C’est avec étonnement que nous avons découvert que le nom de Monsieur Guillaume Kigbafori Soro ne figure pas sur la dernière liste électorale rendue publique par la Commission Electorale Indépendante et transmise aux partis politiques ivoiriens le vendredi 31 juillet 2020.

En tant que Conseils de Monsieur Guillaume Kigbafori Soro, nous ne pouvons que nous insurger face au déni des droits de notre mandant.

Cette exclusion repose sur des fondements illégaux et inconstitutionnels et résulte d’une décision de justice rendue dans des circonstances contraires au droit international.

En effet, suite à une requête en date du 02 mars 2020, la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP) a été saisie, aux fins de constater et sanctionner la violation de divers droits de l’homme dont jouit le Président Guillaume Kigbafori SORO et tels que garantis par de multiples instruments juridiques internationaux auxquels a adhéré l’État de Côte d’Ivoire.

Ladite Cour après avoir jugé que :
« dans la situation où se trouvent les Requérants, le risque pour eux d’être privés de la jouissance et de l’exercice de leurs droits révèle une situation dont les conséquences imprévisibles peuvent leur causer des dommages irréparables. Elle estime aussi qu’il est nécessaire, à l’étape actuelle des procédures engagées contre les Requérants, de surseoir à l’exécution des mandats d’arrêt et de dépôt et d’observer le statu quo ante jusqu’à sa décision sur le fond », a ordonné, à titre de mesures provisoires, le 22 avril 2020, conformément à l’article 27(2) du Protocole et de l’article 51(1) de son Règlement intérieur, à l’État de Côte d’Ivoire de :

« i. surseoir à l’exécution du mandat d’arrêt émis contre Guillaume Kigbafori SORO ;

ii. surseoir à l’exécution des mandats de dépôt décernés contre les Requérants Alain LOBOGNON, Camara LOUKIMANE, Kanigui SORO, Yao SOUMAILA, Soumahoro KANDO, Kamaraté Souleymane KONÉ, Karidioula SOULEYMANE, Tehfour KONÉ, Simon SORO, Porlo Rigobert SORO, Félicien SÉKONGO, Marc Kidou OUATTARA, Mamadou DJIBO, Aboubacar TOURÉ, Babou TRAORÉ, Ladji OUATTARA, Gnamiand N’DRIN, Dahafolo KONÉ, Adama ZÉBRET et de les mettre en liberté provisoire ;

iii. faire un rapport à la Cour sur la mise en œuvre des mesures provisoires ordonnées dans la présente décision dans un délai de trente (30) jours, à compter de sa réception ».

Contre toute attente, en violation et au mépris de l’esprit et de la lettre de la décision du 22 avril 2020 susmentionnée, l’État de Côte d’Ivoire a cru bon d’organiser et tenir une audience correctionnelle, le 28 avril 2020, devant le Tribunal de Première Instance d’Abidjan-Plateau, au cours de laquelle, en l’absence de notre client et de ses conseils, a été rendu un jugement correctionnel n°2010/2020 affirmant les condamnations, infondées en droit et en espère qui pèsent sur Mr Soro Guillaume .Au regard de ce qui précède, il est évident que le jugement correctionnel susmentionné, rendu dans les circonstances de faits et de droits ci-dessus rappelées est nul et de nul effet, puisque la Cour Africaine a demandé de surseoir à toute poursuite à l’encontre de Monsieur Guillaume Kigbafori SORO et d’observer le « statu quo ante ».

En tout état de cause, conformément au principe selon lequel les traités internationaux régulièrement ratifiés ont dès leur publication une autorité supérieure aux lois, comme le rappelle la Constitution en son article 123, le jugement correctionnel sus-évoqué ne peut prévaloir sur l’Ordonnance de la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples du 22 avril 2020 et ne saurait, en aucun cas, suffire pour justifier l’exclusion contestée de notre mandant.

C’est pourquoi, conformément aux dispositions de l’article 12 de l’ordonnance n°2020-356 du 08 avril 2020 portant révision du code électoral, nous sollicitons que la CEI mette fin immédiatement à l’exclusion de Monsieur Guillaume Kigbafori SORO sur la liste électorale et qui causerait une atteinte manifeste aux principes démocratiques de la Côte d’Ivoire et aux droits des citoyens ivoiriens.

D’ailleurs, nous rappelons les propos tenus par le Président de la CEI lors de son interview radio en date du 29 juillet 2020 concernant la décision de la CADHP du 15 juillet 2020 sur la CEI, au cours duquel, il a dit que « dans tous les cas, il est sensible à ce que la Cour Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples a dit et en application de la loi, les commissions électorales locales vont être réorganisées pour qu’elles soient équilibrées ».

Dès lors, il serait incompréhensible que la CEI se conforme à cette décision de la CADHP intervenue le 15 juillet 2020, sans le faire pour celle qui date du 22 avril 2020.

En conséquence, il est demandé à la CEI de bien vouloir faire figurer le nom de Monsieur Guillaume Kigbafori Soro sur la liste électorale.

Fait à Paris le 06 août 2020,

Pour le collectif des Avocats
Maître Affoussy BAMBA
Docteur en Droit,
Avocat au Barreau de Paris