Abogny-Claude-Larissa

André Sylver Konan

Par André Sylver Konan

Pourquoi Claude Larissa était dehors à 3H du matin ?

Nous sommes le mercredi 12 août 2015, non loin du carrefour Lubafrique de Yopougon. Il est un peu plus de 3H du matin. Claude Larissa Abogny marche en direction de l’arrêt du bus. Pourquoi est-elle à cet endroit à cette heure ? L’explication est que les deux premiers jours, elle était arrivée en retard à son centre d’examen du BTS situé au Plateau. Elle avait laissé entendre à son père (un officier de police à la retraite), alors dans son exploitation agricole dans la région de Daoukro, qu’elle prendrait toutes les dispositions, pour arriver plus tôt, ce mercredi, quitte à attendre l’arrivée des examinateurs, dans la salle. C’est donc pour cette raison qu’elle s’est levée tôt, pour aller attendre le premier bus.

Pourquoi n’a-t-elle pas été secourue par des passants ?

Alors qu’elle est seule dans la rue, un adolescent la tire violemment et par surprise et la pousse dans un coin de la rue, un autre se joint au premier. Ses cris e détresse alertent des travailleurs de nuit, et des riverains qui habitent dans des immeubles à étages. Non loin de la scène, en effet, il y a une boulangerie et un bar. Le vigile du bar pense qu’il s’agit d’une querelle passagère, comme certains noceurs noctambules l’en ont d’ailleurs habitués. Des témoins accourent donc pour porter secours à l’infortunée, qui n’arrêtait pas de pousser des cris de plus en plus forts. C’est alors que les premiers qui essayent de s’approcher découvrent qu’une vingtaine de jeunes armés de couteaux et de machettes, faisaient le guet, dans le noir et les menacent visiblement. Impuissants, les témoins n’ont que leurs yeux pour assister à la scène. Les deux agresseurs assènent des coups de machettes et de couteau au ventre de la victime qui pousse désormais des cris inhumains.

Pourquoi a-t-on retrouvé une pièce d’identité ?

Les deux bourreaux fouillent le sac d’école de la jeune fille, y prennent ses téléphones portables et jettent à terre, le reste de ses effets. C’est pour cette raison que l’attestation d’identité de la victime a été retrouvée. Ainsi s’explique le mystère de l’attestation d’identité et des effets scolaires retrouvés non loin de la scène du crime. Habituellement,

Pourquoi elle baignait dans une mare de sang ?

Après leur forfait, la horde d’agresseurs ne s’éloigne pas. Claude Larissa Abogny, dans un effort surhumain, se traine jusque sur la route. Les personnes qui essayent de l’approcher pour lui porter secours sont une fois de plus, dissuadées par la horde de jeunes gens qui guettaient. Ici s’explique le mystère de la mare de sang dans laquelle baignait la victime. Et qui confirme qu’elle a bel et bien été agressée à cet endroit et non ailleurs, pas quelqu’un qui serait venu la jeter là.

Quand la police arrive, la victime est déjà morte, vidée de son sang. Ce n’est qu’à ce moment que la horde d’agresseurs quitte les lieux.

Pourquoi son profil Facebook a été désactivé ?

Certains se sont demandé comment le profil Claudia Costa avait pu être désactivé, un jour après le meurtre de la victime. L’explication de ce mystère est simple. C’est son ami qui connaissait le code, qui l’a fait, pour des raisons qui touchent à la vie privée.

Pourquoi j’exclue la thèse du crime passionnel ou de l’agression sexuelle ?

Sur les photos prises par des passants, on voit la victime qui ne porte visiblement aucun signe d’agression sexuelle. Le tissu qu’elle a noué autour de sa taille, est bien dressé, ses chaussures sont bien fermées, et sa robe couvre entièrement son dos. La photo d’elle, vu de face, a été prise, au moment de l’enlèvement du corps. On voit bien qu’elle a gardé son soutien-gorge intact. Le crime passionnel laisse généralement une signature passionnelle, souvent intime. Ce n’est visiblement pas le cas. De même, il est certain que Claude Larissa a bel et bien passé la nuit chez sa sœur, chez qui elle avait momentanément déménagé pour mieux préparer son examen.

Pourquoi j’accuse les « microbes » ?

Cet assassinat est signé « microbes ». D’abord le mode opératoire. Les « microbes » agressent leurs victimes, d’abord à l’arme blanche ou avec des objets contondants, avant de les voler. D’ordinaire, les petits voleurs à la tire, volent dérobent d’abord leurs victimes, souvent avec violence, et les agressent ensuite si celles-ci résistent ou ripostent. En ce qui concerne Claude Larissa, ses agresseurs auraient pu l’accoster et lui arracher son sac et se fondre dans la nature. Ils auraient atteint leur objectif, sans courir trop de risques. Or, ils ne l’ont pas fait, ils l’ont trainée dans la pénombre, l’ont sauvagement mutilée d’abord, avant de s’emparer de son sac.

