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Fumu-BIPE,

Par Fumu BIPE

Le Congo Brazzaville a de nouveau échappé à des remous civils ces dernières semaines pendant que se tenait la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Une situation combien rocambolesque et qui a interpelé plus d’un; puis fait couler tant de salive, d’encre et de sueur froide dans certains milieux de l’ombre et en proie à des calculs à faire frémir, il faut également le souligner. On peut dire que les populations l’ont vraiment échappé belle. Mine de rien. Dire que rien n’est encore acquis !!

Les rumeurs vont bon train

Entre les complots ourdis en coulisses et les murmures de toute sorte qui s’activent et qui finissent par s’embrayer au grand jour sur tout le territoire, alimentés puis attisés par le coup d’éclat populaire spectaculaire survenu à Ouagadougou au Burkina Faso, puis celui quelque peu réitéré depuis l’autre rive du fleuve Kongo, au Congo-Kinshasa, il faut dire les Congolais de Brazzaville, pris dans l’émoi et la tourmente, ont véritablement effleuré la grande catastrophe, l’enlisement et l’escalade à la violence, au fratricide tant redouté. En effet, pour chaque fin de match joué par l’équipe nationale congolaise Les Diables Rouges pendant la CAN, la tendance était à celle des agitations. De cette façon, l’occasion devenait prétexte pour une bonne couche de la population locale, de passer aux voies des faits. Des individus déchainés, menaçants, brandissant poings et bâtons, torse nu et même certains parmi eux  déambulant sans pudeur en tenue d’Adam et Eve, scandant à la nuit tombée dans les grands artères des villes, un slogan bien étrange et assez révélateur retenu non sans cause : « … nkuba !! [1]» Puis intervenait immédiatement une seconde déclaration qu’on entendait être proférée sans détour et en boucle : « …Sassou va payer ![2] ».

L’engouement devenait surréaliste. Des individus saisis d’une étrange agressivité, se jetant dans les rues, roulant littéralement par terre, renversant huttes et abris de fortune, véhicules et tables des  marchés, cassant, brûlant tout sur leur passage lorsque ces foules quittaient les quelques points rendus publics et où ces individus avaient pour la circonstance eu à assister au match sur écran géant.

Que le score du match ait été nul, que les Diables Rouges aient perdu ou aient gagné le match, la réaction populaire dans la rue s’avérait être la même malgré une mobilisation massive des forces de l’ordre qui bien vite d’ailleurs, furent débordées dans le pays par une masse humaine déchainée et telle portée à la casse et au pillage. Exprimer une joie en cassant tout sur son passage, du jamais vu dans l’histoire du pays.

Tel l’arbre qui cache la forêt

Aussi, à défaut de se réjouir lors d’une victoire remportée ou des buts marqués, les congolais ont brillé par une attitude qui laisse perplexe ; ils s’employaient à casser à tous les coups. Une attitude combien étrange, pourtant loin d’être innocente, anodine ni réellement surprenante pour quiconque a conscience de ce qui, pendant ces derniers-temps, a fait la une de l’actualité.

Il est plausible que le problème est ailleurs, bien loin de la CAN, des matchs de football et des écrans géants supplantés ça et là dans les villes du pays.

Devant un déchainement populaire aussi inattendu qu’imprévisible, d’aucuns s’étaient de suite lancés dans des élucubrations de toute nature, se plaçant ainsi au-dessus des populations qui justement subissent de plein fouet les réalités sociales de tout temps tues ou étouffées par complaisance. Certains se sont de suite érigés en spécialistes et sociologues de fortune, donnant à ce phénomène un élan de dépravation tel un envoutement collectif qu’ils déplorent sous leurs airs cassants, méprisants et bien méprisables. Les uns critiquaient de suite et condamnaient fermement l’irruption populaire, les autres s’en étaient émus et se cantonnaient dans un silence religieux propre aux sacerdotaux chez qui nulle solution n’est à escompter.

Le médecin qui s’irrite et s’exclame devant l’état physique délabré et très préoccupant de son patient pendant que ce dernier est à l’article de la mort, manque visiblement de tout, d’abord d’un repère déontologique, de compassion, de bon sens mais surtout de maturité.

Là où les mots ne portent, les coups partent !

