DES FEMMES CRIENT! DES FEMMES PLEURENT

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Toile de l’Artiste Claudy Khan

Loin, sous le dôme d’un ciel criblé d’étoiles
déployé dans la nuit comme une princière voile
s’élève encore vers les cieux ce cri de souffrance
qui déchire comme une dague acérée la soie du silence.
Des femmes à genoux tremblent, gémissent et pleurent
aux creux d’une douce vallée où règne la peur, la terreur
semées dans une verdoyante vallée par d’étranges prédateurs
venus de proches frontières tels des anges exterminateurs
aux cœurs d’airain, aux yeux troubles aux mains entachées
par mille crimes obscurs et de sombres desseins occultés.
Par la barbarie des aigrefins sans loi, ni foi, ni patrie
dont les bruits des bottes résonnent de Goma à Beni.

Des femmes crient, des femmes pleurent !

Tant de saisons ont fleuri depuis leur brutale intrusion
au pays bantou veillé par des géants volcans en fusion.
Dont les bouches crachent le feu brûlant de leur colère,
quand les femmes du Congo sont couvertes de poussière,
et qu’elles se voilent la face pour dissimuler à tout le village
les torrents de larmes qui creusent des sillons sur leur visage.
Perles de rosées qui roulent et se brisent contre la digue de l’indifférence
du monde qui demeure et veut demeurer sourd à toute leur souffrance.
Kulalamika ya mwana muke : une déchirure, un cri, une ultime prière
Dieu semble les avoir abandonnées dans leur tourmente, leur enfer.
Leurs pères leurs frères leurs maris, leurs fils les rejettent dans la rue
Ils ont honte de l’opprobre qui a maculé leurs corps et leurs âmes mis à nus

Des femmes crient, des femmes pleurent !

Le tabernacle de leurs entrailles où germe la vie sacrée
par des hommes en folie a été des dizaines de fois ; violé.
Et des semences maléfiques s’y sont enfuient dans la haine,
la violence et tout son macabre lot de perversité et de peine.
Du sang en fleur écarlate, a maculé les dessins de leurs pagnes
aux tons chatoyants rutilants sous la lune qui dans le ciel règne.
Mais, loin, dans un pays au ciel de neige des femmes les ont entendues
leur cri de détresse a été si puissant qu’il a traversé toutes les étendues,
porté par un grand courant d’amour vers les sources cristallines du cœur
de toutes ces filles nées comme elles de la matrice du Congo qui pleure.
Elles ont frémi d’horreur en entendant ce cri inhumain poussé par toutes leurs sœurs
Abandonnées dans l’effroi, la honte, le désespoir, l’oubli et une bien étrange peur

Des femmes crient, des femmes pleurent !

Ces sœurs qui en ce lundi de novembre formeront un bel essaim couleur ébène,
se mouvant dans les rues de Bruxelles où elles marcheront dans le silence et la peine.
Une marche de soutien pour leurs compatriotes devenues pareilles à des sépales souillées
par une pluie de sang, de larmes, de spermes et de boue, répandues sur notre terre sacrée.
Femmes congolaises ou d’ailleurs, marchons ensemble au rythme du pouls de nos cœurs
entendez, ils hurlent notre révolte, notre rage quand nos sœurs poussent des haros de douleur.
Vent, froid ou pluie ne feront point obstacle à nos pas animés aussi par notre fol espoir
de réveiller enfin les consciences de toutes ces nations plongées dans l’ignorance et le noir
qui occultent les maux de nos mères, de nos filles, de nos sœurs qui portent et donnent la vie.
Le souffle de nos aïeux, nous donnera la force qu’ils nous ont offerte dès notre premier cri,
sur cette terre que des hommes profanent en violant nos compatriotes du lointain Congo.
Puissent leur kulalamika désespéré se mêler à nos voix, à nos pas et résonner comme un divin écho.

Des femmes crient, des femmes pleurent !

Emilie Flore Faignond
Poète – Écrivain