Toujours à propos du mode opératoire, le fait qu’on retrouve l’attestation d’identité, est une preuve de la signature des « microbes ». Les petits voleurs classiques disparaissent avec le sac à main, le fouillent une fois en sécurité, à tout le moins, le fouillent au moment où ils s’échappent, et le jettent par la suite. Mais les « microbes », eux, se payent le luxe de fouiller les sacs à mains, sur le lieu du crime, puisqu’ils ne prennent pas leurs jambes à leur cou, tout de suite après l’agression.

Par ailleurs, les petits voleurs de sacs de quartiers usent de couteaux, pas de machettes. Les « microbes » eux, utilisent aussi bien des couteaux que des machettes et des gourdins.

Au demeurant, le signe distinctif majeur des « microbes », c’est leur nombre. Les petits voleurs de quartiers opèrent soit seuls, soit en groupe de 2, 3, tout au plus 4. Les témoins parlent d’une meute d’une vingtaine de jeunes gens armés de couteaux et de machettes, qui faisaient le guet. Aucun doute possible, ce sont des « microbes ».

Pourquoi je privilégie l’hypothèse du crime d’initiation ?

A mon avis, et je peux me tromper, cet assassinat (et non un meurtre, puisqu’il y a eu une intention manifeste de tuer, comme je le démontrerai plus loin) est soit un crime d’initiation, soit un crime de vengeance.

Parlons d’abord de la deuxième hypothèse. Une semaine avant le meurtre de Claude Larissa, une horde de « microbes » avait opéré, non loin de cette zone. C’était une « rafle », expression utilisée dans le jargon des « microbes », pour désigner une opération de dépouillements et d’agressions systématiques et indiscriminées sur tout passant, à un endroit précis, dans un temps précis. La « rafle » avait débouché sur la blessure d’un d’entre eux, causée par un homme qui s’était bien défendue. Les « microbes » ne supportent pas qu’on leur résiste.

S’ils vous attaquent et que vous résistez, ils deviennent plus violents. Si vous ripostez, ils deviennent encore plus violents. Ils ont sans doute voulu venger leur camarade blessé, par un passant, lors de leur dernière descente à cet endroit ; en envoyant un message…mortel. Ce caractère vindicatif explique en partie le mystère du silence des riverains sur ce qu’ils ont vu. Leur refus de se confier à la police s’explique aussi par le fait qu’il se raconte (vrai ou faux, je l’ignore) que la police relâche souvent des malfaiteurs, toute chose qui mettrait en danger des témoins.

Parlons maintenant de la première hypothèse. Les gangs des gamins défavorisés des favelas de Rio Janeiro, qui ont inspiré le film « La cité de Dieu », lequel film a aussi inspiré nos vilains petits « microbes » d’Abobo, qui ont commencé à infester le corps de certaines communes abidjanaises ; sacrifiaient à un rituel pour débutants. Ce rituel permet aux candidats à l’intégration au gang d’avoir leur « passeport pour le crime ». Ainsi, était-il imposé aux nouveaux membres, un certain nombre d’épreuves violentes ou sanglantes. Il n’est pas exclu que les « microbes » abidjanais commencent à pratiquer les assassinats initiatiques pour nouveaux membres. Ce qui expliquerait pourquoi ce sont deux adolescents qui ont attaqué la victime, tandis que les autres faisaient le guet et surtout pourquoi après leur forfait, ils ont empêché quiconque de porter secours à la victime.

L’explication est simple : il fallait qu’elle meurt et surtout qu’elle meurt sous les yeux des tueurs. Elle n’était pas particulièrement visée, elle est juste tombée au mauvais moment, au mauvais endroit et le destin a voulu que ce soit elle, qui soit l’objet de ce sacrifice initiatique. Si tel est le cas, cela veut dire que les « microbes » sont davantage organisés et deviennent plus violents et qu’ils ont pris de l’assurance (attendre sur le lieu du crime est une preuve, tout comme opérer en pleine journée). Cela veut aussi dire qu’ils se hiérarchisent avec un chef violent à qui ils obéissent à la lettre et qui est loin d’être un adolescent (de toutes les façons, un « microbe » qui avait 13 ans en 2010, à l’avènement du « Commando invisible d’Abobo », leur vivier incontesté, a aujourd’hui 18 ans et n’est plus un gamin).

Que ce soit un crime crapuleux ou un crime d’initiation, ma position sur les « microbes » n’a pas changé. Un « microbe », ce n’est pas un enfant, c’est un tueur. Et un tueur (potentiel) se neutralise avant qu’il ne (re)passe à l’acte. La police doit faire son job. Tout simplement.

André Silver Konan, un citoyen qui étudie de façon tout à fait informelle, les agissements des « microbes »

Source : Facebook