Par Dr. Aïcha YATABARY, Médecin et Écrivain
Auteure de « Afrique, développement durable et coopération internationale », Éditions l’Harmattan

Le sommet extraordinaire de l’Union africaine s’est tenu à Kigali ce 21 mars. Il a été le théâtre de la signature d’un accord important portant sur la création de la zone de libre-échange continentale (ZLEC). Cette étape occupe une place importante dans l’agenda 2063 de l’UA qui vise une intégration politique Africaine semblable au modèle de l’UE.

Nous sommes de ceux qui sont optimistes en ce qui concerne l’avenir du panafricanisme et son caractère indispensable à l’affranchissement de l’Afrique des tentacules néocolonialistes d’une part, et à la mise en place de vraies politiques de développement pour les peuples africains, qui conduiront à des résultats concrets.

Les premières revendications panafricanistes débutèrent en 1900 en Amérique du nord et furent portées ensuite par de nombreux intellectuels dont Marcus Garvey. L’Afrique a connu son siècle du panafricanisme comme l’Europe son siècle des lumières, quand le mouvement, exporté sur ce continent, fut parachevé par la création de l’OUA en 1963. L’OUA fut une instance beaucoup critiquée car jugée inefficace pour la résolution de nombreux conflits, comme le génocide rwandais. D’ailleurs, dans ses statuts, elle se positionnait plutôt comme une vision sociale, culturelle et politique d’émancipation des peuples africains. Elle a été l’embryon de l’UA. Beaucoup restent sceptiques face à cet objectif d’intégration effective de l’UA, accusant les Chefs d’Etats africains membres de l’organisation d’être experts en effets d’annonce sans suite.

Il paraît que les Etats africains sont incapables de faire preuve d’unité, privilégiant leurs intérêts nationaux, cela étant surtout vrai pour les grandes économies africaines, réticentes à des projets de marchés communs et de libre circulation. Les Chefs d’Etats africains sont aussi pointés du doigt pour leurs querelles de leadership, faisant penser à certains que le projet d’intégration politique africaine à l’horizon 2063 est irréaliste.

Pourtant, les avantages d’un tel accord pour une intégration africaine effective seraient nombreux. Parmi ceux-ci, citons une meilleure gestion des thématiques d’économie et d’échanges commerciaux, de celles de santé publique, de protection de l’environnement et de lutte contre le réchauffement climatique, ainsi que de celles liées à la gestion de l’eau.

Une telle démarche n’est certes pas dénuée de difficultés, telles que la faiblesse de la qualité des institutions, des infrastructures, des politiques, des technologies et des ressources dans les pays africains, les difficultés administratives, la crainte de la perte d’identité, d’autonomie, de la part des Etats et des peuples, pour ne citer que celles-là. Nonobstant ces difficultés, il est temps que le panafricanisme s’inscrive dans une perspective de développement et de politiques concrètes, pour le bien-être des populations africaines. Il est temps également que l’Afrique s’unisse pour s’inscrire dans une perspective de partenariat gagnant/gagnant avec l’ancien colon.

En effet, l’époque du panafricanisme que l’on agitait tel un épouvantail pour se maintenir au pouvoir ou manipuler les masses est révolue. L’heure n’est plus au panafricanisme qui isole, à la posture identitaire et xénophobe, sous prétexte de souveraineté.

Nous saluons donc la mise en place de la ZLEC, qui est un début à un cadre de collaboration plus généralisé. Même si sa mise en œuvre s’avèrera difficile à cause des obstacles que nous avons relevés, elle va permettre de solidifier l’économie africaine, entre autres avantages.

Les obstacles pourront être jugulés si la volonté politique est présente et si les peuples sont suffisamment sensibilisés sur les avantages de cette initiative.

A.Y.