Mgr Antoine Kone

Monseigneur Antoine KONE, Evêque du Diocèse d’Odienné

(Nord-Sud) – L’évêque d’Odienné est en colère contre les faux pasteurs. Présidant samedi le cinquantenaire de la paroisse de Zouan-Hounien, Mgr Antoine Koné a, avec son franc-parler habituel, dénoncé les pratiques de ces personnes qu’il désigne comme des ‘’marchands du Temple’’. Nous vous proposons de larges extraits de son homélie.

(…) Depuis 50 ans, cette paroisse respire la gloire de Dieu quel que soit le nombre de chrétiens catholiques. C’est de cette habitation de Dieu en cette paroisse que nous devons nous réjouir, et rendre grâce à Dieu. Dieu nous habite, et notre réponse, c’est de lui offrir une hospitalité digne, en faisant de nos cœurs, de nos personnes, de nos familles des lieux saints, des temples parce que le baptême nous a rendus fils dans le Fils qui est le temple de Dieu par excellence.

Nous devons aller au-delà des apparences, si nous ne voulons pas ressembler à ces marchands du Temple qui, sans vergogne, ont transformé la maison de Dieu en une maison de trafic où le profit est le maître mot.

Alors, nous savons la sentence : le fouet de Dieu qui fait mal au corps et à l’esprit.

Oui, ces charlatans marchands du Temple ne sont-ils pas aujourd’hui dans la cité éburnéenne ? Tous ces prophètes, ces pasteurs et autres Bishop qui proposent la parole de Dieu comme un gadget et surtout comme une marchandise et qui n’arrêtent pas d’insulter Dieu en insultant le prochain chrétien feraient-ils autre chose que de profiter du Temple de Dieu qu’est Jésus pour assouvir leur appétit de gain ? La vérité libère. Et il faut avoir le courage de la dire pour être libéré par elle. Un chrétien qui insulte un autre chrétien par concurrence ne dit pas sa vraie identité. C’est un menteur, un marchand des choses sacrées. Le vrai chrétien ne pollue pas l’atmosphère de son entourage. Il n’abuse pas non plus, créant ici et là, églises et temples où l’on abuse de la naïveté des bonnes gens dont la piété est à fleur de peau. Nos concitoyens devraient s’en méfier. Mais comme beaucoup parmi nos concitoyens ont la démangeaison de la nouveauté, ils courent d’églises à temples et de temples à églises en quête du sensationnel et d’un vacarme qui leur font oublier quelque temps leurs problèmes que pourtant seule la confiance au Dieu de Jésus-Christ permet de résoudre. Oui, frères et sœurs, ne nous laissons pas abuser par des marchands de bonheur aux visages multiformes et aux paroles envoûtantes dans des églises où l’on a horreur de la Croix et du crucifix. Prions pour ceux qui sciemment et volontairement abusent de la crédulité populaire et de la foi des bonnes gens. Dieu ne saurait être là où l’on vend une parole qu’on lui attribue, alors que l’amour est loin du cœur du prédicateur. Les escrocs ne sont pas seulement dans les rues ou au détour d’un chemin ; ils sont parfois aussi dans nos églises et nos temples.

Oui, prenons garde de ne pas nous laisser séduire par l’extravagance qui rivalise d’ardeur avec la vanité chez certains hommes de Dieu.

Oui, les marchands du Temple sont de plus en plus nombreux. Et permettez que je fasse ici l’écho des dénominations par lesquelles ils sont identifiés par des gens abusés par leur duperie : leur savant appât attire nos populations flagellées par la pauvreté et la misère et qui cherchent solution à leur pauvreté et souffrances; les noms sont sans ambiguïté: Maman-saveur de Jésus, Maman-source de bonheur, Papa-ne souffrez plus, Papa-le succès est garanti …. Faudra-t-il dire, avec tout le respect que l’on doit aux personnes, qu’il n’y a là que des pièges à Gaou et à Gnata. Ceux qui se laissent prendre, se font littéralement “plumés“. Mais quel «homme de Dieu» mettrait à mal la cohésion sociale et continuerait à s’affubler du titre d’homme spirituel ?

Oui, en effet, combien de frères et sœurs n’ont-ils pas divorcé à cause de mauvaises interprétations de la parole de Dieu ? Que l’homme ne sépare pas ceux que Dieu a unis ! Aujourd’hui, par l’action néfaste d’une exégèse erronée de ces soit-disant hommes de Dieu, des membres d’une même famille ne s’adressent plus la parole, parce que tel ou tel membre de la famille aura été désigné un sorcier ou une sorcière.

