, et non d’un tuteur.
Un invité de marque au centre du débat : Jean-Marie Bockel
Figure emblématique du réformisme républicain et homme politique respecté à l’engagement constant, Jean-Marie Bockel a marqué les esprits dès 2008 en rompant avec les non-dits diplomatiques. Alors secrétaire d’État à la Coopération, il crée une onde de choc en déclarant dans Le Monde :
« La Françafrique est morte. »
Cette phrase, longtemps taboue au sein de la classe politique française, cristallisait alors une volonté affirmée de tourner la page d’un système d’influence opaque, basé sur des réseaux d’intérêts mutuels entre élites françaises et africaines. Mais cette déclaration visionnaire ne fut pas sans conséquence : il sera rapidement écarté de son poste, preuve que les résistances étaient encore vives à l’époque.
Dix-sept ans plus tard, fort de son expérience et porteur d’une parole libre, Jean-Marie Bockel revient avec une vision lucide et renouvelée. Il est aujourd’hui l’auteur du rapport présidentiel sur la redéfinition de la présence française en Afrique, mission qui lui a été confiée dans un contexte de rupture entre la France et plusieurs États du continent.
Son intervention à la conférence du 2 juillet 2025 se veut un moment fort de vérité et d’engagement :
- Il y dressera un bilan critique des décennies passées, sans complaisance,
- Il proposera des pistes concrètes pour construire une nouvelle relation, fondée sur le respect mutuel, la responsabilité partagée et l’écoute réciproque,
- Et il évoquera les défis qui attendent tant les dirigeants africains que les responsables français, dans un monde où la compétition des puissances et les aspirations populaires bousculent les équilibres anciens.
Jean-Marie Bockel ne se présente pas en donneur de leçons, mais en témoin engagé d’une transition historique. Sa parole, forgée à la croisée des réalités politiques, institutionnelles et humaines, apportera une hauteur de vue précieuse à ce débat stratégique.
Par ailleurs, Robert Bourgi, acteur-clé de l’ombre et témoin privilégié des relations franco-africaines durant plusieurs décennies, constitue une figure incontournable dès que l’on évoque la Françafrique. Son dernier ouvrage, qui revient sur ses liens étroits avec les présidents africains et les réseaux de la Ve République, pourrait nourrir le débat avec force.
Un témoin de l’ombre s’invite dans le débat : Robert Bourgi et les secrets de la Françafrique
Alors que Jean-Marie Bockel incarne la volonté politique de rompre avec les pratiques anciennes, Robert Bourgi, lui, incarne l’héritage assumé des réseaux françafricains. Juriste, avocat, et conseiller informel de plusieurs chefs d’État africains et français, il fut l’un des artisans les plus influents – et les plus controversés – de cette relation complexe mêlant pouvoir, intérêts et loyautés personnelles.
Dans son dernier ouvrage (“Ils savent que je sais tout” : Ma vie en Françafrique selon le livre, 25 septembre 2024), Robert Bourgi livre sans détour ses mémoires, où il revient sur ses missions discrètes, ses rapports avec Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, et ses conversations confidentielles avec des figures emblématiques du continent africain. Loin de se repentir, il assume un rôle de “facilitateur politique”, tout en livrant des révélations sur les coulisses d’une époque révolue… ou pas tout à fait.
La juxtaposition de ces deux figures – Jean-Marie Bockel et Robert Bourgi – symbolise le paradoxe d’une relation franco-africaine en transition : entre rupture affichée et héritages persistants. Leur vision respective illustre les tensions entre mémoire, influence, et refondation.
Même s’il n’est pas annoncé comme intervenant, le spectre de Robert Bourgi planera sur les débats, notamment à travers les questions du public ou les références aux pratiques du passé évoquées dans les échanges. Son livre pourrait d’ailleurs faire l’objet d’une table ronde future, tant les vérités qu’il expose interrogent les fondements mêmes des relations politiques entre Paris et ses anciennes colonies.
Une modération assurée par une voix forte du savoir africain : Niagalé Bagayoko
Spécialiste reconnue des questions de sécurité, de gouvernance et de réforme des institutions en Afrique, Niagalé Bagayoko apportera à cette conférence une rigueur intellectuelle et une expérience de terrain précieuse. Politologue de formation, elle est diplômée de Sciences Po Paris et docteure en science politique de l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Elle a également enseigné à l’Université de Cocody (Abidjan) et travaillé avec plusieurs organisations internationales sur les dynamiques sécuritaires africaines.
Depuis 2011, elle préside l’African Security Sector Network (ASSN), un réseau panafricain de chercheurs et praticiens engagés dans les réformes du secteur de la sécurité sur le continent. Sa voix indépendante, ancrée dans une double culture académique et africaine, en fait une interlocutrice respectée dans les cercles diplomatiques et universitaires.
Son approche critique et inclusive fera de cette soirée un véritable espace de débat pluriel, où les discours officiels seront mis à l’épreuve de la réalité et où les voix citoyennes, notamment celles des jeunes, des femmes et des membres de la diaspora, auront toute leur place.
Participation exceptionnelle du Grand Maître du GODF
La conférence sera honorée par la présence de Nicolas Penin, Grand Maître du Grand Orient de France, qui interviendra en ouverture pour rappeler l’importance de l’engagement citoyen, humaniste et fraternel dans la refondation des relations entre les peuples.
Informations pratiques :
Date : Mercredi 2 juillet 2025
Heure : 19h – 21h30
Lieu : Hôtel du Grand Orient de France, 16 rue Cadet, 75009 Paris
Entrée gratuite – Inscription obligatoire
Organisé par : Association des Loges
Une invitation à toutes les consciences citoyennes
Cette conférence s’adresse à tous les publics : chercheurs, responsables associatifs, étudiants, membres d’obédiences maçonniques, citoyens d’ici et d’ailleurs… Tous ceux qui souhaitent s’informer, questionner et imaginer ensemble un avenir post-Françafrique plus juste, plus libre et plus fraternel.
Réservez votre place dès maintenant.
Un nouveau dialogue est possible – et nécessaire.
Simplice Ongui
Directeur de Publication
Afriqu’Essor Magazine
osimgil@yahoo.co.uk