La notion d’anthropocentrisme décrit le système ou l’attitude qui place l’homme au centre de l’univers et qui considère que tout se rapporte à lui. Ainsi, contrairement aux réflexions qui plaçaient la terre (géocentrisme) ou le soleil (héliocentrisme) au centre de l’univers, l’anthrocentrisme, c’est cette perspective philosophique qui considère que l’entité centrale, la plus significative de l’univers, et à partir de laquelle on doit appréhender cet Univers, c’est bien l’homme. L’homme est, pour ainsi dire, l’objet et les lunettes à partir desquels la dynamique des phénomènes universels doit être étudiée, évaluée, appréciée, etc.
Pris dans cette perspective, l’homme demeure le sujet et l’acteur qui conditionne l’existence même de ce collectif universel. Une analogie à l’orientation discursive des personnels politiques montre clairement que les acteurs politiques ivoiriens détournent cette définition philosophique du centrisme de la vie humaine pour la moudre dans la personne du leader politique ivoirien. C’est cette figure de “gourou” qui devient l’objet et la perspective sous laquelle la politique se pratique en Côte d’Ivoire.
Considérés d’une part comme des “gourous” qui entretiennent des relations ” réifiées ” avec les citoyens, d’autre part, les personnels ont institué une façon de pratiquer la politique (politique politicienne) à l’aune de leur agir. Tout doit se passer autour et à travers leur regard. Les désirs et les besoins des populations, de l’État et le système de représentation politique ne sont que soumis.
Ils font des problèmes de personnes des enjeux de politique. Ils traduisent leurs querelles de simples individus dans la sphère publique et y invitent toutes les composantes de la nation, de l’État et des valeurs philosophiques qui garantissent le vivre-ensemble. C’est le cas du discours sur “la réconciliation” en Côte d’Ivoire.
Rappelons que les crises successives sont arrivées en Côte d’Ivoire non pas parce que l’État connaissait une faillite liée à l’effondrement de ses soubassements. La crise ivoirienne tire ses ressorts d’abord et avant tout des querelles d’ego entre les acteurs politiques. C’est la mise en discours de celles-ci par une exacerbation inconsidérée qui a fait croire aux citoyens ivoiriens que c’était à ce niveau que se trouvaient leurs intérêts. Ces derniers ont vu leur participation à la vie sociale et politique comme un “combat d’arène” au cours duquel leur rôle ne se résumait qu’à soutenir tel ou tel “gourou”. C’est cette attitude de supporteurs savamment créée qui fait se constituer des lieux communs dans lesquels puisent les profiteurs du système.
Sinon comment comprendre qu’une personnalité politique, définie dans le système de représentation démocratique détourne, garde par devers lui les deniers publics, les ressources collectives, et que l’État ne puisse être à mesure de lui faire payer cette dette, d’une part, et qu’au contraire, les citoyens, victimes de cette spoliation, soient ceux-là même qui défendent le voleur, d’autre part.
Il faut bien être dans une relation d’une absurdité et d’une idiotie immense pour avoir cette attitude. Être volé et se ranger du côté du voleur, se dépouillant ainsi de toute substance, c’est présenter tous les symptômes du syndrome de Stockholm. Syndrome qui voudrait que la victime d’une spoliation se range finalement du côté de son pourfendeur qu’il considère non pas comme un mal mais comme un moindre mal pour exister. Cela n’arrive pas ex-nihilo, c’est le produit d’un processus de création sémantico-cognitif. C’est le discours politique qui en constitue l’un des vecteurs les plus sûrs de la propagande par la manipulation des masses. Nous estimons que c’est un crime.
Par Alléba Charles Toali