Des hommes en armes pillent et violent des femmes à Niégré-Baléko

 soldats-FRCI

(Notre Voie, 7 juin 2013) – Depuis le dimanche 2 juin dernier, les squatters des forêts classées de Niégré, à 25 km de Niapidou, dans la région de Sassandra, n’ont plus le sommeil tranquille. Ces populations, essentiellement constituées de Baoulé, Burkinabé et Malinké, ont été déguerpies par la Société pour le développement de la forêt (Sodefor). Pour y parvenir, les responsables ont loué les services d’un détachement de Frci armés jusqu’aux dents et chauffés à blanc. Le bilan dépasse l’entendement. Des plantations de cacao détruites, des habitations saccagées et pillées, 4 femmes violées et 20 enfants disparus. Dans leur déplacement, 50 personnes sont mortes dans un accident de voiture.

Selon des témoins joints sur place, l’Etat sensibilise les clandestins depuis quelques années. Une période leur avait été accordée pour libérer ces forêts classées. Mais l’information n’a pas été prise avec sérieux d’autant plus que certains d’entre eux possédaient des titres fonciers à eux délivrés par des agents des Eaux et Forêts. Brandissant ces documents, un occupant se dit surpris de la violence avec laquelle le détachement des Frci a opéré. «C’est autour de 14h que les militaires ont envahi nos villages et campements. Ils ont battu tous ceux qu’ils trouvaient sur leur passage», raconte une victime. Ces infortunés n’ont eu d’autre choix que de trouver refuge dans les forêts ou campements environnants. Ou encore retourner dans leurs régions d’origine. Une chasse à l’homme a été engagée toute la journée du dimanche.

La nuit sera plus cruciale. Fouillant les maisons et sillonnant les plantations, les agresseurs ont pillé et violé 4 femmes dont nous taisons les noms. De sources concordantes, elles ont subi les assauts sexuels de plusieurs hommes en armes pendant des heures.

A ce jour, les gros villages baoulé de Baléko Brousse, Kramokro, Modestekro, Amarakro, Abronkro, Aboulayekro sont vidés de leurs populations. Les écoles sont fermées. Ce sont plus de 900 familles traumatisées qui ont trouvé asile à Niapidou. Chez ceux qui les ont accueillies depuis le début des années 70. En fait, c’est dans leur recherche de terres cultivables qu’ils ont décidé de vivre dans les forêts classées, loin de leurs bienfaiteurs.

Cette tragédie doit être gérée par la chefferie. Sur-le-champ, le magasin de cacao du village est transformé en site d’accueil. Deux autres sites leur ont été aménagés par la notabilité. Mais les conditions de vie sont alarmantes. «Nous avons tout perdu. Il n’y a que les habits que nous portons qui nous restent. Nous avons abandonné des années de vie», a déclaré Konan Magloire, planteur à Baléko-Brousse. La nourriture est devenue une denrée rare dans le village. Les personnes âgées, les femmes et les enfants sont les plus exposés à la faim.

Les autochtones godié sont débordés. Pour Mathurin Kragbé, chef du village, il faut vite agir pour éviter une catastrophe humanitaire. Le comble est que personne ne peut se rendre dans ces campements et villages pour chercher de quoi manger. «Ces militaires ont installé des bases dans nos villages. Nous n’y avons plus accès. Nous remercions nos tuteurs godié», dit une dame au visage tuméfié et affaiblie.

Comme dit l’adage, le malheur ne vient jamais seul. En effet, le lundi 3 juin dernier, 50 personnes ont péri dans un accident, en voulant fuir les violences et se mettre à l’abri dans d’autres contrées. Sur l’axe Baléko Brousse et Djégnandou, dans la sous-préfecture de Dakapadou, un «badjan» a renversé tous ses occupants dans un ravin. Aucun survivant n’a été enregistré. Un drame qui a encore plongé parents et amis dans l’émoi. A ce jour, les vols et braquages de domiciles sont le quotidien des populations vivant dans la zone. C’est un S.O.S que lancent Mathurin Kragbé et la notabilité du village. Les organisations humanitaires et de défense de droits humains devraient ouvrir l’œil sur cette énième barbarie en Côte d’Ivoire. Jusqu’à présent, aucune autorité n’a daigné porter assistance à ces victimes. Et pourtant une sérieuse crise alimentaire et sanitaire se prépare dans la zone. On se demande ici comment le régime peut déchainer des militaires contre une population. Sous les ordres de qui ont-ils pillé, volé et violé?

A. Dadge Debolley

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