Le monde vit aujourd’hui une crise sans précédent dans la période contemporaine. Le coronavirus, découvert en Chine, s’est propagé, du fait de la globalisation, sur la planète entière, conduisant l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à le classer comme une pandémie.
Les frontières se ferment, les citoyens de plusieurs pays sont, de plus en plus, confinés chez eux, pour éviter les contagions, sans que personne ne puisse connaître le temps qu’il faudra pour maîtriser le virus et éradiquer la maladie.
L’économie mondiale, déjà fortement secouée par les tensions commerciales entre les Etats Unis et la Chine, est sous le choc ; plusieurs entreprises devant faire face à des chocs d’offre et de demande. Et, les marchés de capitaux, en forte baisse, en donnent d’ores et déjà des signaux avancés.
L’Afrique, pendant un temps, préservée du virus, est entrée de plain-pied dans le cycle de la pandémie et plusieurs de ces pays doivent désormais déployer d’énormes efforts pour éviter de vivre la trajectoire exponentielle de transmission de la maladie vécue dans certains pays asiatiques et européens. Et, jusqu’à présent, l’ensemble des pays du continent africain concernés demeurent toujours dans les phases 1 ou 2 de la maladie, c’est-à-dire qu’ils enregistrent des cas isolés, assez souvent des cas importés, ou des « clusters » délimités dans l’espace. Le renforcement drastique des mesures préventives, prises ces dernières semaines en Afrique, vise justement à contrecarrer le passage à la phase 3, caractérisée par une circulation active et la diffusion rapide du virus au sein de la société toute entière. Et, il faut savoir gré aux autorités gouvernementales africaines d’avoir pu apprendre de l’expérience des autres continents et d’avoir préféré l’anticipation (en sur-réagissant) à l’adaptation à la maladie. Le grand défi demeure la capacité des citoyens africains à respecter les consignes d’hygiène comportementale, en changeant leurs habitudes dont beaucoup sont ancrées dans les valeurs socio-culturelles locales (comme se serrer la main ou célébrer ensemble de nombreux évènements). Et, je doute fort que l’usage des sanctions puisse constituer un remède efficace. Seule la mise en œuvre d’une stratégie efficace de communication et d’influence permettra de convaincre les communautés de base de s’aligner sur les stratégies de lutte contre le virus, dessinées au niveau gouvernemental.
En tout état de cause, le coronavirus aura un impact sérieux sur les économies africaines. Selon les estimations de la Commission économique pour l’Afrique (CEA), publiées le 13 mars 2020, la croissance du PIB africain ne devrait pas dépasser 1,8% en 2020 alors qu’elle était prévue en début d’année à 3,2%. Les pays pétroliers seraient les plus touchés, du fait de l’effondrement des cours du baril enregistré ces dernières semaines. Selon la CEA, « le continent aura besoin jusqu’à 10,6 milliards de dollars américains en termes d’augmentations imprévues des dépenses de santé pour empêcher la propagation du virus, tandis que d’autre part, les pertes de revenus sont susceptibles de conduire à une dette insoutenable ». L’impact négatif du virus se réaliserait également à travers la baisse des recettes d’exportations, des investissements directs étrangers, des arrivées de touristes et des transferts des migrants. Pour les consommateurs, des pénuries pourraient être constatées pour les produits alimentaires et pharmaceutiques, du fait des perturbations sur les chaines mondiales de production et d’approvisionnement.
Les pays africains peuvent, selon la CEA, atténuer ces effets négatifs en promouvant le commerce intra-africain et en procédant à des réarrangements budgétaires pour redéfinir les priorités de dépenses et limiter les déficits.
En supplément les mesures ci-après, déjà adoptées par certains pays, notamment le Maroc, pourraient s’avérer utiles pour amortir le coût économique du coronavirus : (i) mise en place d’un dispositif de dialogue public-privé pour la gestion des conséquences économiques du virus ; (ii) création d’un important fonds spécial (alimenté notamment par le budget de l’Etat et par des contributions volontaires et substantielles des grandes entreprises et des différentes institutions du pays (1)) qui servirait à financer l’effort de lutte contre la maladie et les mesures de soutien économique identifiées ; (iii) appui aux PME-PMI et aux commerçants impactés, à travers des arrangements fiscaux et sociaux, des moratoires sur la dette et le loyer, ainsi que l’injection de nouvelles ressources pour leur permettre de continuer à fonctionner et à préserver les emplois; (iv) baisse des taux d’intérêt débiteurs pour amoindrir les charges des entreprises et impulser de nouveaux investissements privés dans les secteurs devenus porteurs, du fait des difficultés d’importation de produits finis ; (v) mobilisation de ressources pour accélérer la production alimentaire et pharmaceutique locale, afin de se substituer aux produits de base importés qui pourraient manquer dans la futur (comme le riz et les médicaments), ainsi qu’à améliorer les chaînes logistiques et de distribution locales; (vi) soutien aux salariés impactés, par le biais de la prise en charge partielle des frais liés à la réduction d’activité des entreprises ; (vii) campagne auprès des consommateurs pour les inciter à privilégier les produits locaux dans leurs achats.
NOTE :
(1) Au Maroc, plusieurs grandes entreprises ont déjà annoncé des contributions au fonds spécial créé par le Royaume (avec un objectif global d’environ 600 milliards de FCFA) et notamment: le Groupe OCP (Office chérifien des Phosphates) (180 milliards de CFA), le fonds Al Mada (120 milliards de FCFA), la Banque Centrale Populaire (BCP) et la BMCE-Banque of Africa (60 milliards de FCFA chacune). En outre, les ministres et les parlementaires ont participé pour un mois de salaire, tandis que l’Association des régions a mobilisé 90 milliards de FCFA.