Par Pierre Aly SOUMAREY

Ce n’est pas un argument nouveau, bien que explicité dans le débat national qui nous occupe. J’ai donné le mien. Aussi, si j’avais quelque chose à ajouter à mon argumentation, je préciserai tout simplement, que ce n’est pas parce qu’une norme ou un principe appartenant à une Constitution ancienne (défunte) ou à l’ordre juridique qui précède un autre, réapparait ou est repris dans celle ou celui qui lui succède, qu’il faut en déduire nécessairement l’absence d’une rupture juridique. En outre, je note en épousant une angle d’approche, différent, que le principe de la limitation des mandats à deux, tel que énoncé dans l’article 35 de la Constitution de 2000, est parfaitement inapte à faire obstacle, à un nouveau mandat de M. OUATTARA, au titre du nouvel ordre juridique institué par l’avènement de la Constitution de 2016. En effet, celui-ci ne précise pas, si cette limitation est valable quelle que soit la Constitution, si la limitation s’applique à des mandats continus ou intermittents, si elle concerne un individu durant toute sa vie ou pas. Dès lors, ce argument me paraît inopérant au cas d’espèce.

En effet, la Constitution de 2016, par exemple, procède d’un renouveau de la vie démocratique en Côte d’Ivoire qui marque une rupture, totale et générale avec le passé, tant dans l’esprit que dans la lettre de celle-ci. Rupture politique (volonté du constituant originaire de redéfinir le pacte social et politique, par l’adoption d’un nouveau contrat à la place de celui qui le précède) rupture institutionnelle (création de la chambre des rois, du Sénat, de la Cour des Comptes, du Vice-Président, etc..) rupture constitutionnelle ( réorganisation des rapports entre les pouvoirs constitutionnels, bouleversement de l’ordre juridique par le passage de 134 articles à 184 articles, dont le régime d’éligibilité du Président de la République) rupture politique ( passage du régime parlementaire mixte au régime présidentiel mixte).

Dès lors, la rupture est matérielle, formelle et juridique. Aussi, et de plus fort, cette nouvelle Constitution abroge l’ancienne dans toutes ses parties, de manière globale, intégrale et indissociable, comme formant un tout. On ne saurait y extraire un principe, parmi de nombreux autres du reste, pour nier cette rupture qui a permis d’introduire dans notre nouvel ordre juridique, des principes encore beaucoup plus nombreux, qui traduisent par leur importance et l’ampleur de leur portée, une véritable révolution juridique. Point n’est besoin d’une révolution politique pour faire naître un nouvel ordre juridique, comme démontré. Il s’évince de ce changement fondamental, l’application de la théorie de l’abrogation par modification totale et du principe de la non-rétroactivité au regard du nouvel ordre (nouvelle norme).