La liberté de croire ne saurait être entravée. Mais devant les ravages constatés dans la société, serait-il déplacé de souhaiter que les autorités prennent leur responsabilité en protégeant les citoyens. Oui, l’heure est venue et c’est maintenant qu’il y aurait lieu d’engager des actions multiformes pour inviter à la vérité dans l’univers religieux éburnéen. Il est temps pour l’Eglise de se remettre en cause devant le pullulement des sectes. Il est temps que les pasteurs de l’Eglise enseignent avec autorité, l’autorité même de la parole de Dieu, plutôt que comme des scribes. L’Eglise catholique ne saurait s’encombrer de répétiteurs dont le cœur est loin de Dieu. L’âpreté au gain dans l’Eglise doit être étrangère aux serviteurs du Dieu de Jésus-Christ venu nous enrichir de sa pauvreté.

Oui, il faut sauver nos peuples des griffes des marchands du Temple. La prédication de la parole de Dieu ne saurait consister à dérouler des programmes alléchants de promesses de miracles en cascade qui finissent par faire de leurs adeptes, des superstitieux, candidats à la démence que l’on rencontre aux carrefours de nos rues avec un mégaphone à la main, en train de s’égosiller sous prétexte d’évangéliser, à la grande joie des badauds qui trouvent là le lieu de leur récréation. “Enlevez cela d’ici. Ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic“.

Mes frères, mes sœurs,

L’Eglise, au-delà du bâtiment où nous nous rassemblons pour les célébrations liturgiques, c’est nous-mêmes. Comme dit Saint-Pierre, nous devons être les pierres vivantes dont Dieu se sert pour bâtir son Eglise. Nous sommes le corps du Christ né de la Résurrection et c’est le baptême qui nous constitue tels. Aussi, tous les membres de cette Eglise qui ont reçu le même baptême sont tous enfants de Dieu. Ils sont égaux en dignité. Tous sont élus, saints, disciples et frères.

En contexte ecclésial africain, nous disons que tous ceux qui sont régénérés dans l’eau du baptême, constituent une seule et même famille, la famille de Dieu.

Oui, nous formons cette famille fondée par le Christ qui a pour modèle la famille trinitaire où les personnes trinitaires, le Père, le Fils et l’Esprit-Saint, bien qu’étant différentes, sont pourtant co-égales, co-toutes-puissantes et co-éternelles.

C’est donc la famille trinitaire où tout est communion et partage qui nous inspire les vertus de fraternité telles que l’attention à l’autre, la solidarité, la chaleur des relations, l’accueil, le dialogue et la confiance.

Cependant, se voulant être à l’image de la trinité sainte, l’Eglise est consciente que, comme famille de Dieu, elle est à bâtir en poussant ses membres à la conversion.

Elle devra être édifiée en excluant tout ethnocentrisme ou tout particularisme excessif, en prônant la réconciliation et une vraie communion entre les différentes ethnies, en favorisant la solidarité et le partage.

Non, l’Eglise-Famille-de-Dieu ne saurait se construire dans la haine et le rejet de l’autre parce que différent de nous.

Non, l’Eglise-Famille-de-Dieu ne saurait advenir si nous voyons en l’autre quelqu’un d’étrange, un ennemi dont il faut se débarrasser.

Dans le Christ, il n’y a plus de Juif ni Grec; il n’y a plus d’esclave ni d’homme libre ; il n’y a plus d’étranger ni d’autochtone ; il n’y a plus de Yacouba ni de Guéré ; il n’y a plus de Sénoufo ni de Malinké; il n’y a plus de Burkinabé ni de Malien ; il n’y a plus de Blanc ni de Noir. Il n’y a que le Christ qui est Tout en tous. Non, nous ne saurions nous laisser abuser par quelques piètres politiciens marchands d’illusions, abonnés au mensonge et au crime, manipulant avec dextérité la trompette du nationalisme étriqué, battant le tambour macabre du tribalisme et brandissant l’arme de la clanification ou de l’exclusion mortifère.

Oui, l’universalité de notre humanité voudrait que l’espace-terre appartienne à tous. Nous devons cultiver la fraternité universelle qui se veut une fraternité éclatée, une fraternité ouverte, une fraternité au-delà du sang, au-delà de l’ethnie, au-delà de la tribu, au-delà de la nation.

L’accueil de l’autre comme un don de Dieu, une chance à nous offerte est l’unique moyen pour nous de parvenir à la réconciliation vraie, loin de tout tapage médiatique.

Alors, chrétiens de Zouan-Hounien et par-delà toute la population de Zouan-Hounien, êtes-vous prêts à prendre ce train de la fraternité ?

Ce train où personne n’est exclu ?

Ce train où chacun est accueilli et célébré comme un frère, une soeur ?

Ce train où Jésus-Christ, le Frère Universel est le conducteur ?

Chrétiens de Zouan-Hounien,

Etes-vous prêts à monter maintenant dans ce train qui nous destine au bonheur sans fin ?

Comme disent les jeunes, vous “m’enjaillez.“

Dieu vous bénisse et vous garde.

Lui qui est Père, Fils et Saint-Esprit.

Amen !

Fait à ZOUAN-HOUNIEN,

Samedi, le 09 novembre 2013

Monseigneur Antoine KONE, Evêque du Diocèse d’Odienné

NB: La titraille est de la Rédaction