Ce que comptent faire certains d’entre eux

 

Nanan Konney Ahoua Simon, Chef du village de Modeste

Les opérateurs immobiliers qui ont bâti de grandes et belles cités sur les terres de Modeste, dans la Sous-préfecture de Grand-Bassam, ainsi que les acquéreurs de lots fictifs sur ce site, n’ont plus que leurs yeux pour pleurer. Depuis le rejet de l’appel interjeté par Nanan Kanga Assoumou Pierre,Roi du quartier-village de Moossou dans la Commune, par la Cour de Cassation il y a quelques jours dans l’affaire qui l’oppose à Nanan Konney Ahoua Simon, chef du village sus cité, tous sont aux abois. Les plus téméraires ne s’accrochent plus qu’à une éventuelle décision contraire du Conseil d’Etat, instance suprême qui valide les décisions de la Cour de Cassation, qui devrait statuer en Juin, probablement. Du moins pour ceux d’entre ceux dont les Arrêtés de concession définitive (Acd) ont été attaqués au Tribunal par la chefferie de Modeste. Mais la cause est entendue, d’autant plus qu’un Acd obtenu à partir d’une propriété jugée et reconnue fausse ne serait plus qu’un papier sans valeur, au regard des circonstances et de l’impact de la forfaiture sur les populations déterminées à reprendre leurs terres dont elles ont été indûment expropriées depuis plusieurs années.

Un ouf ! de soulagement, tel est le sentiment qui anime l’ensemble des populations du village de Modeste depuis la décision de la Cour de Cassation. C’est qu’au terme du procès que le chef de leur village a engagé il y a près de 10 ans au Tribunal de Grand-Bassam, elles se sentent soulagées, et voient leur longcombat aboutir. En l’absence de leur chef en déplacement hors du pays, hommes, jeunes et femmes ne peuvent contenir leur joie. Eux qui disent avoir souffert de la démolition de leurs maisons, fermes avicoles, lieux de culte, sans ménagement et sans sommation, et même avec exhumation de tombes au cimetière du village, et qui ont pleuré nombre de membres de leurs familles, décédés des suites de bastonnades d’hommes en tenues. Pendant plusieurs années, on se rappelle que les populations de Modeste, excédées par une injustice qu’elles croyaient les frapper, ont battu le pavé sous pluies et soleil, au risque de leur vie, barrant des heures durant la voie internationale d’alors Abidjan-Grand-Bassam, essuyant quolibets et railleries de leurs adversaires.

Les attestations villageoises signées par le Roi de Moossou troublent le sommeil des opérateurs immobiliers

Avec cette justice rendue, selon les populations et propriétaires terriens de Modeste, ils comptent récupérer leurs terres, dans leur entièreté, et les reverser au patrimoine du village. C’est ici que les opérateurs immobiliers et les acquéreurs dont les attestations villageoises ont été signées par le Roi de Moossou, s’étant auto-proclamé propriétaire des terres qui partent d’Adiaké à Jacqueville, perdent le sommeil.Avec des dizaines de milliards de franc CFA investis dans l’acquisition de centaines d’hectares de terre et la construction de leurs cités, ce malgré l’interpellation de la chefferie de Modeste, comment comptent-ils se prendre pour empêcher de voir celles-ci détruites, se demandent plusieurs d’entre les responsables de ces sociétés immobilières.Interrogé par téléphone dimanche 05 avril 2020 sur ce qu’il pense de la décision de la Cour de Cassation, un responsable d’une société ayant pignon sur rue dans le village de Modeste dit ne s’en tenir qu’à la décision du Roi de Moossou. ‘’C’est vous qui me l’apprenez. Hors d’Abidjan depuis la décision du Gouvernement de confiner le grand Abidjan, je suis dans mon village, occupé à travailler dans mes champs. Je vous rappelle’’, a-t-il répondu. Moins de dix minutes plus tard, c’est avec un sentiment d’espoir qu’il rappelle, effectivement. ‘’Votre information est avérée. Cependant, elle n’est pas encore exécutoire. Le Roi que j’ai appelé dit n’avoir pas encore reçu la notification de cette décision.