Des jeunes dans la rue qui cassent et saccagent tout, menaçant et s’agitant ? Gardez-vous de les assimiler à des vauriens ni de s’en référer à de la racaille !!!  A défaut de se précipiter dans la répression et menaces de tout temps, il y a lieu de prendre le problème à la racine. En effet, il convient pour un tel cas d’étude qui relève d’une sorte de pathologie, de faire une toute autre lecture, beaucoup plus  appropriée du message que cette foule en effervescence, composée non pas que des jeunes mais des mères, pères et toute autre personne de différente couche sociale, tente vainement de faire parvenir à qui de droit. On devrait se souvenir que la mer qui mugit ne redoute et ne recule devant rien. Les éléments de la nature qui se déchainent n’ont aucun palliatif sur le coup, aucun remède assuré pour une accalmie immédiate sinon que Chronos lui-même : le Temps au temps, avec un dispositif d’accompagnement : l’échange, le dialogue!

Pourquoi, de ce mugissement si évocateur, fallait-il s’en prendre de suite à la foule qui visiblement exprime dans ses propos et ses actes posés, un réel mal-être, un énorme malaise social qui semble perdurer et qui se trouve minimisé malgré son impact sur le bien-être d’un plus grand nombre? De par une telle attitude répressive, on viendrait à étouffer davantage et avec indélicatesse, tout ce qui a été exprimé dans les rues avec rage, conviction et détermination, malgré la méthode biaisée. Il s’agit-là d’une déviation de masse, un transfert d’intention de la part de la population, laquelle vise à dire ce qui, en temps normal, est de tout temps réprimandé. Ainsi le notait un éducateur français qui déclara :

« Là où les mots ne portent, les coups partent »

En effet, lorsque les populations sont muselées et le dialogue tronqué, l’échange qui en découle est un réel fiasco, un échec assuré, lequel suscite frustrations et réactions vives qui, bien entendu, en aboutissent à une escalade à la violence tel que dans le cas du phénomène Boko Haram  tristement connu et qui puise sa source dans les brimades des peuples du Nord du Nigeria par ceux du sud pour un pétrole confisqué, allant jusqu’à maintenir la région productrice dans le dénuement organisé, devenant une région appauvrie, asservie et intentionnellement ignorée. Loin d’encourager ce phénomène d’extrême barbarie mené par ce corpuscule d’extrémiste islamiste, il faille comprendre qu’à la base, il a d’abord et avant tout été question de brimade et de cruauté silencieuse. Il ya lieu de rappeler que de tout temps, toute action provoque une réaction puis une contre réaction, ainsi s’installe, telle en boule de neige, la spirale de la violence qui peut compromettre la quiétude d’un pays et décimer toute une sous-région.

Jusqu’à quand et à quel degré devrait-on encore laisser ces coups de mise en garde se produire sourdement dans les rues ? Quand faudra –t-il se réveiller, se lever et se résoudre à prendre à bras le corps ce qui justement cause la désolation, le désespoir et le désarroi d’un très grand nombre, lequel est capable de peser aisément sur la balance d’un pays ?

La question reste posée.

L’origine du terrorisme n’est que la conséquence des attitudes empreintes d’immaturité, d’irresponsabilité, d’égoïsme et de cruauté qui ne dit point son nom. Par la force des choses, les actions s’affichent, se succèdent et s’embrigadent au point d’exposer celui qui, par la hargne contenue, finit par exploser et poser des actes dont la violence amplifiée ne peut qu’émouvoir et susciter la révolte de l’opinion internationale, sa compassion et dont bien souvent la connaissance des détails de base sont tus, occultés ou de tout temps galvaudés.

Le terrorisme n’est généralement apprécié que de façon superficielle, une forme d’appréciation fondée sur un grand sentiment de partialité et grande injustice car motivé  par des a priori. Derrière un terroriste se trouve une personne frustrée, mise en souffrance, narguée et ignorée à jamais. Pour une telle âme anéantie, la devise reste la même et devient simple : advienne que pourra. On n’a plus rien à perdre !

On ne le dira jamais assez !


[1] La bastonnade assurée. Expression bantoue indiquant une menace de réprimande, d’humiliation à travers la bastonnade physique.

[2] Sous une note plus joviale, l’orchestre Zaïko Langa Langa chantait il y a quelques décennies un air musical qui enfiévrait les communautés des deux rives : ‘‘ on vient pour se défouler, se saouler ! On bouscule le barman, on casse les verres, on tape le patron et on va jusqu’à l’aube !’