Je m’exprimerai bientôt sur la situation socio-politique de notre pays, après la déclaration officielle de Mme Simone Éhivet Gbagbo. J’ai entendu ses premiers mots de sortie de “prison”, suivis du discours des principaux dirigeants de sa formation politique. Le citoyen attaché au respect de l’exercice républicain du pouvoir peut y trouver à s’en inquiéter. À lire les commentaires et les propos tenus par ses partisans, le démocrate peut y trouver à s’inquiéter de l’expression agressive d’une résistance ou d’un combat politique visant à obstruer l’exercice paisible du pouvoir, et à exiger toujours plus de lui, sans tenir compte de la faisabilité de celles-ci, des délais qu’elles impliquent et de l’impact de telles exigences, sur le fonctionnement régulier des Institutions. Cette posture peut provoquer, des réactions en chaîne susceptibles de conduire au chaos, d’une part en sapant l’autorité du pouvoir et les fondations de la République, d’autre part en appelant des contre-réactions et un durcissement du Pouvoir. Ce mouvement étant porté pour le moment par un fond ethno-nationaliste et populiste, l’on peut raisonnablement craindre des dérives dans le futur. La métamorphose tarde à s’opérer (société, opposition, pouvoir), et le doute s’installe. Nous espérons une correction de trajectoire pour la suite du discours, car le doute est désormais permis sur l’efficacité de l’amnistie à changer la donne. Il est d’ailleurs, regrettable que le volet socio-économique et les grands sujets de société, soient ainsi évacués par cette actualité et la perspective des élections à venir, car c’est dans la résolution de ces questions prioritaires que résident essentiellement l’intérêt général de la Nation. Extrême politisation de la société Ivoirienne ? Trait culturel marqué par un caractère passionné du débat ? Surenchère politique et desseins inavoués de sédition ? Gestes et initiatives insuffisantes pour atteindre pleinement l’objectif recherché ?
Quand l’électeur potentiel qui a déjà refusé de s’inscrire sur les listes électorales ou qui a déserté les urnes par désintérêt, sait qu’il ne participera pas aux élections prochaines, ou pire, qu’il ne votera pas en fonction d’un projet de société, d’un choix idéologique ou programmatique, mais de l’attachement à une personne et ses représentations, le débat devient inopérant, voire inutile. La démocratie représentative n’y gagne rien, mais la société continue par contre de fabriquer en creux des pratiques sociales et des comportements politiques, qui grâce aux réseaux sociaux, à la presse d’opinion et à la révolution numérique, sont en train de défier l’État. La volonté de changement qui anime l’esprit du mouvement générationnel qui exprime par ailleurs une critique sur les réseaux sociaux, doit prendre soin de ne pas amplifier par écho cette contestation nihiliste et séditieuse, qui ne procède pas d’un esprit critique, mais d’un esprit systématique de critique. Elle doit résolument s’inscrire dans une logique constructive et non destructive, pour que son implication dans la gouvernance ou sa pression sur celle-ci, produise une valeur ajoutée participative, non pas à la crispation de la société, mais à la définition d’un idéal de société et contribue au renforcement de notre capacité dans la gestion de la chose publique, pour le mieux être et le mieux vivre des populations.
