Par Pierre Aly SOUMAREY

La construction de l’État de droit est un enjeu fondamental pour nos jeunes Etats en Afrique, mais surtout pour la conception et l’idéologie d’une démocratie moderne. On peut distinguer deux principales modalités d’approche de cette problématique. L’application de la norme descendante à partir du pouvoir central vers le corps social, comme la plupart d’entre nous le fait, mais aussi sous la modalité subjective du droit, pensé comme étant les droits, supposés être garantis par « l’État de droit » et la Constitution du pays. Elle s’élabore depuis la base du corps social en direction du pouvoir, de la périphérie vers le centre. Ce n’est pas nécessairement la NORME ECRITE, la NORME OBJECTIVE, mais la perception naturelle de ce que/qui devrait être le droit dans une société donnée. Dès lors, tout le monde devient législateur et juge dans le corps social (chaumières, salons et espaces publics). Ce n’est plus l’application de la norme étatique, la norme objective, le droit public qui est réclamé par les populations, mais un droit imaginaire et totalement subjectif.

C’est le cas du “3ème mandat” en Côte d’Ivoire, mais aussi ailleurs. Nous sommes en face d’une insuffisance de deux (2) ordres à combler : l’une textuelle et l’autre subjective.

1 – Nos textes n’ont pas été suffisamment décolonisés pour apporter des réponses pertinentes à nos réalités socio-culturelles et socio-économiques, mais surtout pour ËTRE EN ADEQUATION avec nos MOYENS REELS et nos VERITABLES CAPACITES, dès lors, nous rencontrons des difficultés évidentes dans son APPLICABILITE EFFECTIVE. Nos législateurs, constitutionnalistes et juristes manquent de PRECISION également (faible tradition et insuffisance de formation des ressources humaines), si bien qu’ils laissent ou ont laissé un terrain trop large à l’interprétion. Dernier exemple en illustration, l’absence de précautions, de précisions et de ponts entre les ordres successifs dans la Constitution de 2016 en Côte d’Ivoire, pour l’éligibilité du Président de la République.

2 – C’est sur ce dernier aspect, que les réseaux sociaux, la société civile et les médias, voire la société politique, essayent d’imposer leur propre VISION et SUBJECTIVITE de la Loi. Cette dernière étant perçue comme un instrument de domination du pouvoir central qui, au nom de la souveraineté et de la légitimité de l’autorité de l’Etat, va au-delà des besoins réels d’organisation et de régulation de la société, pour asseoir l’arbitraire, servir les intérêts du pouvoir, assurer le triomphe d’une ambition personnelle, la domination d’une classe sociale privilégiée ( la société politique et le grand capital). La CONCEPTION POPULAIRE du droit, portée par la subjectivité du corps social, est de penser la LOI, uniquement comme un instrument de GRANTIE des libertés individuelles, d’émancipation citoyenne et surtout de PROTECTION contre l’arbitraire et les abus du pouvoir, alors que celle-ci couvre un champ beaucoup plus large dans son objet, dont celui d’assurer l’ORDRE PUBLIC.

CONCLUSION : C’est à cette confrontation des modalités de conception et d’expression du droit relativement à l’exercice du pouvoir que nous assistons actuellement en Côte d’Ivoire, à la circonstance de l’élection. Celle-ci doit faire l’objet d’un travail critique de la part des acteurs du droit, mais aussi d’un débat dépassionné de la part du corps social, pour que la NORME triomphe et s’applique, en affirmant à la FOIS SON AUTORITE INCONTESTABLE dans l’état de droit et la république, mais aussi l’EGALITE et la SUBORDINATION des citoyens, en tant que sujets de droit, devant la Loi. Ce principe RIGOUREUX et INFLEXIBLE qui fonde sa volonté universelle, son acceptation et son INDEPENDANCE. Ce travail doit s’attacher non seulement à construire une EVIDENCE par la méthode contradictoire, pour produire et valider une VERITE qui soit acceptable pour tous, et à laquelle nous soumettre, parce qu’elle est la LOI.

Aly Pierre SOUMAREY