‘’N’écrivez pas sur cette affaire pour le moment’’

‘’De toutes les façons, il faut que le Conseil d’Etat entérine la décision de la Cour de Cassation. Or, en raison de la situation sanitaire mondiale, ce Conseil ne peut se réunir maintenant. C’est probablement en Juin qu’il pourrait le faire si la situation s’améliore, selon ce qu’il m’a expliqué. En tout état de cause, je pense que les autorités sont occupées à protéger les populations ivoiriennes en ce moment contre le coronavirus plutôt que de s’occuper de ces questions. Croyez-vous qu’une décision prise dans cette situation puisse prospérer. Dans tous les cas, je m’en tiens à ce que dira le Roi de Moossou’’, a-t-il dit. Avant de conclure : ‘’Cher frère, je réponds à votre préoccupation parce que cela fait deux ou trois fois que vous m’appelez dans le cadre de ce procès. Mais je crois qu’il ne faut pas écrire pour le moment sur cette affaire’’, a-t-il mis en garde, sur un ton de supplication.

Le Conseil d’Etat dédira-t-il la Cour de Cassation, laquelle a rendu une décision sans appel ? Attendons de voir. Et puis, comme dit plus haut, selon des indiscrétions, le procès des Acd devient forclos dès l’instant où le signataire des attestations villageoises qui se prévalait propriétaire des terres n’a pas cette qualité au terme du procès dont la Cour de Cassation vient de vider le délibéré. Désormais sans appel. La cause étant entendue, la sagesse ne commanderait-elle pas d’entamer des négociations avec les autorités villageoises du village de Modeste ?

Le Roi de Moossou condamné à trois mois de prison avec sursis il y a quatre ans

Nanan-Kanga-Assoumou-Pierre-Roi-des-Abouré-Êhê et chef du village-quartier de Moossou, dans la Commune de Grand-Bassam

Il y a plus de quatre ans, Nanan Kanga Assoumou Pierre avait été condamné à trois mois de prisons avec sursis par la section du Tribunal de Grand-Bassam. Des populations dissidentes du village de Modeste, se disant compatissantes, lui avaient apporté une compassion à sa cour royale de Moossou. A cette occasion, dame Kanté Gansiri, porte-parole et se disant très compatissante, avait soutenu l’action d’expropriation des terres des populations autochtones de Modeste à la suite de la réaction du chef de Moossou. ‘’Je ne suis pas là pour arracher le bien de qui que ce soit. Je prends ce qui m’appartient. Je n’ai rien contre le Tribunal. Ma condamnation n’a rien à avoir avec les terres de Modeste. Je suis condamné parce que je ne me suis pas présenté au Tribunal’’, avait dit le Roi de Moossou à ses visiteurs. Et de conclure : ‘’C’est maintenant que la guerre des terres va commencer’’, les avait-il rassurés, comme l’ont rapporté des confrères, notamment abidjantv.net et koaci.com.

Le chef du village de Modeste : ‘’Nous avons gagné le combat’’

Quand, serein et sûr de son affaire,  le chef du village de Modeste, Nanan Konney Ahoua Simon, au cours d’une conférence de presse qu’il a donnée mercredi 21 Mars 2016, tout en invitant le Président de la République à s’impliquer dans cette situation frustrante qui perdurait depuis 2006, et dans laquelle s’était même impliquée Madame Simone Ehivet Gbagbo, fille du village de Moossou et alors Première Dame de Côte d’Ivoire, demandait à ses populations de partager ses assurance et sérénité. Il était entouré, ce jour-là, des chefs et notables d’Azzuretti, Mondoukou, Petit-Bassam, Gonzagueville, etc., villages victimes de la vente illicite de leurs terres par le Suzerain. ‘’Notre combat est gagné’’, avait-il rassuré ses sujets au regard de la loi de 2001 sur la propriété foncière qui donne l’autonomie au village de Modeste, dans ses limites territoriales, avec un arrêté préfectorale le nommant en qualité de chef de village au même titre que son adversaire dont le village, comme tous les villages de Côte d’Ivoire, a aussi ses limites. L’Administration venait aussi d’interdire la vente des terres à Grand-Bassam.

Modeste, un village sur les dix que compte la Sous-préfecture de Grand-Bassam

Le village de Modeste est l’un des 10 villages de la Sous-préfecture et Commune de Grand-Bassam reconnus par l’Administration ivoirienne. Avec un territoire bien délimité pour chacun d’eux, et dirigés par des chefs détenant des arrêtés Préfectoraux ou Sous-préfectoraux. A ce titre, aucun document ‘’préhistorique’’ ni colonial ne saurait donner une prédominance d’un village, fut-il royaume, sur un autre, ce d’autant plus que le Roi n’est qu’une autorité morale qui exerce ses pouvoirs sur un territoire bien délimité. Sur une sphère géographique, et même linguistique. Comme les Rois des Agnis N’Dénié, du Djuablin, les Rois des Gbron, de Bonoua, de Bouna (le Bouna Massa), de Krindjabo, etc.

Laurent Nahounou
laurentmadoun@gmail.com