Or, force est de considérer que les mêmes causes produisant les mêmes effets, qu’il convient que la vigilance citoyenne soit plus éveillée en cette période pré-électorale, de reconstitution et de reconfiguration des forces politiques. L’ordonnance portant amnistie, a vocation pour partie, de permettre de tourner définitivement l’une des pages les plus sombres de notre histoire et de faire vivre le “plus jamais ça”. Cette impulsion forte à la dynamique de la réconciliation, pour connaître le succès escompté, doit obliger la société à s’organiser dans des dispositions qui le favorise, et non attendre tout de l’État pour participer à l’expansion de celle-ci ou rentrer dans la République. Nous en sommes les relais naturels et la courroie de transmission, pour l’approfondir et l’étendre. C’est autant la responsabilité de la société politique que celle de la société civile. Par hypothèse d’école, on pourrait se poser la question de savoir à qui serait attribué la responsabilité en cas d’échec de cette espérance ou de cette finalité ? On s’aperçoit tout de suite qu’il s’agira d’un nouvel échec collectif. Lorsque les Pouvoirs Publics sont dans l’impossibilité de proposer des solutions ou de satisfaire à toutes les demandes, la société doit prendre ses responsabilités à tous les échelons, prendre des initiatives et imaginer des solutions alternatives pour faire aboutir positivement le projet de société pour lequel il a opté et permettre la réalisation de l’objectif visé ou recherché. En l’espèce, la réconciliation, la paix sociale, l’unité nationale, la stabilité institutionnelle et l’ordre public et constitutionnel. Dans une société responsable et mature, l’État cesse d’être le carrefour obligé de la résolution de tous les problèmes. Il faut s’y faire et changer de mentalité. Par exemple a-t-on nécessairement besoin de l’État pour aller parler à des exilés de notre bord politique ? A-t-on besoin de l’État pour rentrer dans son pays ? Nous devons sortir de cet imaginaire jacobin, qui considère la Puissance Publique comme la seule légitime à devoir prendre des initiatives et poser des actions. Il en va de même de la fertilité économique, de la solidarité territoriale et de la fraternité citoyenne, ou encore, de la lutte contre la corruption par exemple (complicité passive). Nous devons apporter à tous les échelons de la société des réponses viables à nos problèmes, aux défis de notre société. La réconciliation et la paix sont des problèmes qui nous concernent directement et indirectement par leur impact sur l’intérêt général (développement, stabilité, paix sociale). Notre comportement et notre discours participent dans une certaine mesure, de la réponse et de la solution que nous pouvons leur apporter à l’échelon individuel.
CONCLUSION
Le Pouvoir est situé au confluent de courants politiques et d’opinion contradictoires, au centre de la compétition des priorités, et est l’objet de toutes les sollicitations et de toutes les critiques. Il a du souci à se faire et est occupé en permanence à répondre aux besoins et aux défis de la société et du développement. Il ne peut se démultiplier. Le pouvoir est de plus en plus dans une démocratie, une réalité éclatée, partagée en partenariat avec l’administration, les médias et les populations. Le Président de la République ne peut pas être partout et être comptable de tout, même s’il en assume la responsabilité politique. Par ailleurs, il n’a pas que l’opposition et la politique politicienne comme préoccupation. Celle ne doit pas être le nombril autour duquel toute la vie de la Nation doit se polariser. C’est du narcissisme, et l’égocentrisme de nos politiques nous perdra, si nous n’y mettons pas fin. Le Pouvoir est certes nationalement incarné, et paraît symboliquement toujours tout-puissant, mais il est le plus souvent dans la réalité, objet de solitude, d’incompréhension, d’ingratitude et d’injustice de la part du peuple qu’il sert. Il est plutôt juste, qu’injuste dans les décisions qu’il prend, et il ne ménage point son énergie et ses efforts dans l’action, en vue d’améliorer constamment la vie de ses concitoyens et les performances de l’État, mais lorsque son efficacité et ses insuffisances se révèlent, ou que les résultats dont il se réclame sont en décalage avec la perception qu’en a une majorité de citoyens, on pense à tort qu’on doit le jeter aux orties, sans autres formes de procès. Il n’est pas inutile de poser avant et maintenant la question du bilan, des moyens et des conditions de l’exercice du pouvoir et de ses limites, des perspectives d’avenir, du projet de société qu’il poursuit. Ne prenons jamais une impopularité comme un critère objectif de jugement, d’analyse, ou d’appréciation, parce que les invariants de la gouvernance ne changent que sur du très long terme (réduction massive du chômage, dette publique, relèvement substantiel du pouvoir d’achat, réforme profonde du système dont l’école). Croire le contraire est de la naïveté et dire le contraire est de la démagogie. C’est sur ces problématiques, traitées sous l’autorité de la rationalité et de l’objectivité, que doit se nouer le véritable débat, pour être utile à notre pays. C’est pourquoi le moment sera venu pour moi, de dire sans complaisance ma vérité sur la situation socio-politique, dès que les ténors de la vie politique se seront tous exprimés, notamment ceux des oppositions, dans le cadre de la nouvelle dynamique en œuvre (réconciliation. alliances, prétentions et perspectives).