Alassane-guei-gbagbo-bedie 

Comme si aucune leçon ne devait être tirée de la tragédie qui a détérioré le climat sociopolitique de ce pays dans un passé récent, la question va-t-elle à nouveau accaparer le débat politique en Côte dʼIvoire, à quelques huit mois de l’élection présidentielle en Côte dʼIvoire ? En tout cas, depuis quelques jours, les réseaux sociaux sʼen sont, eux, emparés, via un soi-disant « appel au peuple de Côte dʼIvoire », qui devrait se lever et « prendre son destin en main », parce que le chef de lʼEtat – et on en vient au sujet en question – sʼapprêterait à faire modifier la Constitution, notamment en son article 35 portant éligibilité à la présidence de la République.

Cette sorte d’incitation à la révolte populaire où on demande au peuple de « s’opposer par tous les moyens à la modification de la Constitution », un quotidien de la place, lʼInter pour ne pas le citer, lʼa relayée lundi dernier, en prenant soin dʼaffirmer que toutes les dispositions sont prises en ce moment par le gouvernement pour que ce projet voit effectivement (et rapidement) le jour. Avec le pernicieux sous-entendu dʼune opération qui se ferait presque en cachette pour court-circuiter les Ivoiriens. « Pendant 15 jours, les députés devront suspendre leurs vacances pour retrouver lʼhémicycle (…) au cours de la session qui sʼouvre ce matin (Ndlr, avant-hier lundi), ils auront au nombre des dossiers à analyser, les propositions de modification de lʼarticle 35 que va certainement leur proposer le ministre de lʼIntérieur », écrit notre confrère, qui dit avoir reçu lʼinformation dʼun certain Zadi Doméné, député de Fresco. Avec une facilité déconcertante que ne vient étayer aucun texte de notre loi fondamentale, le journal proche du FPI laisse croire que Alassane Ouattara manœuvrerait pour opérer une sorte de passage en force et se tailler ainsi de nouveaux habits de candidat à la Magistrature Suprême.

Mais ce que lʼauteur de lʼarticle omet en premier lieu de dire, cʼest que la session extraordinaire convoquée effectivement par lʼAssemblée Nationale a à son ordre du jour lʼexamen de trois textes. Notamment, un projet de loi modifiant le code pénal relativement à la suppression de la peine de mort abolie par la Constitution du 1er août 2000 ; un autre projet de loi modifiant et complétant lʼarticle 7 du code de procédure pénal libellé en ces termes :ʼ toutefois, en matière de crime de génocide, de crimes contre lʼHumanité et de crimes de guerre, lʼaction publique est imprescriptibleʼ ; enfin, un troisième projet de loi portant organisation de la Défense et des forces armées de Côte dʼIvoire. Nulle part, il nʼest question de lʼarticle 35. Quelle est donc cette information qui sous-entendrait quʼun texte de loi de la trempe de lʼarticle 35 ferait lʼobjet dʼune modification sans aucune procédure en la matière, comme on modifierait un vers dʼun poème. Notre confrère ignore-t-il que lʼarticle 35 de notre Constitution fait partie des articles dont la modification obéit à une procédure particulière ? Si oui, il nʼa alors quʼà se référer à lʼarticle 126 de notre Loi fondamentale qui énonce en son alinéa 2 : « Est obligatoirement soumis au référendum le projet ou la proposition de révision ayant pour objet lʼélection du président de la République, lʼexercice du mandat, la vacance de la présidence de la République et la procédure de révision de la présente Constitution. Le projet ou la proposition de révision nʼest pas présenté au référendum dans toutes les autres matières lorsque le président de la République décide de le soumettre à lʼAssemblée Nationale. Dans ce cas, le projet ou la proposition de révision nʼest adopté que sʼil réunit lamajorité des 4/5 des membres de lʼAssemblée Nationale effectivement en fonction, le texte portant révision constitutionnelle approuvée, par référendum ou par voie parlementaire, est promulgué par le président de la République » ». Autrement dit, cʼest tout simplement faire preuve de mauvaise foi – et avec sans doute lʼintention délibérée de jeter le trouble dans les esprits – que de laisser prospérer lʼidée que lʼarticle 35 de notre Constitution peut être modifié en catimini. Si notre confrère a la funeste intention de provoquer des mouvements de trouble dans le pays, il lui revient très rapidement de se ressaisir en arrêtant, en cette année électorale sensible, de jeter de lʼhuile sur le feu.

KORE EMMANUEL

Source : Le Patriote, mercredi 25 février 2015